you drive me wild - TAMSIN&ELIE

T'étais partie sur Boston en début de journée, t'étais allée au skatepark et puis t'avais ridé les rues. T'avais pris le soleil, lunettes sur le nez, cheveux attachés. Tu t'étais arrêtée prendre une bière, seule, et t'en avais profité pour lire un peu. Accompagnée de ton sac à dos, t'avais passé une belle journée, profitant du temps libre qu'il te restait. Tu repensais à tes dernières rencontres, à ces gueules de bois à répétition, à ces rires avec Lauri. Il te plaisait, ce jeune homme, à sa manière. A vrai dire Elie, fallait bien avouer que t'étais attirée par tout ce qui pouvait réfléchir un minimum avec intelligence. L'intelligence, c'était ça qui te faisait vibrer. Et puis Daya, ce bout de femme que tu n'aurais jamais pensé revoir à nouveau. Ta vie avançait, elle se chamboulait, t'attendais un quelque chose qui allait te réanimer. En réalité, tout suivait son cours, mais l'action n'était pas au rendez-vous. Tu soupirais, l'heure fatidique arrivait, tu devais bosser. Fatiguée, tu reprenais le métro, quand bien même l'heure n'était pas idéale. En fait, tu regrettais ton choix à la seconde où tu étais montée dans le wagon. Il faisait chaud, trop chaud. Les gens étaient là, près, trop près. Et tous collés, les uns contre les autres. Du bétail, vous n'étiez que des animaux, partant à l'abattoir. Tu levais les yeux au soleil quand cet homme ronchonnait en voyant ta planche, les hommes ne cessaient de te gonfler rien que par leur propre existence. Tu subissais, tu te promettais de descendre à la prochaine station, étouffée par la foule. Mais un parfum que tu aurais pu reconnaître entre mille venait se glisser sous tes narines. Tu humais l'odeur, parmi les transpirations, parmi les autres. Tu l'savais, tu l'connaissais ce parfum. Elie la sardine se retournait, cherchant de tes yeux bleus celle qui portait ce parfum d'audace, ce parfum de danger, ce parfum de passion. Tamsin, elle était si proche de toi, elle était là, à une personne. Tu demandais peut-être de l'action, mais t'avais pas demandé un ascenseur émotionnel. Pas aujourd'hui, que tu te disais. Et puis cette femme avait bougé, et vous vous retrouviez collées, l'une contre l'autre. Tu faisais toujours mine de ne pas l'apercevoir, comme une enfant qui ne voulait pas voir sa bêtise qu'on lui collait sous les yeux.

Je détestais prendre le métro. Je suis plutôt le genre de personne qui croit que tout peut se faire à pied. Oui, parfois ça joue des tours. En plan B, j'optais souvent pour un Uber ou une connerie du genre. Comme si j'étais assez riche pour ça. Comme si j'avais assez d'argent pour me permettre de jeter le peu que j'avais dans un chauffeur aussi sympa que le professeur d'informatique. Forcément, le métro, c'était vraiment le plan Z. Celui qu'on veut pas, celui qu'on préfère éviter, celui qu'on met de côté. Le plan de dernier recours. Allez savoir pourquoi, aujourd'hui, ça me semblait être une bonne idée. ça me semblait être supportable, si on oubliait l'heure, la foule et le reste. Si on oubliait surtout que mon compte en banque était vide et que j'attendais un virement de mon père, surtout. J'allais vivre une vie de sardine dans quelques minutes, en montant dans ce wagon. Ouais, bon, à en juger le nombre de gens, peut-être pas celui là mais le prochain. Je laisse passer quelques métros, peut-être trois. La station ne désemplie pas pour autant. Le prochain c'est le mien. J'entre, entre deux hommes en costard et une femme avec des courses. Disons qu'on s'en sort pas trop mal. La femme est à ma droite, et déjà, à peine deux stations passées, elle s'en va. J'ai faillis lui dire que ce genre de trajet, c'est faisable à pied. Deux stations, c'est se moquer du monde. Moi je suis là jusqu'au terminus et je suis persuadée qu'on peut lire la douleur de mes dix prochains arrêts sur mes yeux. La femme sort, c'est tout le wagon qui se mouve au rythme des gens qui descendent. La femme à ma droite s'en va, laissant un vide à une autre femme qui se rapproche, bousculé par les nouveaux passagers. Dans le mouvement, mon corps se tourne, face à cette femme. Son souffle est sur mon visage, je le sens. Mes yeux se relèvent, et c'est comme un électrochoc. J'aurais préféré que ce soit dans d'autres conditions. Son regard est posé ailleurs, mais Elie, regarde-nous. Je sais que tes muscles sont tendus, je sens que tu résiste. Tu l'a fais tellement de fois, je te connais tellement bien. Mon corps bouge contre le sien, au rythme des virages et des freinages du conducteur. Dans la volonté de me rattraper, mon pied écrase le sien. "Désolée." comme si nous n'étions que deux étrangères. Comme si mes lèvres n'étaient pas happées par les tiennes. Un autre mouvement brusque et ma main se rattrape à sa taille, serrant son t-shirt d'entre mes doigts, rapprochant mon corps au plus près. "je descends dans huit arrêts." je le précise, je te préviens. Il nous reste que peu de temps pour jouer à ce jeu là. Regarde-moi mélanger hasard et savoir-faire, regarde-moi détruire les murs et les barrières que tu t'es amusée à érigée contre moi. Je vais me faire un plaisir de venir tout détruire.  

C'était des loopings dans le coeur, comme si on tu te réveillais avant la descente d'un grand huit. C'était de l'adrénaline, c'était des hauts le coeur, c'était de l'appréhension, c'était l'envie de descendre du train. C'était l'ascenseur émotionnel, ici, dans cette rame de métro trop bondée. Tu soupirais, ton corps tendu comme un ressort, tu la sentais collée à toi. Tu ne démordais pas, tu ne voulais pas baisser les yeux. La regarder serait baisser les armes, accepter les mots qu'elle t'avait craché au visage. Et tu te remémorais son souffle court, ses mains sur tes hanches, les baisers fougueux que vous aviez échangés. Tu te remémorais les courbes de son corps, la douceur de sa peau, le grain de son dos. Tu te remémorais ses rires cristallins, ses cambrures sous le désir, ses sourires matinales. Tu te remémorais cet été là, ces plaisirs que vous aviez eu le loisir de partager. Et la course folle qui traversait ton esprit se stoppait lorsque son pied venait écraser le tien. Les jolis moments s'envolaient par la douleur, comme la fois où vous vous étiez vu dans cette chambre d'hôpital. Tu ne tournais toujours pas la tête face à son mot d'excuse, mais la prochaine secousse était peut-être un signe du destin. Tamsin te bousculait, se rattrapant du mieux qu'elle pouvait en saisissait ton t-shirt. Tu avais eu comme réflexe de la retenir, attrapant toi aussi sa taille. Son corps contre le tien, son souffle se mélangeant au tien. Tu soupirais à ses mots, tu voulais descendre au prochain arrêt. Puis tu résistais, tu ne voulais pas arrêter de vivre pour elle. Tu relâchais rapidement la prise que tu avais eu sur sa taille, tu tournais enfin la tête, plantant tes yeux dans les siens. "Et moi dans 6". Tu ne savais pas ce que tu voulais insinuer, ni même le jeu que tu voulais lancer. C'était comme ça, encore une fois. Tamsin et Elie, des balles perdues, des tirs manqués, de l'amour à l'envolé.

C'était comme un nouveau souffle. La sentir près de moi, me rattraper à elle, la laisser me rattraper quand je divague vers d'autres horizons. Son rôle n'a toujours été que ça. Elle était celle qui me ramenait vers elle, qui m'appelait de ses gestes, qui arrivait à me contrôler, rien qu'au moins pour une soirée. Aujourd'hui c'est différent. Son regard évite le mien, comme si elle ne m'avait pas reconnu, comme si elle ne savait pas exactement à quoi ressemblait ma silhouette. Je me souviens de toi dans les moindres détails, Elie. Je me souviens encore ce qui te fait frisonner, comment tu aimes dormir et les marques que tes joues prennent quand tu souris. Je t'annonce mes arrêts, mais c'est surtout pour juste te lancer un mot, quelque chose. Pour te dire pendant combien de temps encore mon corps sera contre le tiens. Est-ce que toi aussi tu le ressens, ce manque ? "Et moi dans 6" le sourire est au coin des lèvres, mes épaules se haussent. Comme d'une invitation qui n'a pas besoin de réponse, "J'peux aussi m'arrêter dans six arrêts, c'est pas si loin de là où j'vais." Le métro change de direction, le virage sur la droite est plus violent que ce que à quoi je pouvais m'attendre. Nos corps partent à la dérive, s'éloignent pour mieux revenir l'un vers l'autre. Tu vois, même nous on y peut rien. Ma main s'avance doucement et attrape le bas de son t-shirt, encore ample sur ses hanches. Je me retiens pas, cette fois. Les doigts jouent avec le tissu, remonte lentement pour finir par discrètement frôler du bout des doigts le ventre de la blonde. Je la regarde, me pince les lèvres, alors que mes doigts dansent sur sa peau, la frôle, joue. C'est comme des électrochocs à chaque fois, mais le mieux, c'est ta réaction. Le plus beau, c'est ton visage. Celui qui te trahi, qui dit tout en essayant de rester fixe. On a passé, c'est dommage. Sans ça, je n'y aurais vu que du feu.

Sans issu, sans porte de secours, sans choix. Tu te retrouvais coincée là, à ses côtés. L'incendie commençait à prendre, tout autour de vous, il s'emparait de ton corps, de ton coeur, de tes pensées. Tu te consumais, lentement, au rythme des flammes que le métro faisait danser. Tu commençais à avoir chaud, tu commençais à suffoquer. Putain, trop de sensations, trop de souvenirs, trop de tout. Tu soufflais nerveusement à ce qu'elle répondait. Tu ne voulais pas la voir descendre avec toi, tu ne voulais pas être en sa compagnie plus longtemps. A quel prix, cette fois-ci ? C'était le problème avec Tamsin, toujours là à te faire suffoquer, toujours là pour te blesser de ses mots assassins. Tu fronçais les sourcils. "Sans façon". Tu finissais à peine tes mots que les secousses retentissaient à nouveau, vous éloignant. La vague avait apaisé le feu, mais ce dernier repartait de plus belle envergure. Vous étiez si proches l'une de l'autre que tu sentais son parfum, celui que tu humais si souvent entre ses seins. Tu te souvenais de ces nuits, à ses côtés, à l'entendre respirer et rêver. Tu sentais une pression sur ton tshirt, t'étais agacée, fatiguée. T'avançais ta main pour dégager la prise, seulement Tamsin avait déjà glissé ses doigts sur ta peau. Tu frissonnais à ce contact, replongeant dans vos nuits d'amour, de passion. Ces nuits d'été aux bords des routes, ces nuits folies, ces nuits d'envies. Tu la laissais faire, et toi fermant les yeux, t'appréciais. Un instant, juste un instant, juste là comme ça. Une secousse rugissait à nouveau, soufflant sur vos corps, vous étiez des plumes, vous vous baladiez. Elle était collée à toi, il était impossible de rompre le contact. Tes lèvres si proche de sa peau, de sa tempe, de ce baiser que tu voulais lui voler. Tu finissais par attraper sa main, violemment, tu tentais de la dégager. "Arrête de jouer, t'as terminé le jeu à l'hôpital" que tu tentais de lui rappeler. Tu fixais ses yeux, dégoûtée, passionnée, attristée.

Je sens sa peau qui frisonne à mon contact, je sens qu'elle est sensible encore à moi. Je le sais, je le sens. Je le suis encore, possiblement moins qu'elle. Elle apprécie, elle aime le contact, je le vois. Je reconnais ses mimiques, je reconnais le visage qu'elle fait, je le reconnaitrais entre milles. Je sens même son souffle contre moi. Je le sens. Et quand je sens qu'elle allait craquer, quand je sens que les deux prochaines secondes allaient être décisives, elle me repousse. Trop violement pour que j'y sois préparée. "Arrête de jouer, t'as terminé le jeu à l'hôpital" je la regarde en fronçant les sourcils, cet espèce de sourire triste au coin des lèvres, "oh donc t'es encore rancunière ?" j'hausse les épaules, gardant mes distances. "c'est comme tu veux" je regarde ailleurs, "si tu veux qu'on continue de s'ignorer, alors d'accord, mais c'est ton choix." le tiens, tu as bien entendu. Ton choix, pas le mien.

L'truc avec toi Elie, c'était que t'étais une nana sans limite, sans contrainte. T'avais aimé, tu aimais, tu vivais l'instant, tu profitais, tu rêvais. T'étais comme ça, sans te soucier des représailles. Avec Tamsin, ça avait été un ascenseur, un grand huit fait de loopings. Le problème c'était que le train avait déraillé, il t'avait expulsé bien loin des sensations fortes. Elle-même t'avait rejeté, elle-même avait causé cet arrêt brutal. Peut-être parce qu'il en était trop, peut-être parce que cela avait trop duré. La pilule ne passait pas, sûrement parce que tu l'appréciais la brune, bien plus que tu ne l'imaginais. Tu la voyais te répondre avec cet air de dédain, tellement marqué que tu l'aurais bien giflé. "J'suis pas ta chose qui doit revenir dès que t'en as envie, tu l'as dit toi-même, je ne suis qu'un jouet" que tu rétorquais à ses mots. Parce qu'elle avait décidé ce jour-là, ce jour avec ses mots claquants que t'avais pas aimé, surtout détesté, dans cet hôpital que t'avais fréquenté juste pour être à ses côtés. Elie tu voulais bien être à ses côtés, elle-même avait décidé de t'éloigner. Tu lâchais son regard, l'ignorant, mordant ta joue. Tamsin était cette irrépressible envie d'amour et de haine, de l'embrasser et l'embraser une nuit durant, lui faire l'amour comme jamais... puis la seconde d'après, d'exploser son crâne contre un trottoir pour qu'elle finisse par se taire. "C'était ton choix à l'hôpital d'me dire que je n'étais rien, que tu t'étais tapée la moitié de l'université, que j'étais là pour te divertir et que je ne comptais pas pour toi. C'était ton choix, tes pensées. Arrête de faire la gamine comme si ce n'était pas de ta faute cette ignorance et ce froid entre nous, parce que t'es l'unique personne de nous deux qui a cessé d'alimenter ce qui se passait". Elle y avait mis un terme, et ta fierté avait été piquée, oh ça oui. Le métro ouvrait la porte, nouvelle vague humaine, éloignée d'elle que tu étais.

Le problème avec Elie, c'est que tout avait été trop. Nous étions trop belles, trop passionnées, trop jeunes. On l'est peut-être encore beaucoup trop. Trop attachée, l'une à l'autre, bien malgré la rancune. Trop en colère, l'une pour l'autre, aussi. Elle, surtout. Moi je le vivais bien, j'étais celle qui avait le choix de partir. De quitter le navire. "J'suis pas ta chose qui doit revenir dès que t'en as envie, tu l'as dit toi-même, je ne suis qu'un jouet" souris, hoche la tête. Comme si je le pensais toujours. Comme si je l'avais déjà pensé. J'avais dis ça pour la blesser, et ça avait fonctionné. C'était facile à dire, facile à lui faire croire. J'étais une bonne menteuse, et j'étais celle qui restait cachée, qui jouait dans ton ombre. "C'était ton choix à l'hôpital d'me dire que je n'étais rien, que tu t'étais tapée la moitié de l'université, que j'étais là pour te divertir et que je ne comptais pas pour toi. C'était ton choix, tes pensées. Arrête de faire la gamine comme si ce n'était pas de ta faute cette ignorance et ce froid entre nous, parce que t'es l'unique personne de nous deux qui a cessé d'alimenter ce qui se passait" les gens autour de nous la regarde, puis me regarde. Comme si ce soap opera avait un réel enjeu, comme si nous étions toutes deux reines dans un monde si petit que nous sommes tous collés. Un silence s'installe dans toute la rame de métro, les portes s'ouvrent, de nouvelles personnes entrent, et rapidement, alors que la fermeture des portes gronde, j'attrape sa main et la tire à l'extérieur. Les portes se ferment derrière nous, nous laissant seule sur le quai. C'est mieux. Je garde sa main jusqu'à la tirer contre ce mur, à côté du distributeur. On est cachée par ceux qui arrivent, mais c'est tout. Comme d'un instinct, mon visage s'approche du sien. Probablement trop près, parce que son souffle contre le mien met mon cœur dans un état insoupçonné. C'est beaucoup trop fort pour être contrôlé. Sans prévenir, mes lèvres attrapent les siennes, juste comme ça, rapidement. Trop rapidement peut-être parce que je ne contrôle pas non plus la fougue qui s'en suit. La main qui passe sous son haut, juste pour y sentir un bout de sa peau. Ma main qui se cale dans sa nuque, rendant le tout trop fort. Le problème avec Elie, c'est qu'on est toujours trop.