Joyeux beau bordel (Lexi & Mira)

Au début ça t’as fait tout drôle. D’te retrouver toute seule dans cette baraque qui sentait bon le caramel maison, qui sentait trop souvent les joints fumés avec ta super mamie. Mais qui sentait aussi les fleurs. Parce que ta super mamie elle mettait des bouquets d’fleurs un peu partout. T’en as encore quelques-uns dans ta chambre. Puis y’a trois autres chambres de libres. Enfin. C’était au début. Au début c’était vide. Trop calme.
Puis depuis quoi, quelques heures seulement, tu t’es retrouvée avec deux colocs.
Ça s’est fait sur un coup d’tête.
Un équipage au complet ou presque.
Un air de pirates.
Trois jeunes un peu en galère. Qui ont un toit sur la tête.
Trois jeunes adultes pas trop responsables. Ou un peu s’ils sont tous ensemble.

Des fringues de mec qui traînent. Des mégots d’clopes dans un cendrier.
Ça s’est fait sur un coup de tête.
Parce que c’est pas ton genre d’laisser quelqu’un dans la galère. Tu t’souviens plus trop d’comment ça s’est fait, mais le lendemain, y’a eu Lexi qui est venu s’installer.
Puis Mira. Une blonde tatouée, qu’tu connais pas trop, mais si Lexi la connaît, alors forcément ça doit être une nana cool.
C’pour ça en fait que ce soir, en rentrant d’ta journée passée dans ton food-truck, t’as décidé d’organiser un petit barbecue entre colocs. Histoire d’faire mieux connaissance. Histoire d’boire quelques bières avec les deux squatteurs.

Alors tu leur as envoyé un texto, le même pour les deux, pour les prévenir qu’ils avaient pas intérêt à manger avant d’rentrer à la maison. Votre maison. Heureusement que ta grand-mère est pas là pour voir ça. Quoi que, la connaissant ça n’l’aurait pas dérangée plus que ça.
Puis t’as lancé le barbecue dans le petit jardin, les bières au frais dans une glacière, le soleil encore dans l’ciel à cette heure-ci. Et tu les as attendus.

C'était une opportunité complètement dingue que t'avait offerte la vie. Ce pari complètement fou d'aller vivre en colocation et non complètement solo comme j'avais l'habitude de vivre. Je ne sais plus pourquoi, comment, mais j'avais débarqué dans cette baraque de mamie, poussée par l'incorrigible Lexi. Immédiatement, l'idée m'avait séduite car l'habitation se trouvait sur Harbor Area, et je n'en demandais pas plus, mis à part la tranquillité si jamais je me retrouvais avec d'autres colocs peu conciliants. Enfin, j'allais bien voir, je n'étais pas encore à ce stade. J'avais fait mon déménagement en express, dormant dans la voiture la veille et déposant mes affaires vite fait dans la baraque le lendemain juste avant d'aller bosser. Je ne connaissais pas vraiment celle qui était à l'origine de tout cette aventure, digne d'une piraterie, avec son équipage au complet. Tout ce que j'avais, c'était son nom et son numéro, qui s'affichait justement sur mon portable pour m'annoncer que ce soir, y'aurait sûrement dîner entre colocs. Mi-stressée mi-impatience, je revenais du boulot. Une odeur de feu emplissait mes narines, c'était sans doute un barbecue, pensais-je. Je me vêtis de mon plus fake sourire, je ne savais pas trop faire dans les émotions, ce n'était pas trop mon délire. Mais autant bien s'entendre de suite, sait-on jamais.

« Salut » lançais-je de but en blanc en m’avançant vers la table du jardin où trônait certainement ladite coloc principale
« Tu dois être Nausicaa, c'est bien ça ? »

Je cherchais Lexi du regard mais il n'y avait que nous deux pour le moment, deux gonzesses.

La piraterie : @Nausicaa Sparrow @Lexi C. Andréani

Les gens je les aime pas. Ils m'insupportent souvent, m'indifférent tout le temps. Je me fous de leurs histoires, de leurs souvenirs, des problèmes qu'ils ont à raconter en tapotant gentiment la tête de leur Labrador, Timmy, celui qu'ils ont adopté pour compenser l'imbécillité de leurs trois gosses. C'est pas le genre de vie dont je rêve, d'ailleurs je rêve pas. Je vis. Je pars. Je reviens. Je fais ce que je veux, tout le temps. Je suis putain de libre. Vous allez faire quoi contre ça ? Vous allez faire quoi contre moi ? C'est bien ce que je me disais : rien. Mais les gens il en faut, au moins un peu, pour boire une bière, pour sourire, pour pas être seul quand l'enfer vous réveille la nuit. Alors je l'ai choisi, elle, Nausicaa. Je sais pas trop comment, je sais pas trop pourquoi, mais c'est tombé sur elle. J'avais besoin d'un endroit où dormir, loin du campus et des étudiants, la moitié d'entre eux attendait le retour du héros, l'autre moitié rêve encore de me voir mort. Alors ce sera elle, la baraque de la vieille et Mira, que j'ai embarqué de force avec moi. Ce sera chez nous.

Un texto. Un ordre mal dissimulé. Un barbecue. Je souris presque en garant ma vieille Mustang devant l'entrée, ça sent l'Italie ici. Les grillades au milieu du quartier, le temps où je savais encore rire. Une bouteille de whisky dans une main, un litre de vodka dans l'autre. J'arrive en retard, comme toujours. J'avais un truc à faire, un truc à vendre, un truc à régler. Elles vont l'entendre souvent. « Lexi, désenchanté. » Que je lâche en leur claquant la bise, en me présentant comme si elles ne savaient pas déjà qui j'étais. Le meilleur pour la fin. Je dépose les bouteilles dans la glacière que Nausicaa a laissé en évidence, sort une Marlboro Gold de mon paquet abîmé, l'allume et laisse la fumée blanche s'envoler au dessus de la Piraterie. Un oeil dessus, je jauge du regard cette vieille baraque qui doit raconter trop de choses. « Y'a moyen de tomber sur des fantômes au p'tit déj.. »

Prendre des décisions sur des coups d’têtes, t’en es la reine. Proposer des plans tordus, t’en es la championne aussi. Lexi, ça a été tout d’suite clair comme de l’eau de roche pour l’choisir lui comme coloc et pas un autre.
Tu serais devenue probablement folle, toute seule, dans une grande baraque comme celle de ta super mamie, alors un moment ou un autre, t’aurais balancé sur le net et dans l’journal local une annonce comme quoi tu cherchais des colocs.
Mais au final, t’en as pas eu besoin. Parce que t’es tombée sur Lexi y’a quelques jours à peine et l’voilà qui a débarqué chez toi, en amenant sûrement une amie à lui comme coloc en plus.

Toi ça n’t’as pas dérangée. Plus on est de fous, plus on rit pas vrai ? Enfin normalement. T’as pas envie d’te prendre la tête avec tes colocs, t’as réellement envie que tout s’passe bien et puis comme t’es pas chiante, t’as même prévu un petit barbecue au calme avec eux. Histoire que ça commence bien.
Alors ouais, tu les as attendus dans votre jardin, les saucisses qui commencent à griller, la bonne odeur qui s’fait sentir, puis la première coloc est arrivée, Mira. T’as encore jamais eu l’occasion de réellement te présenter à elle. Du coup t’as affiché ton plus beau sourire en venant à sa rencontre.
«Ouep, bingo, ravie d’voir que tu es venue. J’étais pas sûre que t’étais dispo ce soir, va falloir qu’on cause emploi du temps haha.» t’essaies de détendre un peu l’atmosphère jusqu’à l’arrivée de Lexi.

«Arrête d’te faire désirer, ou j’en connais un qui va finir coincé à l’extérieur.» sourire taquin, tu lui claques la bise à ton tour ne sachant pas trop si Mira est du genre tactile ou pas, ou à faire la bise ou pas.
«T’as fini d’dire des conneries ? La baraque de ma grand-mère est pas si vieille que ça. Si elle était pas en maison d’retraite, elle t’aurait botté le cul, crois-moi.» tu lui tires la langue puis tu t’adresses à tes deux colocs. Aux deux moussaillons.

«Bienvenue chez moi. Enfin, c’est chez vous maintenant. J’suis bien contente d’vous avoir comme colocs vous deux, j’aurais pas tenu une semaine de plus toute seule ici. Servez-vous, faites comme chez vous, y’a des bières dans la glacière et des saucisses en train d’griller.»

Je ne savais pas trop dans quel délire Lexi m'avait, une fois de plus, embarquée, mais j'allais bien voir. Bien sûr, j'avais respecté la consigne de ne pas manger avant d'arriver à la baraque, ça aurait été totalement débile de bouffer avant un barbecue. Un barbecue, putain. Moi qui faisait office de bonne carnivore parmi cette piraterie du fait que je ne mangeais strictement pas de poisson ou de fruits de mer, je sentais que Nausicaa marquait déjà un bon point. Mais attendons de voir le caractère de cette dernière, ce n'était pas dit qu'il était compatible au mien. Déjà que ça relevait du miracle que je le sois avec Lexi.

Je m'étais donc pointée comme convenue, à jeun, et commençait à faire connaissance avec la dénommée Nausicaa. Hein, quoi, un emploi du temps ? J'étais en train de beuguer complet.

« Euh ouais, si tu veux » lui répondis-je, en souriant un peu nerveusement.

Finalement, le retardataire décida de pointer le bout de son nez.

« Mira, pareillement » lui répondis-je histoire d'entrer dans son jeu et en lui rendant sa bise par la même occasion.

Je m'installa sur une des chaises de jardin, tandis que l'autre se mit à causer fantômes. La petite Nausicaa défendait la maison de sa grand-mère corps et âmes, ça en était presque touchant, moi Mira, celle qui ne faisait pas dans le mélodramatique.

« Je sens que je vais en avoir un qui va me réveiller la nuit parce qu'il arrivera pas à dormir » le taquinais-je.

Après un discours de bienvenue presque aussi émouvant que celui sur le taudis fait plus tôt, je me pris une bière alors que j'aimais pas ça, mais bon il ne semblait y avoir rien d'autre et ce n'était pas comme si j'avais eu le temps de faire les courses entre-temps.

« Ben merci à toi de nous héberger dans la modeste demeure de ta mamie » dis-je en levant ma bouteille de bière pas encore ouverte, attendant que les autres aient chacun une boisson pour pouvoir trinquer tous ensemble.

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La piraterie : @Nausicaa Sparrow @Lexi C. Andréani

C'était pas un délire, c'était une urgence. Il me fallait un toit et il me le fallait vite. Nausicaa s'est trouvée sur mon chemin, radieuse, presque trop, un peu tarée et pleine de vie. Trop pour moi. Pile le genre de nanas auxquelles j'ai plus envie de coller un point entre les deux yeux, mais c'est ma valise que j'ai collée dans son coffre. Et pourtant.. pourtant je suis là et j'ai embarqué Mira avec moi. « Mamie est suffisamment vieille pour que toi tu sois plus si jeune. » Que je lâche dans un demi sourire en tirant une nouvelle bouffée de ma cigarette en écoutant son petit discours mal ficelé. J'étouffe un rire moqueur en recrachant la fumée blanche. Je plonge la main dans la glacière pour en faire ressortir une bière fraîche, ressort le Zippo de ma poche pour la décapsuler et la lever vers le ciel de Boston. Le nôtre. « A Nausicaa, la grand-mère et à cette putain de piraterie ! » La Budweiser vient claquer contre celle que je viens de tendre à Nausicaa et puis contre celle de Mira, taquine. « Si j'te réveille dans la nuit parce que j'arrive pas à dormir, c'est pas un fantôme que tu vas sentir. » Le bout de ma langue vient la narguer entre mes lèvres avant de les laisser tremper dans la boisson. A vous. A nous. Et maintenant ? Et maintenant ça commence.