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1,2,3 tutto ha un inizio
Il paraît que tout se joue à la première seconde, qu'à l'instant même où tu poses les yeux sur le Monde pour la première fois, tu es conditionné à devenir exactement ce que tu deviendras. Dans l'équation, il y a ton lieu de naissance et celui dans lequel tu vivras, la famille avec qui tu grandiras, le milieu avec lequel tu composeras. Point. Le reste.. tes choix, les événements, ce que tu es ne dépendra que de ça. Tout le reste ne dépendra que de ça. Je suis né à la Scampia en Italie, quartier réputé pour être l'un des quartiers les plus dangereux d'Europe d'une mère célibataire encore adolescente, abusée, désabusée, abandonnée. Je suis né et j'ai grandi dans un foyer spécialisé mères/enfants pour celles qui n'ont pas le choix. Alors, qu'est-ce qu'elle pouvait bien présager d'autre mon équation à moi ?
Rien. Je n'ai pas eu d'enfance malheureuse, aucun foutu traumatisme affectif. J'avais
la mamma, on apprenait ensemble, on était deux. On était deux et ça suffisait.
"On n'a rien, excepté les couleurs.", c'est ce qu'elle disait à chaque fois qu'elle croisait mon regard froncé de frustration devant les vitrines des pâtisseries italiennes ou les magasins de jouets. Les couleurs.. elles sont belles, mais elle ne calme ni la faim ni la colère. Alors, c'est comme ça qu'on a grandit ensemble, avec des couleurs partout et rien dans les poches. Quand j'ai soufflé ma cinquième bougie, on a quitté le foyer et elle nous a déniché une petite piaule modeste au centre du quartier. Clairement, c'était merdique, en dessous de tout mais si vous aviez pu voir le sourire que ça lui donnait.. d'être libre. J'aimais le parquet grinçant et les fissures dans les murs qui me racontaient leurs secrets quand, la tête contre la fenêtre, j'essayais d'imaginer ce qu'il y avait derrière les bâtiments. J'aimais ma mère et sa voix qui me berçait en latin. Je crois que c'est comme ça que ça a commencé, les sentiments qu'on ne montre pas. Je lui cachais mes envies, mes espoirs, ceux qu'elle ne pourrait jamais assouvir. Je la protégeais. A force de les enfermer dans cette minuscule boîte mentale, je crois qu'ils ont arrêté de venir.. Les sentiments. Je n'en avais rien à foutre des couleurs de notre Monde, les seules que j'aimais regarder moi, c'était les siennes.
4,5,6 il tuo destino no
Mais vous savez, les couleurs elle ne restent pas. Elles s'abîment doucement d'avoir trop prit le soleil, d'avoir trop égayé le Monde. Le mien. J'avais douze ans et on jouait toujours à ce jeu débile en rentrant à la maison, on ne devait pas poser le pied sur les jointures des pavés. On ne savait pas trop ce qu'il se passerait si on le faisait, peut-être rien, peut-être tout. Était-ce par habitude qu'on avait continué à le faire ou parce qu'on n'avait pas envie de découvrir le secret des pierres ? Ton petit sac bandoulière ricochait sur ta hanche à chaque fissure que tu sautais derrière moi.
- Plus vite maman ! La douce naïveté des mots s'envolent par dessus mon épaule.. jusqu'à toi. Un regard sur ton sourire rieur, celui qui ne trahit pas ta jeunesse fatiguée, celle que je t'ai volé. Mais là, là c'est moi qui vole au dessus des failles, je ne savais pas encore qu'on pouvait s'y engouffrer à tel point qu'on ne pourrait plus jamais en sortir. Je ne t'attends pas, je ne t'attends jamais parce que je veux toujours être le premier arrivé. Peut-être que tu aurai dû passer devant cette fois mamma.. Les mains en appui sur mes genoux, mon souffle se cherche entre mes éclats de rire. Et toi ? Le temps se fige quand je me retourne pour me vanter d'être encore le premier. Je ne suis pas le putain de premier, je suis tout seul. Parce que toi tu voles plus, t'es allongée, inerte en plein dans les failles. T'as perdu.. Et d'un coup, il n'y a plus de couleurs. Tu les as toutes gardé emprisonnées sous tes paupières closes comme un secret qu'on n'a pas eu le temps de murmurer à son enfant. Il n'y a plus que du noir, du blanc, du gris. C'est triste et c'est froid. A cause de toi. Les passants accourent, ils pressent leurs doigts chauds sur ton poignet qui refroidit. Et leurs regards sur moi, leurs regards putain.. Je ne sais pas faire moi mamma, il faut que tu restes là, je ne sais pas comment on peint le Monde comme toi quand on est tout seul.
Le monde a continué de tourner. Trop vite. Trop fort. Il ne t'a pas attendu. Je le détestais pour ça, je détestais les gens qui continuaient à sourire, qui continuaient à rire et à chanter. Je détestais ton alcoolique de sœur qui faisait semblant d'être toi mais qui ne te ressemblait pas. Est-ce que c'est eux qui n'avaient plus les couleurs ou est-ce que c'est moi qui ne pouvais plus les voir ? Et c'est à ce moment que les sentiments ont réellement cessé de venir, peut-être que la petite boîte dans ma tête était trop pleine et que je n'en avais plus besoin maintenant. Il ne restait que le vide et c'est lui le plus dangereux parce qu'on n'a plus peur de rien quand on n'a plus rien à perdre. Il faut faire attention sinon on peut se retrouver à quatorze ans en train de refourguer des stup à des trentenaires camés depuis trop longtemps, de ceux qui se foutent de ton innocence et qui n'hésitent pas à chatouiller ta tempe du métal froid de leur arme. Il faut faire attention sinon tu pourrais apprivoiser le danger, le connaître par cœur et puis l'aimer, n'aimer plus que lui. Tu pourrais ne plus rien faire que de marcher en équilibre sur la fine corde qui sépare le bien du mal, la terre du vide, le vide des étoiles. Il faut faire attention parce que tu pourrais vite entrer en léthargie, un coma constant, une distorsion persistante de la réalité, là où tu ne ressens plus rien. Oui, il fallait faire attention.. Mais c'est la faute à l'équation.
7,8,9 tutto avrà una fine
Et ça a continué pendant de longues années, chacune m'enfonçait un peu plus en enfer, elle me rendait toutes plus imperméables à la vie les unes après les autres. Mais personne n'y voyait toujours rien, j'étais Lexi. Ce putain de Lexi, fort, courageux, celui qu'on respecte mais dont on se méfie. Celui qui a prit un an ferme après avoir entaillé le crâne d'un mec sur vingt centimètres. Oui celui-là, enchanté. Et c'est là-bas qu'un de mes co-détenus à lancé ce défi stupide, en glissant au détour d'une conversation que
"c'est pas comme si l'un de nous pourrait finir à Harvard". J'ai haussé un sourcil devant sa moue résignée. Si, c'est comme si. Le pari était lancé et deux ans plus tard, je me retrouvais aux portes de l'université, un sourire fier accroché aux commissures de mes lèvres, un œil sur le ciel et l'autre sur l'avenir. Je n'avais pas changé depuis mes douze ans, je voulais toujours être le premier. Je gagne toujours. J'avais du jouer de mes nombreux contacts, jouer les contacts des clients de mes clients, travailler, mettre en pause le business, omettre la case prison, controverser quelques papiers, mentir. Beaucoup mentir. Mais j'y étais arrivé, à vingt ans j'étais officiellement étudiant en administration et gestion à Harvard. J'ai mené les deux ans qui ont suivis une vie presque normale, une vie d'étudiant partagée entre la fête et les cours, les rencontres, le sexe et les potes. Deux ans.. mais ce n'est pas suffisant pour éloigner les démons. Ils rôdent, ils attendent dans l'ombre. Deux ans.. et puis je me suis fait définitivement exclure après avoir défigurer un type sur le campus. Un autre secret.. une autre histoire.. Et puis j'ai disparu, littéralement pendant un an. Enfermé dans un autre monde qui n'était pas le vôtre, en enfer.
Mais c'est aujourd'hui. C'est aujourd'hui que je reviens. ________________________________