je crois que j'ai rêvé que ce soir je mourrais (cheyenne)

Il court. inlassablement. Cette longue route à perte de vue, il s’essouffle. Peu à peu, il se sent lessivé. Ses membres sont faibles, il perd de sa vitesse. Son cœur s’accélère : il lui semble que sa cage thoracique va exploser. Pourtant, sa course ne prend fin. Comme si quelque chose le poursuit, le traque dans l'ombre. Cette réflexion lui fait sentir un souffle sur son cou, presque une présence dans son dos. Tapi derrière lui, sévit le mal. Un monstre, peut être. Un gros chat, espère-t-il simplement. Il redouble de cadence, redoutant cet être mystérieux. Sa vue se trouble, il se sent ralentir. Happé vers l'arrière, il perd du terrain. Il défaille. Il hurle, il tombe dans les abîmes de son inconscient. La chute est douloureuse, pesante. difficilement, il se relève. Ses yeux peinent à capter le peu de lumière dans cette pénombre. Son cœur s'acharne toujours contre sa cage d'os. Petit à petit, sa vision s'adapte. Il discerne les murs, et même quelques meubles de la pièce. Sa respiration ne se calme pas pour autant, il est encore hanté par ce rêve étrange. Cette impression d'être suivi, guetté par quelque chose le prend, l'absorbe. Il tremble presque. Il sent presque idiot, derrière toute cette crainte. Il se remémore son enfance, peuplée d'atroces cauchemars. Tous les mêmes. D'avantage inquiétants et perturbants chaque nuit. Chaque soir, depuis près de cinq ans désormais. Cinq ans qu'il a perdu l'audition. Alix tente de ramener la couverture sur son corps flageolant, mais sans succès. Sa gorge s'assèche tandis qu'il met la main sur son portable. trois heures deux du matin. constate-t-il avec un soupir. Il hésite à se rendormir, sachant qu'il n'y arrivera surement pas, trop poursuivi par cette horrible sensation. Difficilement, il se lève. Il part chercher du réconfort chez sa grande amie, Cheyenne. Il sait qu'elle lui prêtera oreille attentive, enfin, il espère. Doucement, il remet son jean qui trainait là, ce slim vagabondé partout, le genre de truc qui a vécu plus que toi. Il rajuste son t-shirt nirvana, puis parcourt le peu d'espace qui le sépare de la cloison, endroit où il s'arrête. Il ne préfère pas plus, ce serait trop intrusif. Il toque, timidement. Regrettant presque aussitôt son geste. Il prend son courage à deux mains. Il pèse ses mots. cheyenne ? je... Il hésite, encore. Il risque de passer pour un gamin. Peu importe. Il a confiance en elle. j'ai fait un cauchemar. Il marque une pause. Puis, timidement : j'ai le droit de venir ? il espère presque qu'elle soit trop endormie pour l'entendre.

Il la regarde le temps de quelques secondes. Même ainsi, il la trouve très jolie. Même un t-shirt trop grand n'arrive pas à atténuer sa beauté. Il sourit, timidement. La pénombre est trop importante et dévorante pour qu'il puisse discerner ses paroles, ainsi il ne fait que deviner. Son expression le rassure, il craignait de l'avoir dérangée. Cheyenne s'écarte de l'entrée, le laissant par cette occasion pénétrer dans sa chambre. Il s'approche d'une lampe, afin de parler, ne serait-ce qu'un peu avant de prendre lui-même la parole. « J'espère que je t'ai pas tiré d'un beau rêve... » avance-t-il tout en rougissant un peu. Alix relève le regard, cela le gêne un peu, d'être accroché aux lèvres d'une personne. Dépendant en quelque sorte. Dire qu'il est venu rechercher ici sa liberté ! Il se sent un peu idiot, alors il tente de se justifier. « ce cauchemar, je le fais depuis cinq ans. » entame-t-il, avant de poursuivre. « l'pire, c'est que c'est toujours le même. » Encore plus déroutant à chaque fois. Ce sentiment d'être une proie traqué le quitte peu à peu : parler le libère. « et... j'arrive jamais à dormir après. » Termine-t-il. Il se souvient des nombreuses fois où il rejoignait l'une de ses jumelles, ils parlaient ensemble des heures durant. Elle seule parvenait à lui faire disparaître ses peurs. Sa peau continue de se teinter de rouge. Peu à peu : on dirait presque un coquelicot. « tu dois me prendre pour un con, ou pour je sais pas trop quoi... »

Il devine sur ses lèvres qu'il a bien fait de venir. Il esquisse un sourire timide, tout en passant une main dans ses cheveux. Il se sent étrangement bien en sa compagnie, comme on l'est avec une vieille connaissance. Pourtant, ces deux là ne sont amis que depuis quelques mois, tout au plus : ce qui ne l'empêche pas d'avoir plus confiance en elle qu'avec n'importe qui d'autre. Dire qu'il se méfiait des filles avant de la connaître ! Ils les trouvaient un peu trop lunatiques en somme. Il craignait toujours leurs réactions, souvent saugrenues. Cheyenne baisse les yeux tandis qu'Alix admire son visage, avant de s'en détacher. Elle semble être en pleine réflexion alors qu'il se contente de jeter un regard circulaire à la pièce, comme pour dissiper sa gêne. Il sursaute presque lorsque son amie se dirige jusqu'à son lit, étant lui-même perdu dans ses pensées. Dès qu'elle l'invite d'un signe, il la rejoint d'une démarche un peu gauche. Elle a aussi le don de lui faire perdre ses moyens. Sans un mot, il s'assoit près d'elle. Le rouge lui monte aux joues : c'est une situation étrange, pense-t-il. Agréable, ajoute-t-il. Enfin, avant qu'il ne se mette à toussoter sous l'effet de la fumée. Il n'a jamais été très familier avec la cigarette, il a toujours cherché à l'éviter, mais peut importe. Sans vraiment s'en rendre compte, il pose sa tête sur l'épaule de Cheyenne. Alix se décide enfin à briser le silence. « merci. » Il marque une pause avant de poursuivre. « t'es vraiment géniale, tu sais ? »

elle écrase sa cigarette. elle n'était pas obligée, pense-t-il avec un élan d'affection pour son amie. bientôt, elle fait fuir prestement la fumée. il sourit, et hésite longuement à l'enserrer dans ses bras. malgré son envie, il se réprime. c'est sa meilleure amie, simplement. ce serait surement ridicule qu'il éprouverait quelque chose de si fort que son cœur en battrait à la chamade rien qu'à sa vue. une fille telle que cheyenne devait avoir des milliers de prétendants, tant elle est superbe. une raison déjà assez importante pour qu'il cesse toute ambiguïté. elle pose sa main sur son épaule. il sourit, même si son cœur s'emballe. il se trouve de plus en plus bête, à vrai dire. elle l'embrasse sur le front. là, il se sent voler. non, se répète-t-il. il ne demande qu'à ce qu'elle répète son geste. il tente de faire taire son cœur. oui, ce serait mieux pour tous. lorsqu'elle se tourne vers lui, elle est rouge, elle aussi. cela ne fait que le faire s'empourprer encore plus. pauvre garçon. il décrypte des paroles sur ses lèvres. il est touché. il l'adore, vraiment. « si. t'es géniale. » murmure-t-il avec gêne. « beaucoup ne font aucun effort avec moi, si j'arrive pas à... enfin percevoir ce qu'il blablate, ils ne réessayent pas. souvent, on me tourne le dos pour ça... au moins toi, t'es pas comme eux.»