BENJAMIN A. EVANS ► toni mahfud

Par où commencer ? … Pfff, j'ai l'impression d'avoir découvert un truc à chaque étape de ma vie, c'est incroyable. Mon histoire ne sort pas de l'ordinaire. Je n'ai pas perdu mes parents, je n'ai pas eu la chance de tomber dans une cuve radioactive et développé des super-pouvoirs de fou... Non loin de là, je suis un gars tout à fait normal, regardez à gauche, regardez à droite, je suis cette personne que vous voyez dans la rue et qui vous semble le plus ordinaire.

Mon histoire elle commence le 2 avril 1994, Boston. Mes parents venaient de rentrer de Rouen, une ville de France d'où est originaire la famille de ma mère, cette femme à qui je dois tout. C'est une femme splendide, elle n'est pas très grande, seulement un mètre cinquante-neuf, vous voyez le délire ? Une blonde, un sourire à faire tomber tout les hommes et à rassurer tout les enfants. Bref, nous étions dans la ville d'origine de mon père, lui c'était un peu l'antithèse de ma mère, une carrure gigantesque, presque deux mètres hein, il rigolait que lorsqu'il se brûlait, parfois je me demandais même s'il avait déjà esquissé un sourire dans sa jeunesse. D'après ma mère, lorsqu'ils étaient seulement entre eux deux, il ne parlait que de moi et c'était à ce moment là qu'elle le voyait sourire. Je le savais, il m'aimait, il m'aime et il m'aimera toujours. Je m'égare. J'allais grandir dans une atmosphère ultra positive mais aussi surveillé.

Pendant mon enfance, ma mère me plonge dans la musique. Je ne sais pas quoi dire. Les notes qui sortaient lorsqu'elle jouait du piano... Elles me transportaient sur un autre monde, j'étais sur mon petit nuage, je me laissais porter par les notes. Je m'en souvient, je rentrais de l'école, je faisais mes devoirs et j'allais attendre dans une pièce spéciale, une pièce où il y avait plusieurs instruments, elle arrivait toujours cinq minutes après moi, cinq minutes qui semblaient toujours être une intenable éternité. Quand elle arrivait, je ne voyais pas ma mère, je voyais l'artiste, quand elle ouvrait la porte, c'est la que la mélodie commençait, elle s'avançait avec une telle grâce jusqu'au piano, elle s'asseyait toujours de la même manière, douce et subtil. Elle posait ses doigts sur les touches, mes yeux s'écarquillaient à cet instant précis : la première note sortait, un nouvel univers s'ouvrait. Elle jouait souvent mon morceau préféré : cette sonate au piano de Mozart : Adante Graziosso, partie une. Huit minutes d'extase pure et dure, un début calme, comme un enfant découvrant un nouvel univers, puis jusqu'à la deuxième minute une nouvelle vie. Au total ces huit minutes de mélodie semblaient si courtes face aux cinq minutes d'attente interminable. Ainsi, j'apprenais moi aussi à jouer du piano, avec ma mère. Ce n'était pas suffisant, j'apprenais la guitare en autodidacte, c'était bien plus long qu'apprendre le piano, un instrument qui semblait ordonné et avec un professeur face à un système plus complexe et en solitaire. Mais ce n'était jamais suffisant, je prenais alors des cours pour apprendre le violon, il me fallait toujours plus de challenge. J'apprenais le chant en parallèle et j'avais décidé de m'arrêter là, du jour au lendemain, quand ma mère m'annonça que la prochaine étape était la cornemuse...

Après la musique, vint cette pratique dont je ne pouvais pas me passer les jours où il ne pleuvait pas : le skate. J'étais en vacances quand j'ai découvert des riders kiffant aller faire de la rampe ou simplement se promener comme ça, je voulais aussi kiffer ma vie, sentir la brise me caresser le visage lorsque j'étais sur ma planche, les écouteurs sur les oreilles, écoutant ma playlist variée aussi bien en autres 2pac, Notorious BIG, Eminem que Scorpion, AC/DC, Nirvana. J'avais juste à me laisser guider là où je voulais aller, j'avais l'impression d'être aussi libre qu'un oiseau lorsque je slalomais entre les touristes, les joggers et autres passants. Étonnement, je n'avais pas mis longtemps à apprendre, j'étais même plutôt doué pour ça et les gens me regardaient, certains me dévisageaient comme si je n'étais qu'un bon à rien, d'autre me regardait avec compassion, me voyant kiffer la vie, certains une admiration, je faisais toujours quelques figures sur mon chemin quand je n'avais pas trop de personnes prêt de moi, ça servait à rien, mais ça en jetait, ça impressionnait, ça renforçait ma confiance en moi.

Mais venait avec les petits bonheurs de la vie, comme passer de longues minutes à regarder un coucher de soleil, les interdictions et, moi, les interdictions m'attiraient, comme tout le monde en majorité. La première que j'osais braver, c'était la cigarette. J'étais bien trop jeune mais je voyais les gars cool, populaire, qui donnait la hype, des classes supérieurs en prendre, alors j'utilisais mon argent de poche, je trouvais quelqu'un pour m'acheter des paquets en lui donnant un petit peu pour la commission, et je fumais discrètement juste après les cours, je m'assurais que personne ne me voyait, je m'assurais d'avoir toujours dans la poche de mes jeans un paquet de chewing-gum et du désinfectant pour les mains, je voulais être sûr de ne laisser aucune trace comme quoi je venais de me pourrir les poumons mais qu'importe. Mais à part ça, j'avais réussi (et aujourd'hui encore) à ne pas être un gros fumeur, j'arrivais à me contenir

L'alcool, que dire de cette délicate boisson que certains appellent « pisse du diable ». Je préfère l'appeler « le meilleur ami qui te veux du mal », celui qui est toujours là dans les moments difficiles mais qui te ruine en argent, en santé physique et en santé mentale. Je vais vous l'avouer, je n'ai jamais été un grand dragueur, j'ai toujours eu ce côté timide mais l'alcool m'aidait à outrepasser cette barrière. Mais on ne voyait en moi que « Ben, le gars drôle et soûl » alors je continuais, je ne voulais plus être timide, je voulais arrêter de tomber amoureux de ce même type de femme, celles qui me rendent malheureux. Alors je chante sur les tables, j'attire celles qui ne veulent qu'un soir, celles à qui ça ne dérange pas de me voir boire, au fond de moi, je n'en veux pas, à la surface, je cède, j'accepte, je ne réfléchissais pas toujours avec mon cœur.

Voilà que le pire arrive pour moi, fini le moment de ne fumer que des cigarettes. Une dame verte, belle, bien roulée et bien ferme, il ne manquait plus que l'étincelle. Elle est possessive, elle me rends mou, trop chétif. Pendant un moment, j'ai dû la quitter, elle me retournait le cerveau mais j'aimais la voir se déshabiller, elle m'a tué, elle m'a eu, c'est elle qui me fumait, elle me faisait rentrer dans tous mes états, je l'aime démaquillé, je l'aime nature. Mais j'ai replongé, comme la famille je l'avais dans le sang, elle fait des miracles, elle m'aide à rester dans le temps. Dans le fond c'est la seule je ne peux pas vraiment la quitter. La flamme pourra toujours se raviver, se réanimer. Son départ laisse toujours une odeur fraîche dans le cendrier, si elle n'est plus là c'est le drame et je me remets à boire.

La voilà mon histoire, je vous l'avais dis, rien de bien cassant, je suis juste un type normal qui aime des choses que la vie lui offre, qu'elles soient bonnes ou nocives, maintenant je vous laisse, le beau temps est de mise, c'est l'heure de consommer et d'aller faire de la rampe.