"On the road again" - Jessy & Devon

Dimanche, le jour du seigneur. Si je ne suis pas particulièrement croyant, je veux bien rien qu'aujourd'hui le bénir. Pourquoi? Tout simplement parce qu'il m'offre la chance de pouvoir assister à une course de voiture comme je n'en avais pas vu depuis longtemps et en plus tout près du stade
.
En effet, si les courses de fauves mécaniques avaient leur succès, il n'en restait pas moins que ne figurant pas parmi les sports les plus médiatisés, leur organisation n'était pas souvent demandé.

Je suis donc là avec mes lunettes de soleil sur le pif et mon cuir tel Tom Cruise dans Top Gun à aller et venir entre les stands. Tour à tour je demande aux mécanos les spécificités de leurs bolides et me penche moi même pour inspecter chaque détail. Si je suis davantage branché moto et que j'envisage de troquer mon bmx contre une cross, il n'en demeure pas moins que mon intérêt est tel qu'on pourrait me prendre pour un fou.

Ouais un fou de ride depuis tout petit.
Déjà en présence de mon père, il m'arrivait souvent de passer des après-midi avec lui à réparer les voitures que ses amis lui confiaient.

Je me souviens même que cette passion était tellement grande, qu'il avait fini par s'acheter sa propre pièce américaine de collection. Une chevrolet corvette C1 rouge avec les bandes blanches sur l'avant. Un beau bijou désormais mien et même avec lequel je suis venu aujourd'hui.

Me sortant de ma nostalgie d'enfant, le mégaphone soudain retentit invitant les coureurs à se rendre sur la piste de départ.
Remerciant mon interlocuteur, je commence doucement à m'éloigner pour suivre la course et trouve un agréable endroit d'où je ne louperais rien.

Le départ lancé, les pneus crissent sur le bitume et les engins s'envolent.
Il n'y a pas à dire, la course est superbe. Les pilotes ne ménagent pas l'accélérateur comme ils ne se font pas non plus de politesses. Si l'un d'eux n'est pas assez rapide, il finit dans le fossé.

Si la bataille fait rage, il y a néanmoins un véhicule qui attire mon attention plus que tous les autres. L'américaine violette qui remonte tout le peloton sans bavures. Et qui fini d'ailleurs par gagner la course après les 30 bonnes minutes qu'ont duré le show.

C'est une belle surprise que de constater une conduite aussi maîtrisée que la sienne mais s'en est encore une autre de constater à mon approche de la ligne d'arrivée et du groupe de médias locaux qui entouraient le bolide, que le conducteur en question est une femme.

On the road again

Jessy&Devon

À quand remontait la dernière fois que j’avais eu cette sensation de plénitude? Avoir le volant entre mes mains et ne pas devoir m’en faire avec la police était un autre aspect que j’avais connu trop peu de fois. Les courses illégales ayant occupées une grande partie de ma vie, j’étais heureuse que celle-ci soit conforme aux lois et me permette de me concentrer totalement sur les tours à venir et non pas sur la fin tragique des événements comme un séjour de deux ans en taule. Un grand frisson me parcourut alors que je repensais à ces années que j’avais passées en prison. Tout ça pour quoi au final? Mes lunettes d’aviateur sur le nez et ma grande chevelure dans le vent, je me tenais près de ma bagnole que plusieurs mecs venaient voir en me demandant où était le pilote. Personne ne se doutait qu’une fille pourrait concourir aujourd’hui et j’avais bien hâte de voir leur tête lorsqu’ils me verraient gagner.

Un sourire narquois sur les lèvres, je me contentais d’hausser les épaules à chaque fois qu’ils me posaient la question, tirant simplement sur ma clope en m’assurant qu’ils ne touchaient pas trop à mon bébé. Cette voiture avait tellement d’importance pour moi, elle était probablement la seule chose qui me rappelait tous les jours que mes grands-parents avaient toujours été là pour moi. Mon grand-père m’avait apprit tout ce que je savais au sujet des voitures et c’est grâce à lui que je pouvais réparer un moteur de mes propres mains. Aujourd’hui, c’est au volant de sa magnifique mustang 1969 mauve que je gagnerais cette course, il n’y avait aucun doute là-dessus. Tient d’ailleurs, la course allait commencer.

Tous les mecs s’éloignèrent et je montai rapidement dans la bagnole pour me rendre à la ligne de départ. C’était une très bonne idée d’avoir organisé cette course ici même, à Harvard. Comme ça au moins, lorsque Mitch et Prue aurait vent de ma victoire, ils ne pourraient qu’être fiers de moi. Un sourire étira à nouveau mes lèvres alors que je faisais gronder le moteur sur la piste. Trois, deux, un, c’est parti! J’avais toujours utilisé la même technique et elle fonctionnait à chaque coup. Je commençais lentement, remarquant les habitudes des autres coureurs et laissant les têtes enflés se péter la gueule entre eux à l’avant. Une fois que tout s’était calmé, je trouvais une brèche et je filais vers l’avant. Aujourd’hui, ce n’était pas différent et sans que quiconque ne s’en aperçoive, j’étais la première à franchir la ligne d’arrivée au dernier tour.

Sortant de ma voiture avec un large sourire aux lèvres, je regardai les mecs autour qui avaient tous la mâchoire décrochée qui leur trainait pratiquement au sol. Je ris doucement et répondis aux questions qui m’était posé quant à la provenance de ce talent et à savoir si j’avais souvent fait ce genre de course. J’évitai bien sûr de parler des courses clandestines et de ces années de prisons et me contentai de parler de ma passion. Regardant la foule devant moi, un mec en particuliers attira mon attention. Allez savoir pourquoi, contrairement aux autres, il semblait impressionné et curieux plutôt que frustré par ma victoire. Une fille ne devait normalement pas gagner ce genre de course. Je lui souris largement et décidai que j’irais le voir tout de suite après.

Ce que j’aurais fait d’ailleurs s’il ne m’avait pas devancé. De retour aux puits, on pouvait entendre les moteurs d’une seconde course qui se déroulait sur la piste. Pourtant, il était là, juste devant ma voiture et il semblait m’avoir attendu. « C’est surprenant, n’est-ce pas? » lui lançais-je avec un sourire, m’allumant une autre clope.

Si je n'avais même pas remarqué le coup de sifflet annonçant la course suivante, c'était bien parce que quelque chose d'autre occupait déjà mon esprit. Et en tout homme d’exigence que je suis, ça ne pouvait être qu'une chose d'originale et peu commune.

Bingo! Ici le coup de chapeau revenait à cette femme victorieuse aux côtés de sa belle mustang violette. Mais si à vrai dire, j'étais impressionné par sa prestation plus que maîtrisée, par son engin ou encore par son statut de femme dans un sport à prépondérance masculine, ma curiosité était tout autre.

Comment en était-elle arrivée là? Avait-elle cette même passion qui pousse un être à vouloir tirer le meilleur profil de son véhicule tout en le bichonnant comme s'il était un diamant?
Mes questions n'allaient pas rester longtemps sans réponse. Puisque à peine avais-je commencé à m'avancer, que la pilote m'interpellait.

" C’est surprenant, n’est-ce pas? "

"Je dirais même c'était un spectacle de premier choix. En revanche, je risque de défrayer la chronique si je vous dis que ce n'est pas ça qui m’amène vers vous."

Laissant perdurer un peu le doute, j'enlevais mes lunettes et lui serrais la main. Après tout, il n'y avait pas besoin de considérer un sexe pour saluer une personne.

"Moi c'est Jessy, enchanté."

Les présentations effectuées, j'allais directement observé la pièce mécanique sous tous ses angles.

On the road again

Jessy&Devon

Je dois avouer que même avec toute la modestie du monde, j’étais fière de moi. Fière d’avoir gagné cette course et fière que les hommes se retournent sur mon passage, n’en croyant simplement pas leurs yeux que j’étais capable d’une telle chose, moi, une femme. J’avais cette passion pour les voitures depuis si longtemps qu’il m’était difficile de m’imaginer autrement. Pourtant, depuis que j’étais à Harvard, j’avais du taire cette passion un peu puisque ce n’était pas très commun et que, comme tout le monde, j’essayais de rentrer dans le moule. Cependant, aujourd’hui était un jour particulier. Aujourd’hui, j’avais eu droit à ma petite gloire et j’aurais tant voulu que Mitch voit ça. Il aurait eu de quoi être fier. Regardant donc cet inconnu qui reluquait ma bagnole avec convoitise et me toisait avec une admiration certaine, je tirai sur ma cigarette en le regardant avec un demi sourire, ouvrant les hostilités avec une petite question. "Je dirais même c'était un spectacle de premier choix. En revanche, je risque de défrayer la chronique si je vous dis que ce n'est pas ça qui m’amène vers vous." Mon sourire s’élargit. Bien sûr, c’était pour la voiture qu’il était là. Quoi d’autre? Parce qu’au fond, ils étaient tous les mêmes ces mecs là. Ils vous voient clairement gagner cette course et encore, c’est sûrement la voiture qui a tout fait. On se retrouve dans Herbie et ma voiture prend vie, elle n’en fait qu’à sa tête et le mérite lui revient entièrement. Je ne pris pas cette remarque personnellement, après tout, mon petit bébé en avait dedans! Il retira lentement ses lunettes et je le regardai un peu plus attentivement. Il était mignon. Il s’avança vers moi et me tendis la main, main que je pris et serrai fermement. "Moi c'est Jessy, enchanté." « Devon, enchantée aussi. » Je le graciai d’un clin d’œil avant de le laisser me quitter pour aller regarder sous le capot ce que j’y avais caché. Que de la bonne mécanique, que voulez vous!? Je passai une main dans ma poche arrière et le regardai avec un petit sourire amusé. « Elle est pas mal, hein? »

"Devon, voilà un nom qui n'est pas commun. Tout aussi original que ce que je vois là."

Le nez sous le capot, j'examinais avec les yeux seulement, cela aurait été impoli de toucher, la fabuleuse mécanique personnalisée par sa propriétaire.
En effet, tout avait été agencé de manière à tirer le meilleur profil de la mustang. Et à vrai dire ce n'était pas pour me déplaire puisque j'avais manifestement affaire à une connaisseuse.
Pour une fois, il n'était pas question que de gagnant et de perdant, pas plus que de marque ou de prestige de voiture mais de passion pure et dure.

"Je vois que tu as boosté la bestiole. Dis moi, tu es mécano ou c'est par pure passion que tu fais ça?"

Me relevant et me retournant vers mon interlocutrice, j'arrêtais quelques minutes mon inspection. Suivant ma curiosité, j'en avais presque oublié les bonnes manières et il était maintenant temps pour moi de me rattraper.

Si l'intérêt était là, le soupçon aussi. Et si je ne dis rien de plus c'est que je savais éperdument qu'en général les courses de tels véhicules étaient interdites et avaient donc lieu à l'abri des regards.
Il était donc fort possible, vu son niveau que cette femme y ait participé. Si maintenant cela faisait d'elle quelqu'un de dangereux...je marquais un temps d'arrêt pour la regarder d'un peu plus près...non. Elle avait l'air bien au contraire intéressante. Peut-être le saurais-je plus tard si le feeling venait à passer.

"Ah tiens, comme on dit après l'effort, le réconfort, tu veux peut-être boire un verre?"

La seconde course entamée, notre discussion étouffée par la sollicitation des moteurs prenait des tournures de dialogue de sourd. Ne me voyant pas crier de pleins poumons ou emprunter un mégaphone, je suggérais de rejoindre un endroit plus calme et posé.