Holiday on ice ϟ Diamond

MERCREDI SOIR - Lavender avait terminé ses révisions et cliquait machinalement sur toutes les fenêtres publicitaires qui s'ouvraient sur son ordinateur personnel. Naviguant sur le site de la faculté, Lavender passa une nouvelle fois en revue les devoirs à rendre pour la semaine à venir, et inscrivit dans son agenda en ligne toutes les tâches qu'il lui restait à accomplir. N'étant pas le type d'étudiante à aimer prendre du retard, Lavender prévoyait au moins 2 semaines avant de rendre un devoir. Elle aimait peaufiner, ajouter des détails et traquer la moindre petite incohérence. N'ayant plus de devoirs à préparer pour cette semaine, elle était enfin libre de sortir et d'organiser son temps comme bon lui semblait.

Loin d'être une très grande athlète dans l'âme, Lavender gardait de très bons souvenirs de parties de Freesby avec sa mère, particulièrement lorsqu'elles s'étaient retrouvées seules après le décès de son père. Elle revoit le sourire de sa mère, et l'herbe verte, près de chez elle. Le grand air lui manquait, tout comme sa mère.

Enfilant, sans réfléchir, son manteau d'hiver noir, elle le ferma rapidement avec un bruit caractéristique : Ziiiip. Jetant un coup d'oeil par-dessus son épaule droite, elle vérifia que le four était éteint, que les plaques ne chauffaient plus et qu'elle n'avait pas laissé d'affaires près du radiateur. Elle sortit une paire de gants marrons, ornés d'un trait de laine, d'un de ses tiroirs et s'enfonça bientôt dans la longue allée d'arbres - ocres à cette période de l'année - qui bordaient l'université. Destination : le complexe sportif.
Il ne faisait ni particulièrement doux, ni particulièrement froid. La température extérieure était supportable, même si Lavender aurait préféré se retrouver assise devant un bon feu plutôt. La majorité des étudiants qu'elle croisait avaient, pour la plupart, le bout du nez rouge et les mains de la même couleur.
Lavender arriva bientôt devant le grand bâtiment blanc, qui lui semblait s'étendre à perte de vue. Elle imagina les salles gigantesques, qui se tenaient derrière ces quatre murs épais, et se vit en tenue de plongeuse, de joueuse de hockey, de basketteuse...Le complexe permettait d'accueillir toutes sortes de clubs sportifs. La jeune étudiante plongea sa main gauche dans la poche de son manteau et relut le tract pour la deuxième fois.
"OUVERTURE DE LA PATINOIRE D'HIVER, venez nombreux".
La future biologiste réajusta le col de son manteau et s'engouffra avec soulagement dans le hall de l'établissement. Tout en déboutonnant progressivement sa veste, elle consulta les horaires d'ouverture placardées en évidence, et attendit son tour à l'accueil.

J'avais envie de sortir un peu et c'était rien de mieux que d'aller à la patinoire. C'est pas vraiment avec un grand enthousiasme que j'y allais étant donné que je gardais encore mes mauvais souvenirs du patinage. Mais pourquoi pas comme tout le monde, parmi la foule, je ne ferais que renouer un petit peu avec la glace. J'avais sorti mes patins de mon placard et même je les avais nettoyé, revissé un peu les lames en dessous des chaussures et tout le reste. Elles étaient encore en bonne état, et ça me rendait vraiment nostalgique de les voir, de les toucher et peut-être bientôt, de les porter. Je m'emmitouflais dans mon manteau avant d'aller jusqu'à la grande patinoire de l'université. Je rencontrais des camarades qui étaient étudiants à Harvard mais en plus, des amis que je croisais lors des compétitions de patinage. Ils avaient l'accès avant le public à la grande piste de glace, ils me firent entrer. Rapidement, je remettais mes patins et malgré que j'étais un peu hésitante, j'entrais en piste. Le monde commençait à arriver mais ça restait correcte pour pouvoir patiner un peu. Je me remettais sur pieds en effectuant quelques tours.

Pour une fois, Lavender avait envie d'en profiter, de s’oxygéner, s'aérer. Elle avait également besoin de voir du monde, c'était mauvais de rester enfermée plusieurs jours durant pour cause de révisions. Si elle restait trop longtemps sur ses cours, elle finissait bonne à rien. La patinoire d'hiver était ouverte depuis peu de temps, Lavender s'attendait à voir un monde fou. Elle prit son ticket à l'entrée et alla retirer sa paire de patins au guichet. Loin d'être douée en matière de patinage, Lavender se débrouillait pourtant bien en danse. Mais cela ne l'aiderait pas à tenir sur ses patins, une fois sur la glace. Avec des gestes maladroits, elle enfila son patin droit puis le gauche. En tentant de se lever du banc, sur lequel elle était assise, elle retomba sur les fesses.
*ça commence bien* songea t-elle.
Elle avait toujours envié les patineurs professionnels, elle retenait son souffle lorsqu'elle suivait la retransmission des Jeux Olympiques d'hiver à la télévision. Elle avait même l'impression que certains patineurs volaient au-dessus de la glace, et qu'ils le faisaient avec une facilité déconcertante. Lavender aurait aimé avoir ce même don, mais le sport ne faisait pas vraiment partie de ses pratiques courantes. Un peu de footing de temps à autre, c'est bien le seul effort qu'elle avait le temps de faire avec son emploi du temps. La faculté n'est pas toujours un gruyère comme certains aiment l'appeler, Lavender en était la preuve vivante; ses cours pouvaientt la retenir de 9h à 19h dans les amphithéâtres de la faculté.
Avançant à petits pas vers la sortie des vestiaires, Lavender se retenait à tout support qui lui permettait d'éviter la chute : poignées de portes, portes-manteaux, murets...
Elle accéda enfin à la patinoire; la glace semblait luire d'un reflet irréel, c'était beau à voir.
Lavender posa un pied, puis l'autre sur la glace. Elle avait du mal à tenir sur ses deux jambes, peu habituées à être chaussées d'une paire de patins ultra glissants. L'étudiante n'était pas du genre maladroite, mais c'est bien l'impression qu'elle donnait sur ses patins. Elle suivit le contour de la piste, se tenant aux rambardes pour ne pas tomber d'entrée de jeu et, prendre l'habitude de glisser au lieu de marcher. Sa main droite lâcha bientôt la rambarde et Lavender rejoint le milieu de la piste sans trop de difficultés. Plus rien ne le retenait, elle pouvait tomber à tout moment.
C'est bien ce qui faisait tout l’intérêt de la patinoire, l'effet de surprise et la découverte de cette sensation magique lorsqu'on glisse sur la surface dure et blanche.

Je ressentais ce sentiment de liberté qui me plaisait. Je ne me rendais pas compte du plaisir que je prenais à danser sur la glace. Oui, je dansais, c'était comme ci la glace était pour moi, ce qu'était le sol pour tous les autres. J'étais à l'aise, l'impression de retrouver son chez soi était présent. J'étais dans mon élément, j'étais à présent propriétaire de cette glace le temps qu'il me restait avant que le monde ne soit trop ... présent, que la masse de personnes autour de moi m'empêche de continuer à vivre de cette passion aussi brûlante que la lave du Vésuve à l'époque de Pompéi. Je compris rapidement qu'il fallait que je me réveille, que j'arrête de rêver à propos du patinage, tout cela était fini pour moi. J'allais reprendre les affaires de mon grand-père lorsqu'il mourra mais pas le patinage, certainement pas pour revivre l'échec complet que j'avais vécu.

Reprenant mes esprits, j'étais carrément au milieu de la piste. Le monde affluait et je remarquais le groupe de patineurs plutôt expérimenté, j'eus l'envie de venir les voir histoire de discuter du niveau à Harvard. Pendant un moment, je discutais avec eux tout en regardant les amateurs, même cette fille qui avait l'air de galérer. J'avais un peu de peine pour eux, j'aimais tellement la glace que je ne pouvais pas m'imaginer ne pas la maitriser. Je décidais d'aller boire un peu, à ne pas trop bouger, je sentais déjà le froid m'envahir. Je reprenais le mouvement des personnes qui faisaient le tour, avant de... me faire bousculer. Je tombais sur la glace en me retenant par les mains alors que je posais mon regard sur la personne qui venait de me faire tomber. Fais attention... La glace me brûlait les mains mais bon... j'avais pas si mal que ça. Je me remettais debout, tout en regardant la personne qui m'avait fait tombé pour lui tendre la main afin de l'aider à se relever.

Mis à part les patins qu'elle avait aux pieds et qui pesaient une tonne, Lavender s'était rarement sentie aussi libre, elle filait libre comme l'air, glissant le long de la glace sans se soucier de rien. Elle pouvait enfin se vider l'esprit et s'amuser un peu.
Elle sentait son pied droit qui glissait vers l'extérieur de temps à autre, mais elle arrivait toujours à le corriger et à retrouver la bonne trajectoire. Lavender se fit dépasser pas plusieurs patineurs, qui avaient l'air aussi à l'aise sur la glace que sur la terre ferme. Elle resta quelques instants en admiration et tenta de suivre leurs mouvements, après tout, il n'était jamais trop tard pour apprendre.
Elle commença par laisser ses patins évoluer en ligne droite, puis glissa de plus en plus longtemps, sans s'arrêter. Il lui semblait que le mouvement commencer à rentrer, elle pensait tenir quelque chose...lorsqu'elle perdit soudainement le contrôle de ses patins. Elle avait voulu s'élancer trop vite et l'avait payé très cher, et bientôt, elle ne put empêcher la collision avec une grande patineuse brune, qui venait tout juste d’apparaître dans son champ de vision.
- Aïe.
Lavender tomba à la renverse sur la glace, son dos accusa le coup mais le douleur la prit par surprise. Elle sentait des élancements dans le bas du dos, et regarda autour d'elle à la recherche d'une rambarde à laquelle se cramponner, mais rien. Elle jeta un oeil à ses mains qui, elles, semblaient intactes, mis à part quelques rougeurs dues à la température ambiante et non à la chute en elle-même. Sa vision s'était légèrement troublée et le temps que sa vue se réajuste, une main tendue apparut devant elle, comme par magie. Elle s'en saisit sans se poser de question et se retrouva bientôt sur pied, sonnée, mais à priori, rien de cassé.
Elle identifia aussitôt la jeune femme l'ayant aidée à se relever :
- Excusez-moi, vous n'avez rien? Je suis vraiment désolée, je ne vous ai pas vu arriver au centre de la piste...et j'ai glissé. Elle grimaça, dans l'attente de représailles. Après tout, la jeune brune aurait été dans son droit le plus strict, Lavender venait de la renverser, à cause de ses deux pieds gauches.

J'avais été vraiment... dans un autre monde durant quelques temps. Jusqu'à ce que je me fasse rentrer dedans. je peux pas dire que je n'étais jamais tombé de mes patins, la preuve, ça m'avait couté la médaille il y a quelques années. Il faut dire une chose, le fait que ce n'était pas ma faute de tomber, ça me rendait pas de si mauvaise humeur que ça, j'étais plutôt conciliante, surtout avec les débutants. Et puis, c'était pas comme ci elle m'avait coupé la main, le pied ou encore le cou en me tombant dessus. J'avais déjà vu des accidents comme ça et je peux le dire que ça n'était pas du tout très beau à voir! Je m'étais relevé sans difficulté mais je me doutais que ça ne serait pas la même chose pour elle. Tendant ma main, je l'aidais à se relever, manquant de tomber à nouveau mais je retrouvais rapidement l'équilibre sur mes patins. Excusez-moi, vous n'avez rien? Je suis vraiment désolée, je ne vous ai pas vu arriver au centre de la piste...et j'ai glissé. Je grimaçais, c'était plutôt gênant comme situation. Je lâchais sa main en espérant qu'elle ne tombe plus. «  Ce n'est rien mais fais attention la prochaine fois, c'est dangereux de tomber surtout quand on débute, les gens pourraient ne pas te voir et ils pourraient te faire mal avec les lames.  » D'ailleurs, moi qui avait un peu mal au genou, je me demandais si elle de son coté, ça pouvait aller. Je pris son bras pour l'amener jusqu'au bout de la patinoire. On allait gêner si on ne bougeait pas de là. «  ça va aller pour toi ? Si tu es blessé quelque part, on peut aller à l'infirmerie de la patinoire pour voir ce qu'ils pourront faire pour toi. Je te proposerais pas de la glace hein.  » dis-je sur une petite touche d'humeur. C'est vrai que ça serait l'ironie du sort de mettre de la glace alors qu'elle s'était blessé à cause de ça.

Lavender se sentait légèrement ridicule, les deux jambes en l'air et les fesses par terre. Elle patinait aussi bien qu'un enfant qui venait de faire ses premiers pas. Elle fut soulagée, quoiqu'un peu troublée, de recevoir de l'aide pour se relever. Elle savait qu'elle venait de renverser quelqu'un et aurait sans doute mieux fait de rester assise sur un banc à côté de la piste, à regarder les professionnels faire. Lavender était venue pour s'amuser, et honnêtement, elle s'attendait à finir les quatre fers en l'air, puisque ça lui arrivait à chaque fois qu'elle se rendait à la patinoire après un an d'abstention.
Encore un peu tremblotante, Lavender retrouva un semblant d'équilibre et découvrit un fin visage entouré d'une cascade de cheveux bruns. Deux yeux clairs la fixaient intensément. La jeune biologiste était persuadée de ne jamais avoir croisée cette étudiante dans l'enceinte de la faculté. Se sentant tirée à l'écart de la piste, Lavender se laissa faire; elle était encore un peu sonnée.
Reprenant peu à peu ses esprits, elle s'enquit bientôt de l'état de la jeune inconnue :
- Vous êtes certaine que tout va bien de votre côté? Lavender ressentit soudain une vive douleur à la cheville gauche, qui s'était tordue sous le coup du choc. Mince, je crois que j'ai une entorse,dit-elle en portant la main à son pied. En effet, elle n'était plus capable de poser le pied gauche par terre sans ressentir un douloureux élancement.
- C'est de ma faute, ne te sens pas obligée tu sais...mais c'est vraiment gentil de m'aider en tout cas. Elle tenta de masquer sa douleur pour faire bonne figure.
Lavender repéra un petit comptoir, qui distribuait des boissons chaudes à toute heure, et avisa deux chaises vides. Elle devait absolument s'asseoir et éviter de bouger son pied qui lui faisait mal. En grimaçant, elle quitta la piste, accompagnée par la grande brune, dont elle ne connaissait toujours pas l'identité. Une chose est sûre, elle s'en sortait beaucoup mieux qu'elle avec des patins, elle s'était relevée à une vitesse incroyable et semblait n'avoir aucune difficulté à évoluer sur la glace.
Une fois arrivée près du comptoir, Lavender se laisser tomber sur une chaise et émit un "Aïe" en sentant sa cheville se contracter de nouveau.
- ça va aller, merci. On dirait que tu n'as aucun soucis sur la glace toi, je ne t'ai même pas vu arriver tout à l'heure! Tu dois te déplacer rapidement, et apparemment, tu ne crains pas les chutes. Lavender lui sourit en signe de reconnaissance.
- Je peux t'offrir une boisson chaude pour m'excuser? Si tu as le temps bien sûr.