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Bref coup d'oeil sur la page de mon cours et je me rends compte que je n'ai strictement rien écrit sur ma copie, hormis quelques gribouillages sans intérêt, dont un en forme de mouton. Visiblement j'étais très inspirée. Mon professeur m'a d'ailleurs suggéré d'aller en cours de dessin la prochaine fois. Excellent conseil. J'ai beau être très studieuse, les cours de mathématiques ne sont vraiment pas ma tasse de thé. Ma main droite me servant d'appuie-tête, je pousse un long soupire avant que la sonnerie ne retentisse à travers la salle. D'un geste plutot lent, je me redresse et range mes affaires dans mon sac de cours avant de quitter la classe. Ma journée était enfin terminée. Je me faufile alors entre les élèves qui discutent. Et là, un troupeau – oui moi j'appelle ca un troupeau – de Barbies, autrement dit les pétasses de l'université, n'avancent pas avec leurs talons de vingt centimètres. Elles sont là, à parler rouge à lèvres, mascara, sac à main et tout le tralala. Qu'est-ce que j'ai l'air d'une cruche à essayer de leur faire remarquer ma présence. D'accord, je suis une naine je le sais, on me l'a assez répété comme ca, MAIS QUAND MEME ! Je tente alors une première approche « Excusez-moi je... » HOP ! Gros coup de sac à main en pleine gueule. Un jour je vais vraiment en vouloir à mes parents de m'avoir donné des gènes aussi merdiques. Moi aussi j'aimerai bien faire un mètre soixante-quinze. Seulement je ne fais qu'un mètre cinquante-cinq. Ca m'énerve. J'ai tellement envie de leur gueuler dessus pour qu'elles bougent leurs culs ! Ma patience à des limites. Agacée, je passe dans le troupeau en les bousculant, me fichant royalement de leurs remarques à la con. Ca c'était la deuxième approche. Le chemin étant libre devant moi, je me précipite à l'extérieur de l'université et m'allume une cigarette afin de décompresser.
[…] C'est un fait, les gens se moquent totalement des papiers que l'on distribue dans la rue. Qui n'a jamais marché d'un pas pressé, tout en désirant éviter la personne qui se dirige droit vers vous ? Personne. Nous avons tous – même moi – déjà grogné lorsque la personne en question vous stoppe dans votre élan avant d'agiter sa feuille sous votre nez avant de commencer un long monologue sur l'affaire que vous feriez en achetant un magnifique canapé en cuir trois places qui irait à ravir dans votre salon. Dans ces moments là, il est vrai que l'on a juste envie de lui faire bouffer son fichu prospectus par les yeux. Généralement les tracts distribués dans la rue sont d'une inutilité assez surprenante. Alors oui, je comprends parfaitement que les gens ne prennent jamais le temps de m'écouter lorsque je tiens à leur faire comprendre qu'il est grand temps de se bouger afin de protéger l'environnement. C'est qu'ils me voient arriver de loin avec mes vêtements qui sortent de l'ordinaire ainsi que ma couleur de cheveux plutot improbable. Ils se disent très certainement que je vais leur filer un bout de papier concernant un concert de hard rock se déroulant en ville, ou bien par rapport à l'ouverture d'un nouveau salon de tatouage. Parfois malgré mon look remarquable à quinze kilomètres à la ronde, j'avais l'impression de passer totalement inaperçue parmi toute cette foule. Alors un soir avec ma petite bande de militants, nous avions décidé d'aller distribuer nos tracts après la sortie d'un concert en ville. C'était la meilleure occasion pour nous. Mais encore une fois, il avait fallu que je me batte pour que l'on m'écoute ne serait-ce que deux petites minutes. D'ailleurs ce soir là, tout se bouscula. Il avait fallu que je m'en prenne à un garçon qui aux premiers abords n'avait pas l'air des plus aimable afin qu'il prenne conscience des problèmes d'aujourd'hui. Trop de pollution, trop de déchets éparpillés un peu partout, qui détruisent petit à petit toutes les espèces vivantes de cette planète. Au début j'étais persuadée qu'il m'écoutait uniquement pour que j'en finisse rapidement avec mon discours afin qu'il puisse rentrer chez lui dans la foulée. Mais c'est avec une grande surprise que j'ai fini par me rendre compte, que j'avais réussi à l'intéresser avec mon blahblah. Et puis il faut dire qu'une fois que je me mets à parler, je ne m'arrête plus. Un véritable moulin à parole.
[…] Bref coup d'oeil à l'écran pixelisé de mon téléphone portable. Il est vingt-trois heures trente et tous mes tractes sont distribués. Parfait. Certes j'aurai très bien pu rentrer chez moi mais je n'en avais pas envie. Après quelques minutes de marche, j'arrive devant le Lord Hobo. Je jette un coup d'oeil devant la porte vitrée et constate qu'il y a encore pas mal de monde à l'intérieur. Je repère également Jessy qui est en plein service au bar. Je décide alors de pénétrer à l'intérieur de l'établissement et me dirige vers le comptoir afin de prendre place sur l'un des tabourets.
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