ANTONIA ALVES ► audreyana michelle

Gamine, tu rigolais un petit peu trop fort dans la cours de récré. Tes cheveux bouclés retombaient tes yeux, les larmes roulaient le long de tes joues lorsque tu trébuchais contre un caillou. Forcément, il y avait toujours l'un de tes frères ou ta soeur prêt à courir à ton secours. T'as très vite pris l'habitude. Jamais tu ne seras seule, tu seras toujours entourée de ta famille. Papa t'offrait le plus génial des cadeaux dernier cri pour consoler tes pleurs. Maman te racontait une histoire jusqu'à ce que tu te laisses aller dans les bras de Morphée. Evidemment, Rio te chouchoutait jusqu'à ce que tu lui offres ton plus beau sourire. Rafael cassait la gueule aux garçons qui osaient t'embêter ou te manquer de respect. Et pour finir, Stella te racontait que ce n'était pas toujours facile d'être une fille dans un monde de brutes or, qu'il fallait se serrer les coudes pour arriver à ses fins.

On peut dire que tu as eu une belle enfance pour ne pas dire la meilleure qu'on puisse avoir. Tu as grandi dans les rues de Sao Paulo, au Brésil. Enfant portée aux cieux par la majorité de son entourage, tu as toujours eu ce que tu désirais en claquant des doigts ou en clignant des cils. Sourire aux lèvres à longueur de journée, tu redonnais le moral aux plus tristes et égayais l'après-midi de tes voisins. Ton rire se perdait souvent dans les airs, accompagnant le chant des oiseaux que tu avais accueillis dans la cabane au fond du jardin. Tes yeux clairs faisaient fondre les garçons alors même que tu rentrais à l'école primaire. On ne pouvait rien te refuser de par ton physique comme toutes les bonnes ondes que tu pouvais transmettre au quotidien.

Et puis tu as très vite compris que la vie, ce n'était pas qu'une partie de rigolade. T'as vu les plus grands s'engueuler avec les parents et pleurer pour leurs histoires de coeur. T'as suivi les crises d'adolescence, les coups de gueule, les larmes et les rires un peu trop excessifs pour sonner vrais. Toi, tu n'avais pas forcément envie de vivre tout cela. T'as toujours voulu rester cette petite fille innocente et pure. Alors, t'as décidé que l'amour, ça ne serait pas pour toi. T'as pas envie de souffrir, d'être brisée et déprimée pour un mec qui s'est joué de toi. T'as décidé de ne jamais te prendre la tête pour quoique ce soit. Tu t'es dit que certaines choses seraient mieux gagner au plus profond de ton être plutôt que révéler pour blesser telle ou telle personne. C'est ainsi que tu t'es créée. Adolescence souriante, mystérieuse, respirant la joie de vivre et l'envie de réaliser de nouvelles choses. Il est rare que tu te prennes la tête avec qui que ce soit parce que tu n'en vois pas l'utilité. Les personnes qui ne t'inspirent pas confiance, tu évites tout simplement de les rencontrer. Tu ne dis pas les choses si tu sais qu'elles peuvent blesser. Tu gardes pour toi ce que tu ressens si tu penses que ça n'apportera rien de bon. T'es assez secrète en soit mais, tu ne le montres pas forcément. Tu laisses voir aux autres ce que tu as envie qu'ils voient.

Tu te laisses allée lorsque tu griffonnes quelques lignes sur le papier. Une nouvelle composition pleine d'émotions qui te permet d'extérioriser ce que tu ressens au plus profond de toi. Généralement, tu les gardes pour ta petite personne, trop pudique pour les partager avec le reste du monde. Tu grattes quelques notes de guitare qui peuvent coller avec ta voix légèrement rouillée par la fumée qu'encaisse tes poumons à longueur de journée. Une ou deux notes de piano te permettent d'harmoniser le tout, tu préfères la simplicité à un orchestre qui écraserait chaque son s'échappant de tes lèvres. Plus tard tu aimerais créer ta propre maison de disque. Tu sais que tu as encore du chemin à faire mais tu sais également qu'Harvard peut t'emmener loin si tu t'en donnes les moyens. Ce qui est bien, c'est que tu n'as pas forcément besoin de réviser des masses. Tu composes et joues avec ton coeur, ta tête ne te sert que pour la théorie. Tant mieux, tu n'as jamais été de ces personnes trop intellectuelles. Heureusement, ta mémoire joue en ta faveur jusqu'à ce jour.

Comme toute musicienne qui se respecte, c'est vrai que tu as tendance à apprécier un peu trop le monde de la nuit. Le bruit de la sono qui t'explose les tympans, les caisses qui résonnent à l'intérieur de ta cage thoracique lorsque tu bouges au rythme de la musique au centre de la piste de danse. La fumée des projecteurs camoufle celle de ta cigarette roulée dans laquelle on se demande ce qu'il peut bien y avoir. Sans doute pas que du tabac. C'est ce que l'on peut constater lorsque l'on aperçoit tes pupilles dilatées légèrement rougies par quelques substances naturelles fraîchement consommées. Tes bras se nouent derrière la nuque du premier inconnu qui passe. Un regard échappé et tu sais pertinemment que c'est avec lui que tu rentreras ce soir. Ce soir seulement parce qu'il ne faut pas trop s'attacher, ça risque de devenir trop dangereux par la suite si les choses se produisent différemment. C'est beau la jeunesse. C'est beau Boston une fois la nuit tombée.