Danger in her eyes ♪ Ernesto

Un bon mois que Bambi s'était coupée de tout et de tout le monde, y compris de son meilleur ami. Ce dernier n'avait pas manqué de lui envoyer message sur message, rien n'y avait fait : la honte vrillait encore trop ses sens pour que l'italienne puisse y voir réellement clair. Alors elle prenait risque sur risque, lors de soirées très, très arrosées dont elle n'avait finalement même pas honte. Cette anesthésie à l'emporte pièce lui permettait de ne pas ressentir la douleur sciant son pauvre palpitant maltraité au moins quelques heures... quel luxe ! Mais en ce début d'après-midi, retour à la case départ, ainsi qu'à la réalité : la brunette devait assurer son stage à l'hôpital, son avenir se jouant sur ce dernier, puisqu'il était l'ultime stage qu'elle validerait pour cette année. Impossible de merder sur ce coup là, malgré la gueule de bois évidente lui sciant littéralement le crâne, Bambi tenait bon, tel le roc qu'elle n'était pourtant pas. Mais à cet instant précis, une pause salvatrice lui permit de laisser flotter les rubans : à l'entrée de l'hosto, elle se permit de s'en griller une. Totalement interdit par son toubib, qui suivait sa dégénérescence pulmonaire de très près, ce nouveau risque pris avait tout de même des airs de petit paradis... du moins jusqu'à ce qu'une voix on ne peut plus familière ne la fasse redescendre sur terre à la vitesse de la lumière.

Bambi rêvassait vivement, tentant de s'anesthésier le cœur et le corps au rythme de la consommation de sa cigarette, fermant de temps en temps les yeux histoire d'avoir l'impression de quitter un temps cette planète. Sauf qu'elle sursauta vivement lorsqu'on lui chipa son graal pour l'écraser à même le sol, lui faisant froncer les sourcils par la même occasion. Ernesto, est-ce que tu fous ?! maugréa-t-elle en soupirant. En vérité, l'italienne enfonçant une porte ouverte, sachant pertinemment ce qu'il faisait là et pourquoi il venait de faire ce qu'il avait fait. Il s'inquiétait... sans réponse à ses messages multiples et, très probablement à ses visites, le jeune homme passait à l'offensive en venant au sein de la seule institution d'où l'étudiante en médecine ne pourrait pas aisément fuir : l'hôpital. Son stage. Ses prunelles turquoises se mirent à fuir un instant, alors qu'il quémandait une explication entourant son petit cœur dans un étau de fer insupportable. Depuis que l'on m'a quittée par texto et que je me sens pire qu'une merde, voilà pourquoi ! bondit-elle en passant une main sur son visage, complètement à bout. Je suis fatiguée de faire bonne figure, de sourire et de dire que tout va bien alors que dans ma tête, c'est Hiroshima ! Alors oui... je déconne en ce moment. Et encore, t'es loin du compte... Mais au moins, elle ne lui faisait pas l'affront de lui mentir.

Face aux questions d'Ernesto, l'italienne s'attendait à un interrogatoire en règle, et à ne pouvoir reprendre sa respiration qu'une fois que la bonne réponse serait donnée. Du moins, la réponse qu'il attendait. Sauf que Bambi ne semblait pas d'humeur à jouer aux faux semblants et ce fut pourquoi, afin de donner le ton, elle haussa les épaules d'un air égal, évitant soigneusement son regard dès la première interrogation. Oui, elle s'en était grillée une, ce sentiment ne pouvait pas être plus délicieux et en prime, cela l'avait détendue ! Où était donc le crime ? Loin d'elle l'envie de se voir faire la morale dans un moment pareil, alors qu'elle se trouvait déjà plus bas que terre... à moins que, après avoir touché le fond, son meilleur ami n'ait envie qu'elle ne creuse encore. Ah oui, je suis loin d'être une merde ? Dis ça aux deux types qui ont ruiné ma vie alors ! Le premier a laissé des stigmates sur mon corps et le deuxième ne m'a peut-être pas marquée à vif, mais mon cœur, lui, il va s'en souvenir à vie ! grogna-t-elle en shootant dans la première canette qu'elle trouva à portée de son escarpin. Ce n'est peut-être pas ce qui m'aide à régler mes soucis mais j'ai besoin de m'anesthésier. De boire, de fumer, de me sentir femme. Alors oui, c'est un risque pour moi je le sais mais je crois que je n'en n'ai plus rien à cirer... être une bonne fifille m'a apportée quoi jusqu'ici, hein ? Tout sauf du bonheur !

Bambi ne put décemment s'empêcher de soupirer. Parce que tu crois que leur refaire le portrait façon puzzle me rendra heureuse ou me fera rencontrer un mec bien ? Non pas que l'italienne ne soit pas flattée par cette marque de protection, comme toujours. Mais aujourd'hui, rien ne semblait l'atteindre, un peu comme si elle avait fermé son cœur à toute émotion pour ne plus souffrir de rien. C'était trop en trop peu de temps. Relever la tête lui paraissait si insurmontable que la baisser finissait par paraître plus aisé, moins douloureux au bout du compte. Au même titre que de ne plus se battre contre la maladie. Arrête Nesto ! Je n'ai pas besoin que tu viennes me faire la morale en plus ! Est-ce que je me permets de juger la façon dont tu gères ta vie et plus encore tes relations amoureuses, moi ?! s'emporta-t-elle en plaquant sa main contre le torse de son meilleur ami, presque menaçante. S'il comptait la faire sortir de ses gongs, pour sûr, c'était réussi. Arrête... Cette dernière phrase... c'était le coup de massue.

Avec le recul, Bambi n'avait même pas envie de perdre son temps à donner quelque leçon que ce soit à de tels abrutis. Dans le genre inutile, cela se posait là et l'italienne refusait de faire les choses susceptibles d'être plus douloureuses que bienfaitrices. Mais Ernesto savait parfaitement appuyer là où il fallait pour détruire une à une les barrières précieuses, qu'elle avait pourtant mis des années à mettre en place... il la connaissait trop, ou trop bien. Si tu n'es pas heureux, pourquoi devrais-je l'être ? Ça n'a pas de sens... soupira-t-elle subitement, consciente qu'il ne lui disait pas tout, de son côté. Le jeune homme ne respirait ni la joie de vivre ni l'éclate, derrière ses précieuses leçons, et il aurait fallut être aveugle pour ne pas s'en rendre compte. J'ai été la pire des potes... tu es mal et je ne suis même pas là pour toi... se maudit-elle avant de s'approcher pour le prendre dans ses bras, coupant court à ceci : non, l'italienne ne l'aurait pas repoussé, jamais. Ernesto avait ce pouvoir apaisant sur elle. Je sais... mais je ne suis pas sûre de vouloir mon bien, actuellement. Laisse-moi un peu vouloir le tien, pour une fois !