unis par les liens du sang (ellara)

Je choisis mon café sur la machine et en bois une gorgée une fois récupéré. Je t’avoue qu’il n’y a pas grand chose de neuf à part moi qui ai réussi à remonter à bord d’un hélicoptère — alors que clairement, je mens. Y’aurait tellement de trucs à dire en fait. Tellement que j’sais pas par où commencer, j’sais pas comment commencer. Et c’est la même histoire ces derniers temps, avec tout le monde. J’ai tellement de trucs sur le coeur qui me pèsent que je sais pas comment les gérer et quand j’en envie d’en parler, ça coince en travers de ma gorge. Alors je finis par ne rien dire, je garde tout pour moi, et plus j’attends plus ça empire. Mais du coup je préfère basculer le sujet sur toi. Et ta réponse, elle me glace le sang. « Quoi? Tu rigoles là? Pourquoi? Parce que t’as décidé de changer de nom? » T’étais déjà en conflit avec la famille Maxwell, c’était chiant d’être en conflit avec ton autre famille également. Merde… On va s’asseoir et j’peux pas m’empêcher de te regarder d’un air désolé, même si tu m’assures que je devrais pas me sentir coupable. « Quand même… T’es sûre que tu regrettes pas? » T’es plus la bienvenue chez toi, t’es pas la bienvenue chez moi… Au final, j’suis comme toi. Heureusement qu’on est là l’un pour l’autre, toi et moi.

Un plan publicitaire? Genre… Comme pour redorer l’image de la famille? J’avais pas besoin de beaucoup de temps pour comprendre ce concept, puisque mes parents usaient des mêmes moyens. Ma mère surtout, c’était la pro des apparences pour qu’on reste la famille parfaite aux yeux des autres. Mon absence aux réunions et repas de famille et d’affaire depuis décembre? ‘Il travaille beaucoup, il se démène pour être dans les meilleurs élèves d’Harvard’. Ah bah oui, bien sûr. Si y’en avait bien un qui ne se démenait pas justement c’était moi. « J’suis vraiment désolé Meg. » J’aurais aimé que tout soit différent. J’aurais aimé que mon père te reconnaisse, que tu grandisses avec moi, qu’on se connaisse avant notre vingtaine. Et pourtant… J’étais heureux de la tournure des évènements. Je pose ma main sur la tienne en guise de geste réconfortant et caresse le dos de ta main de mon pouce. « Je t’aime, ok? N’en doute jamais. » J’sais que je le dis pas souvent, mais j’le pense. Et moi, j’te laisserai pas tomber. Jamais.

J’suis vraiment emmerdé à propos de cette histoire sur tes parents qui te renient parce que tu prends mon nom et qui en plus se servaient de toi pour leur com. Génial les paternels. Enfin t’sais, t’auras pas mieux chez moi. Non, chez moi, ça sera que toi et moi. Peut-être Dana, si elle revient à la raison un jour. Mais pour l’instant, c’est que nous deux. Et c’est pas plus mal, parce que depuis qu’on s’est retrouvés, on s’est pas lâchés. Loyauté sans précédent entre nous. « J’serai toujours là, t’as pas à t’en faire pour ça. » Sang ou pas. D’ailleurs, le médecin revenait vers nous pour nous dire que les résultats étaient disponibles. Alors je te prenais par la main et t’entrainais à sa suite pour retourner dans son bureau. « Comme on peut le voir sur le test ADN, je vous confirme que vous êtes bien sa demi-soeur biologique. » Demi-soeur. C’est vrai, j’avais tendance à l’oublier. Mais pour moi, y’a pas de ‘demi-famille’. Je serre un peu plus ta main et t’adresse un petit sourire. « Tu vois, j’te l’avais dit. T’es bien une Maxwell. A moitié du moins. » J’mentirais si je disais que je n’étais pas soulagé. Ouais, on a la vérité noir sur blanc au moins. Et cette vérité là, c’était la seule que j’attendais de toute façon.

Quand j’repensais à la fois où on s’était croisés par hasard dans ce Starbucks au coin de ma rue, où tu m’avais confronté, où je t’avais balancé que t’étais ma sœur et que t’avais quand même essayé de me sauter dessus… Quand j’repense à tout ça, qui était y’a pas si longtemps que ça, et que j’vois où on en est aujourd’hui, là, à écouter le médecin nous confirmer à la fois nos plus grandes peurs et notre plus grand souhait, j’me dis qu’on en a parcouru, du chemin. Et j’regrette absolument rien. J’suis prêt, prêt à te donner la famille loyale et dévouée que t’as jamais eu. Prêt à te donner une épaule sur laquelle te reposer, une main à laquelle t’accrocher. Pourtant, je sais que le résultat qui tombe t’est doux et amer à la fois. Je vois que t’es soulagée, mais pourtant, y’a quelque chose qui se brise un peu plus à l’intérieur de toi et j’ai de la peine. « Si t’as besoin, j’suis là. » Si tu veux que j’aille voir ta famille, si tu veux que je parle à la mienne. Peu importe, tu peux me déléguer tes fardeaux. J’suis là pour ça. « Allez viens, on rentre… » que je souffle en prenant les résultats, remerciant le médecin avant de t’emmener à la sortie par la main pour laisser cet épisode gênant et douloureux derrière nous.