Cillian Morgan ► Jay Alvarrez

Cillian a toujours vécu à Pipeline de son souvenir. C'est cette plage, cette vague qui l'a créée, qui l'a façonné. Ses parents n'étaient en soit que les personnes qui l'ont arraché à l'argile, le façonnant grossièrement, lui donnant un nom, un foyer, un cadre. Mais c'est bel et bien Banzai Pipeline qui a fait du jeune homme ce qu'il était. C'est une chose bien étrange que de naître dans un endroit pareil, là où la jungle côtoie une urbanisation foudroyante, là où l'écume s'écrase un coup sur une plage vierge et juste après sur une digue de béton. Il est impossible de savoir avec précision ce à quoi on est destiné. A O'ahu, le nom de Morgan ne signifie pas rien, il s'agit tout de même du plus grand ranch de l'Etat, et de l'un des plus grands des Etats-Unis. Alors, la logique aurait sans doute voulu qu'il prenne la suite de ses ancêtres. Mais contrairement à ses aînés, il n'avait d'yeux que pour le vaste horizon bleu marine qui se perdait avec le ciel immaculé. C'est tout naturellement qu'il a commencé le surf, comme tous les enfants de cet archipel d'ailleurs, mais sans doute faisait-il partis de ces personnes qui l'appréciaient plus que les autres, qui se jouaient des écueils avec une plus grande aisance. Glisser sur une vague, en maîtriser la physique mais aussi les sautes d'humeurs semblait être une chose des plus naturelles pour cet espèce d'enfants la. Pour autant cela ne signifiait pas qu'il cherchait particulièrement à persévérer dans ce domaine. Sans doute aurait-il eu la chance d'intégrer le circuit professionnel. Seulement cela ne l'intéressait pas, son cœur ne penchait pas pour la compétition. Il n'avait pas le besoin de rester avec les futurs pépites de la WSL, il était qui il était, tout simplement, il se trouvait là où il voulait vivre, là où il voulait surfer, entouré de ceux qu'il aimait.

Je vous bassine avec Banzai Pipeline, mais est-ce que vous savez seulement ce que c'est ? Avant de vous aventurer sur Wikipédia, laissez moi vous dire vraiment ce que c'est. Ce n'est pas seulement the most infamous wave. C'est le saint graal des surfeurs, la vague légendaire, parfaite. Elle expie les péchés de chacun, s'exposer à son courroux c'est prendre le risque d'y laisser la vie, c'est comme prendre un nouveau départ. D'aucune sont plus dangereuses, d'autres plus larges, plus hautes, plus rapides, mais aucune d'entre elles n'est entouré de l'aura de la vague de north shore. Glisser sur ses courbes est un privilège et pour s'y aventurer, il faut montrer patte blanche. Ce pass, c'est un planche, une planche de géant pour surfer une géante.

27 Novembre 2010 : Cillian ne courrait pas après les prix, les compétitions. Mais défier la mort, il devait bien avouer qu'il appréciait ça, au grand dam de ses parents d'ailleurs. Si vous avez remarqué la date, vous en avez sans doute déduis qu'à cette époque là il n'avait même pas terminé sa puberté. Pourtant, il était bien décidé à accomplir un exploit avant qu'il n'en soit trop tard. Être le plus jeune surfeur de Banzai Pipeline à ce jour. Il voulait marquer l'histoire au moins sur ce point. Son Gun à lui était tout fait de rouge, un rouge éclatant, glamour, passionnel, audacieux. Il n'y avait rien de joyeux, ni de drôle à risquer sa vie par pur plaisir pourtant l’autochtone ne pouvait s'empêcher d'afficher son sourire d'enfant joyeux. Si la vague n'était pas forcément terrifiante de part sa taille de trois mètres, ce jour là, ce qui l'était un peu plus, c'était la proximité avec les fonds marins. Moins d'un mètre d'eau avant de se briser le crâne sur des coraux tranchants ça en calme plus d'un. Ce n'était pas tous les jours qu'on croisait un gamin d'à peine 14 ans sur la Mecque des surfeurs. L'un des problèmes de ce genre de vagues et de la même façon, de ce genre de planche, c'était qu'il fallait être capable de prendre assez de vitesse pour les surfer. Il lui fallait donc soit une aide mécanique, soit l'appui d'autres surfers. S'il y avait toujours eu un lien un peu spécial entre le blondinet et la puissante maîtresse des lieux, il apparaissait comme évident qu'une réelle alchimie s'était créée ce jour là. Ce fut l'élément déclencheur, il savait de quoi il voulait vivre, le problème à présent était de trouver comment.

Tout enfant qui naît à Hawaii et qui s'intéresse un minimum au surf à un jour entendu parler des quelques légendes qui y ont vécus. Duke, Laird, John John, et bien sur JOB. Who is JOB ? Une question éponyme à laquelle James Duncan O'Brien répond depuis plusieurs saison. Loin de lui l'idée de faire la même chose. Mais le principe de base n'était autre que de faire l'apologie d'une discipline loin des conventions. Et cela plaisait beaucoup à Cillian. La photographie et la vidéo lui avaient toujours paru être une évidence. Il ne maîtrisait certes pas ces derniers comme l'extension de sa main, mais il avait l’œil pour prendre les clichés les plus intéressants, les plans les captivants. La meilleur des solutions pour son avenir n'était autre que de signer pour un magazine de surf, cela lui permettait de concilier toutes les exigences de sa vie. Harvard n'était certainement l'Université qui correspondait le plus au jeune homme, mais c'était celle dont ses parents rêvaient depuis son plus jeune âge. Il fallait dire que papa et maman Morgan voyaient grands pour leurs enfants. Alors lorsque l'un d'entres eux annonçait qu'il voulait passer sa vie à prendre des photos et à surfer pour le plaisir, ils tentaient de rattraper le coup comme ils pouvaient.