ROMEE STRIJD ► lys a. rosenwald

Tu te fous de moi ?! lâchai-je, irritée. Non seulement ma mère avait osé me faire venir dans ce trou crasseux, mais me demander en prime un service me paraissait gros. Je la regardais, cette femme m’ayant mise au monde avec tout le détachement possible, et cherchait à la sonder sans y parvenir. Impossible d’imaginer ce qui lui était passé par l’esprit pour tuer cinquante sept personnes de sang-froid. Sans doute n’aurait-elle jamais été chopée si mon père ne s’en était pas mêlé… Tu mérites de croupir au fond de ce trou, et tu le sais très bien. Rien de ce que je dirais ne changera rien à ta situation… tu es la seule responsable de ta descente aux enfers, par vrai ? Alors n’attends rien de moi, si tu veux communiquer avec ‘da, tu te démerdes toute seule ! vociférai-je en me levant de ma chaise, incapable de tenir une seconde de plus face à la froideur de cette femme. Imaginer qu’elle ait pu se marier et nous donner la vie, à ma sœur et à moi, me faisais froid dans le dos… personne ne devrait faire justice lui-même, et sans doute était-ce à cause de cette déferlante de cruauté que j’avais décidé d’aider mon prochain. En étudiant la criminologie, et en devenant pompier volontaire pour subvenir à mes propres besoins… facile de ne dépendre de personnes lorsque sa propre mère croupissait en taule depuis ses douze ans, et était responsable de la mort de sa sœur aînée. Cette femme ne n’inspirait rien d’autre que du mépris, de la haine, et si j’avais pu l’étriper de mes mains avant de me faire un collier avec ses organes, sûrement l’aurais-je fait… mais devenir comme elle, très peu pour moi. Je tournais donc les talons, me dirigeant vers la porte de la geôle alors que cette dernière m’arrêtait, d’une voix doucereuse, me suppliant de parler à mon père, son mari. Il ne te fera jamais confiance, tu as tué sa fille et brisé sa vie. La mienne, aussi, accessoirement… participer à une enquête avec lui ? Il te brûlerait vive plutôt que d’accepter, alors laisse béton c’est du ciment ! Je frappais avec vivacité contre la porte afin que le responsable vienne m’ouvrir, me libérant de cette ambiance lourde, pesante, insupportable. Le plus urgent ? Prévenir mon père…






En attendant, cette folle est passée par moi parce qu’elle a pensé, dans sa grande naïveté, que je pourrais te faire changer d’avis ‘da ! Mais n’accepte pas… c’est une veuve noire, elle fera tout pour te couillonner, pour s’échapper ou même te tuer si elle en a l’occasion… elle a bien tué… Je ne pouvais finir ma phrase. Parler de Lou me pesait toujours autant et j’étais incapable de prononcer même son prénom. Mon père était-il dans le même cas ? Impossible à dire. Nous n’en parlions jamais. Nous n’avions jamais fait réellement notre deuil, même des années plus tard… imaginer que ma mère, celle de Lou, l’avait tuée d’une balle dans la tête me faisait trembler. Pourtant, il m’en fallait pour m’atteindre, moi qui me présentait toujours tel un roc, afin de soutenir mon père. Un duo de choc ! Mais nous avions nos faiblesses, nous, les colosses aux pieds d’argile… Même si je suis heureuse d’être venue ici et d’étudier à Harvard, nous avons dû fuir l’Allemagne à cause d’elle… en fait, la liste de mes griefs est tellement longue que je pourrais écrire un putain de bouquin ! ‘Da, ne lui cause même pas. Ne t’approche pas d’elle… je t’en prie… Mon père ferait bien ce qu’il voudrait, mais quelque chose me disait que la confiance en son ex-femme restait au niveau zéro et c’était tant mieux. Surtout pour une enquête aussi capitale, susceptible de mettre sa vie en danger, il ne fallait pas qu’il se repose sur une âme aussi noire… Ne t’inquiète donc pas pour ton vieux père, ma princesse. En revanche, promets-moi de ne plus approcher ta mère, y compris si elle te demande de le faire à nouveau. Je ne veux pas craindre pour ta vie… Nous nous étions quittés ainsi. A se conseiller mutuellement, et à se mettre en garde… contre qui ? Quelqu’un que nous avions aimé. Triste vie…