(jusia) what doesn't kill you makes you stronger

Bon, que les choses soient claires, c'était absolument pas le genre de Jules se rendre dans une boutique de luxe ou même dans une bijouterie tout court en fait. Déjà parce qu'il n'avait pas vraiment les moyens pour se permettre de dépenser de l'argent par les fenêtres dans des futilités pareilles et puis surtout, parce qu'il n'avait personne à qui faire de cadeau. Et que pour sa part, il n'en avait absolument rien à foutre de se trimbaler dans la rue avec une montre à 50 dollars plutôt qu'à 30 000 dollars. Alors s'il se trouvait devant une bijouterie, en cet instant précis, c'était uniquement pour accompagner Anastasia qui devait passer récupérer le cadeau de sa petite soeur. Et ensuite, ils iraient ailleurs. Où, le mather ne le savait pas encore mais à vrai dire, il ne s'en inquiétait pas trop, occupé à terminer sa cigarette pendant qu'Ana discutait avec le vendeur. Entrouvrant sa bouche, il laissa la fumée s'échapper avant de balancer le mégot au sol et de l'écraser du bout de sa chaussure. L'instant d'après, il rejoignait la blonde qui attendait toute seule, sûrement le temps que le vendeur ne revienne avec le cadeau. "Alors, ça donne quoi ?" Non, il n'était pas pressé ni impatient, mais juste curieux. D'ailleurs, ça lui faisait penser qu'il ne savait même pas à quoi elle ressemblait, cette fameuse montre. "C'est laquelle que t'as choisi ?" demanda-t-il en se retournant vers le comptoir où plusieurs modèles étaient exposés. Bah quoi, pour une fois que Jules montrait de l'intérêt pour quelque chose, personne ne pouvait le lui reprocher.

Le quatre avril, nous avions fêtés l'anniversaire de Rosie et je n'avais pas pu lui offrir son cadeau parce qu'il n'était pas prêt. Aujourd'hui, j'avais demandé à Jules de me rejoindre en bas de chez moi, de m'accompagner chez le bijoutier et ensuite, on pourrait juste sortir je ne sais où tous les deux. Le mather avait accepté et c'était toute souriante que j'arrivais dans la boutique Cartier. Pour Rosie, je lui offrais de ma part, mais aussi de celle de Dani, une belle montre qu'elle allait garder toute sa vie. En or rosé, très simple, à son image. Jules fumait à l’extérieur tandis que le bijoutier était dans l'arrière boutique, seule, j'en profitais pour regarder les bijoux dans les vitrines. Les prix donnaient le tournis et en réalité, c'était vraiment pour l'anniversaire de Rosie, parce que je n'étais pas du genre à me faire ce genre de cadeau. Je pouvais craquer pour des pièces de collection, mais ça restait rare tout de même. Jules entrait enfin avec son air blasé sur le visage. Habituée, ça me faisait sourire. « Alors, ça donne quoi ? » - « Ça s'annonce bien » que je disais, amusée par la situation. « C'est laquelle que t'as choisi ? » - « Celle-ci. Mais, j'ai demandé à faire graver son prénom au dos » Je haussais les épaules et finalement, le vendeur revenait avec la montre en question pour que je puisse la regarder une dernière fois. Sauf qu'au moment où je me penchais au dessus du comptoir, la porte s'ouvrit à grand coup derrière nous. Surprise, je me retourne et la panique me gagne quand je comprends ce qu'il se passe. Deux hommes cagoulés venaient d'entrer, braquant une arme sur nous. Mes mains se mettaient aussitôt à trembler. Je ne pouvais pas ne pas repenser au kidnapping et aux longs jours que j'avais passé enfermé dans une pièce avec des inconnus. Les pires jours de ma vie. « REMPLIS LE SAC » que l'un ordonnait au vendeur pendant que l'autre s'approchait de Jules et moi. « Donne ta bague » Quoi ? Non. « Elle n'a aucune valeur » que je bredouillais. Elle avait surtout une valeur sentimentale, familiale. Ne régissant pas assez vite pour lui, voilà qu'il attrapait mon poignet pour me l'enlever lui même, me faisant un mal de chien et m'arrachant un cri au passage. Encore une belle journée.

Lorsqu'Ana lui avait dit venir chercher le cadeau de sa soeur dans une bijouterie, Jules avait de suite compris qu'il allait se retrouver dans une boutique de luxe mais... peut-être pas autant quand même. Ses yeux se baladant un peu partout le long de la vitrine, le mather se demandait si les prix qu'il voyait étaient véritablement ceux qui étaient affichés ou bien... si sa vue lui jouait simplement des tours. Ouais, il hallucinait carrément là. Et à vrai dire, il ne comprenait pas comment on pouvait dépenser autant d'argent pour un bijou, un simple accessoire dénué d'intérêt. Non, c'est clair qu'il n'appartenait pas à ce monde là, lui, ça le dépassait. S'il se trouvait là, au milieu de toute cette richesse, c'était uniquement pour Ana, à qui il ne fit d'ailleurs aucune remarque.  La montre était belle certes, mais Jules était persuadé qu'elle aurait trouvé tout aussi beau à un prix beaucoup plus bas. M'enfin, c'était tout à son honneur de vouloir offrir un tel cadeau à sa petite soeur. Voyant le vendeur revenir avec le bijou en question, le jeune homme s'écarta pour les laisser régler leurs trucs, continuant de contempler - si on pouvait dire ça comme ça - la vitrine. C'était calme, limite paisible que personne, pas même le français et son pessimisme habituel, n'aurait pu deviner ce qui allait se passer. Des hommes vêtus de noir, cagoulés et par-dessus tout, armés. Jules resta figé, l'air interdit, l'espace de quelques secondes, le temps de comprendre réellement ce qui était en train de se passer. Et lorsque ce fut le cas, son premier réflexe fut de revenir aux côtés d'Ana, non pas par "peur" ou crainte mais plutôt pour s'assurer de pouvoir la protéger. Au même moment, un des mecs s'approchait d'eux, ordonnant à la blonde de lui donner sa bague. À peine le temps de réagir qu'il la lui arrachait lui-même de la main. Serrant la mâchoire, Jules se retint de dire ou faire quoi que ce soit. Face à un homme armé, que pouvait-il faire hein ? Lui tenir tête comme elle venait de le faire au risque de se prendre une balle ? Ou juste se la jouer discret, coopérer à contre coeur et prier pour que tout ça ne se termine très vite ? Il se sentait tellement impuissant que ça ne l'énervait que davantage. Ne pouvoir rien faire, ne pas pouvoir protéger Ana comme il le voudrait, ouais ça l'énervait. Mais il tentait de garder son sang froid Jules, de ne rien laisser paraître, soutenant le regard de la blonde comme si c'était la dernière fois qu'il la voyait. Il avait peur lui aussi. Pas de mourir non, mais plutôt de perdre l'une des seules personnes à qui il tenait encore dans ce monde.

Tout se déroula à une vitesse folle. Alors que j'étais en train de discuter avec le vendeur pour clôturer l'achat du cadeau, deux hommes vêtus de noir, de la tête aux pieds, entrèrent. Seulement il était là pour dérober ce qu'il y avait dans la boutique, mais en plus, ils étaient armés. Je me figeais aussitôt, ne répondant plus de rien tellement j'étais paralysée par la peur. Jules vint se mettre à mes côtés, mais il était comme moi, il ne pouvait rien faire d'autre que d'attendre que le temps passe. Et le temps, il était extrêmement lent. Alors que l'un remplissait le sac, l'autre était en train de me retirer ma bague de force. Peut-être que j'aurais dû lui donner, ça m'aurait évité cette douleur vive qui m’arracha un cri. Ma bague disparut aussi dans la poche du type tandis que je reculais pour me plaquer contre Jules. C'est certainement à ce moment que tout s'enchaina puisqu'ils repartirent à une vitesse folle. Pendant un instant, ce fut le calme total, des passants s'arrêtaient pour regarder la boutique avec surprise. Pour ma part, la seule chose que j'arrivais à faire c'était me nicher dans les bras de De Lacroix pour pleurer et ne rien faire d'autre.