Orlando C. Gaona-Yanez ♠ Chris Brown

Tout a commencé à New York. J'étais né dans cette ville qu'on surnommait "la grosse pomme" d'un père garagiste d'origine espagnole et d'une mère au foyer d'origine jamaïcaine. A l'époque, j'étais un enfant sage, obéissant et innocent. Qui aurait cru que j'allais devenir un fils indomptable, une tête brûlée? C'était tellement imprévisible et inattendu. Moi, le petit garçon qui jouait sagement sur le bitume avec quelques copains. Moi, dont on vantait la politesse et la bonne éducation. Je crois qu'il faut accepter qu'avec le temps, les gens changent et par la même occasion, nous aussi...

Mes parents avaient décidé de tenter leur chance à New York. Ils habitaient autrefois en Europe. C'était ma mère qui avait entraîné mon père dans ce plan. Elle avait voulu faire comme sa soeur qui y habitait déjà depuis quelques années. En arrivant dans la ville "qui ne dort jamais", ils se sont vite rendus compte qu'ils s'étaient mal préparés à la vie ici. On vivait dans un appartement à l'espace très restreint à l'extérieur du centre ville. On habitait pas dans ces quartiers défavorisés, ce que les gens appelaient "ghettos" mais ce n'était pas le luxe non plus. Les conditions de vie étaient précaires. Des familles nombreuses habitaient dans ce même appartement et on entendait perpétuellement du bruit et ce jusqu'à pas d'heure. Il était impossible de vraiment avoir sa tranquillité. C'est typique de la vie en appartement vous me direz. Ce n'était du coup pas l'idéal pour faire ses devoirs ou tout simplement vivre en paix. Mon père avait peiné à trouver du travail. Ils avaient sous-estimé les épreuves qui les attendaient. C'était un échec douloureux pour lui. Il avait promis qu'il prendrait soin de nous. Ma mère avait aussi cherché du boulot mais sans succès. Elle n'avait obtenu aucun réponse à ses nombreuses demandes. Mon père, après un an de chômage, avait contre toute attente trouvé un travail: garagiste. Ce n'était pas le boulot le mieux payé mais il y'avait au moins une rentrée d'argent. Mes parents avaient craint le renvoi au pays. La chance nous avait souri.

5 juin 1996. La police m'arrête. Ils ont retrouvé dans mon sac de cours des sachets contenant du cannabis. Si je m'étais attendu à ça? Non. Je ne sais quelle mouche les avait piqué, mais ce jour-là je m'étais mis dans de beaux draps. Mes parents avaient eu le droit à une lourde amende. Ils m'en avaient beaucoup voulu et pendant des mois nos relations avaient été plus que tendues. Et comme si cela n'avait pas suffit, j'avais écopé d'une soirée passée en garde à vue ainsi qu'un passage devant un conseil de discipline. J'avais échappé de peu à la prison et ce n'était pas la première fois. L'année précédente, on m'avait arrêté parce que je m'étais bagarré en pleine rue. C'était au départ une petite querelle de soirée qui avait tourné en affrontement de deux clans. Toujours l'année précédente, j'avais saccagé une maison avec un groupe d'amis. On s'était incrusté à une soirée et , complètement bourrées , on avait mis la maison sans dessus dessous. Un adolescent avait prévenu la police qui avait débarqué en peu de temps. J'en avais fait voir de toutes les couleurs à mes parents les laissant tous les soirs dans l'inquiétude totale. On est insouciant quand on est jeune. Les fréquentations y sont pour beaucoup et je n'étais pas vraiment le pire de mes amis. La plupart avait fait de la prison. Moi, j'y avais échappé de justesse, vraiment de justesse. Je ne vais pas énumérer tous mes méfaits, la liste serait bien trop longue mais je crois avoir donner les principaux.

Quelques années plus tard, je me suis retrouvé à vendre de la drogue. J'avais fait croire que je m'étais dégoté un petit boulot en tant que serveur dans un bar mais c'était faux. Vendre de la drogue était tentant. On se faisait plus de sous en deux jours qu'en travaillant durant une semaine entière. C'était si simple. De l'argent facile. La journée, j'allais en cours, le soir j'allais à des soirées. J'étais de moins en moins invité. On redoutait ma présence depuis le carnage d'il y'a quelques années. Mais ça ne m'empêchait pas de m'incruster. J'étais un adepte des soirées qui finissaient mal, là où l'alcool coulait à flot, là où je pouvais chopper autant de meufs que je voulais , là où je fumais et buvais sans me soucier de l'après. J'avais toujours été plus ou moins comme ça depuis l'adolescence. Plus je grandissais, plus j'étais source de problème pour ma famille. J'étais tellement différent de ma petite soeur, Estefania. Elle était mon antipode. Bonne élève, obéissante et si innocente. L'idée de désobéir aux parents lui venait rarement à l'esprit. Tout le contraire de moi quoi. C'était plus fort que moi. J'étais indomptable. Un cas particulier qu'il ne valait mieux pas examiner à la louche. Je les rendais dingue. A mes dix huit ans, mes parents avaient pris une décision radicale: me mettre dehors. Ce rythme de vie, ils ne pouvaient plus le supporter et même si ça leur faisait mal de me voir comme ça, même s'ils craignaient que les choses empirent pour moi, ils sentaient que me couver n'allait pas non plus me rendre service. Au moins, ça allait leur éviter les visites régulières de la police...

J'avais été contraint de me trouver un appartement. Entre temps, j'avais voulu partir à une école militaire. J'y étais resté un an, pas plus. Je n'avais pas tenu. C'était beaucoup trop strict et en plus, je crois avoir rendu chèvre les officiers. Ils n'avaient jamais vu quelqu'un d'aussi téméraire et têtu. Quand je vous disais que j'étais une tête brûlée! En vingt ans de carrière, ils n'avaient jamais vu un cas comme moi. Mais ce cours séjour m'avait beaucoup appris et m'avait un peu calmé on va dire notamment en ce qui concerne le respect de mes parents. Je ne me rendais pas compte mais je leur devais énormément. J'avais décidé de faire quelques efforts, de plus me prendre en charge, de me montrer plus "adulte". Après le lycée, j'avais déposé mes candidatures dans plusieurs universités et j'étais loin, mais alors très loin de m'imaginer que j'allais être accepté à Harvard. Les seules matières dans lesquelles je réussissais, c'était les mathématiques et les sciences. J'étais pas bosseur mais logique. Quand on est logique, les maths nous sourit.