{ruin the friendship} ❥ a&t

Les Bahamas, c’est encore tout récent. Le retour à la réalité a été très difficile, surtout quand j’ai dû remettre les pieds au cinéma pour le boulot. En plus, qui dit fin du Spring Break, dit approche des examens. J’appréhende beaucoup les semaines à venir, mais il faut que je m’accroche. Je suis en quatrième année, je ne peux pas faire demi-tour à ce stade-là des études. Je me connais, de toute manière, une fois que tout sera terminé, ça ira beaucoup mieux. Le meilleur moyen de me changer les idées, c’est d’aller marcher un peu. J’ai toujours adoré marcher, même parfois sans but précis. Je ne marche pas forcément pour aller quelque part, mais pour passer le temps, pour réfléchir tranquillement. C’est l’un de mes passe-temps comme le sport l’est pour certains. Je repense évidemment au voyage aux Bahamas. Ce n’est pas spécialement la destination qui me faisait le plus envie, mais le simple fait d’avoir pu passer un peu plus de temps avec Carl, ça m’avait fait le plus grand bien et depuis, il était difficile de m’ôter ce sourire qu’il provoquait sans le vouloir. J’essayais malgré tout de redescendre sur terre. Carl est mon ami et même si j’éprouve des sentiments pour lui, je suis bien consciente que notre relation est vouée à rester ainsi. Je marche toujours, j’arrive au niveau de Carson Beach et je suis complètement perdue dans mes pensées. Je ne fais pas attention à ceux qui m’entourent, je ne fais attention qu’au paysage qui est splendide même si c’est loin d’être celui des Bahamas. Je suis soudainement tirée de mes rêves éveillés et j’en sursaute même.

« Wow ! Carl ! Effectivement, je devrais commencer à me demander si tu ne me suis pas partout où je vais… »

Je lui adresse un large sourire et je ris, lui faisant comprendre que c’est de l’humour, bien entendu.

« Qu’est-ce que tu fais dans le coin ? »

Ce que j’aime chez Carl, c’est son sens de l’humour. Evidemment ce n’est pas la seule chose que j’apprécie chez lui, mais je dois avouer que le fait qu’il rentre dans mes blagues un peu douteuses sans me juger, ça fait que je l’apprécie encore plus. Il y a ça mais également sa façon de jouer de la musique et puis son regard. J’adore son regard. J’avais donc dit en rigolant que je me demandais s’il ne me suivait pas partout où j’allais et il répondit qu’il avait mis une puce GPS sur moi afin de savoir à chaque instant où j’étais. Je ne pouvais m’empêcher de rire.

« C’est creepy… Je crois que tu me fais peur maintenant. »

Dis-je en rigolant. En réalité, si je ne le connaissais pas et qu’un mec me disait ça, je crois que j’aurais vraiment peur. Même mon copain, s’il décidait de réellement me mettre une puce GPS, je ne trouverais pas ça mignon mais super flippant. Lorsque je lui demande ce qu’il fait par ici, il m’explique qu’il faisait simplement du skate. Cette fameuse planche à roulette sur laquelle je suis incapable de tenir debout malgré de nombreux essais durant mon enfance. Il me propose alors d’essayer tout en précisant qu’il sera là si jamais je perds l’équilibre.

« Ce n’est pas que je ne veux pas, mais toutes les fois où j’ai essayé, ça n’a pas été très fructueux. J’ai manqué de me péter le coccyx à plusieurs reprises. Après, si tu me tiens, peut-être que ça ira. »

Une façon de me rapprocher de lui ? Non, pas du tout. Mais j’ai peur d’être ridicule devant lui en revanche, si je tombe, il aura cette image de moi incapable de tenir en équilibre sur une planche et j’aurai honte jusqu’à la fin de mes jours – ou du moins jusqu’à ce que je ne l’oublie. Il change alors de sujet, précisant qu’il avait oublié quelque chose. Il sort une enveloppe de sa sacoche et me la tends. J’ouvre l’enveloppe et j’y trouve des photos de moi et de nous.

« Oh ! Elles sont superbes, merci beaucoup ! »

Par pur réflexe je le prends dans mes bras. C’est ma façon à moi de lui dire merci.

Je rigole évidemment, il ne me fait pas peur, au contraire. Il dit que c’est vexant comme remarque, même s’il le dit en rigolant, j’espère ne pas l’avoir réellement vexé. Alors avec un sourire timide, je tente de rectifier le tir.

« Je rigole évidemment. Je n’ai pas peur de toi ! »

Concernant le skateboard, il explique que je suis probablement trop fixée sur la chute. Je pense qu’il n’a pas tort, j’ai toujours peur de tomber et c’est probablement pour ça que ça arrive presque à chaque fois. Mais comment ne pas y penser ? Je ne sais pas comment il fait, j’ai toujours admiré les skaters pour ça. Il dit qu’il me tiendra. Il pense donc vraiment à me faire essayer le skateboard ? Je ne veux pas passer pour une dégonflée.

« Bon bah, okay alors, j’essaierai de ne pas penser à la chute, mais je pense que ce ne sera pas facile… »

Lorsqu’il me donne l’enveloppe comportant les photos, j’ai des étoiles dans les yeux. Je me souviens qu’il avait pris des photos, mais je n’avais pas réalisé qu’il tiendrait à les faire développer. Je les trouve superbes, même si je n’aime pas poser sur le moment, il a le don de me rendre presque photogénique. Les photos de nous deux sont encore plus belles, mais ça c’est à cause de ce que je ressens pour lui. J’essaye de ne pas rougir et de cacher mon petit sourire. Il propose alors de garder les photos le temps qu’il me fasse essayer le skateboard.

« Oui, bonne idée. Il faudra juste que je n’oublie pas de les récupérer après ! Je suis si tête-en-l’air… Mais attends, tu ne rigolais pas quand tu disais que tu voulais me faire essayer le skate ? »

Je réalise qu’il était plutôt sérieux. Si j’avais su je me serais habillée autrement qu’avec cette jupe. Les premiers rayons de soleils m’ont donné envie de ressortir les vêtements plus légers mais pour faire du skate ce n’est pas très adapté. On va alors dans un endroit un peu plus loin où il y a moins de passage. Il pose le skate sur le sol avant de me tendre les mains en me faisant comprendre que c’est à moi.

« Wow. Tu me tiens bien hein ! »

J’attrape ses mains et le contact avec celles-ci me rend encore plus gênée que je ne le suis déjà. S’il savait… Je pose un pied sur la planche et tente de la stabiliser. Je pose alors le deuxième pied et je sens la planche partir vers la gauche, je sens que mon équilibre s’en va et je sers alors très fort les mains de Carl avant de me ressaisir.

« Désolée… J’espère que je n’ai pas serré trop fort… Je t’ai dit, je ne suis pas très douée pour ça… »

C’est à croire que Carl a la faculté de lire dans mes pensées, ou alors c’est vraiment un hasard incroyable qu’il dise exactement ce que je n’avais pas osé dire au risque de passer pour celle qui voulait absolument le revoir. Après avoir prétendu qu’il me suivait partout, je n’avais pas osé. Effectivement, si j’oubliais les photos, ce serait une raison valable de le revoir. Je n’allais pas pour autant faire exprès de les oublier. Ces photos sont si belles que j’aurais trop envie de les regarder dès que je peux. Je ne dis rien, je me contente de sourire. Je sais que Carl et moi sommes amis, mais le problème c’est que j’ai toujours l’impression que le moindre de mes mots ou de mes actes pourrait être de trop, le déranger et j’ai toujours peur qu’il n’ait pas envie de me revoir. Forcément, cette petite phrase me fait plaisir.

Place aux choses sérieuses. Je n’ai pas essayé de monter sur un skateboard depuis l’Australie, lorsque j’étais en vacances chez Warren. C’est lui avait tenté de m’apprendre à rouler et quand je tombais, il n’arrêtait pas de se moquer de moi. Je sais que c’était pour rire, mais ça m’a enlevé toute ma confiance dans ce domaine depuis. Je veux faire confiance à Carl pour ça, alors je monte sur la planche et lui tiens les mains de manière à ne pas tomber. J’étais super gênée. Ce n’était qu’une petite leçon de skateboard, mais passer un moment comme ça avec Carl, forcément, ça me rendait toute drôle. Je ne savais pas si c’était dans ma tête mais j’avais la sensation qu’il caressait mes mains tout en me les tenant. Est-ce pour ça que j’ai été déstabilisée ? Non, je suis juste maladroite. J’avais le sentiment de faire de la bouillie de ses doigts, mais il disait que ce n’était pas grave. Ce qui devait arriver, arriva. Je me sentis perdre véritablement l’équilibre, et sans avoir le temps de dire ouf, je me retrouvai au sol. Cette fois-ci je n’étais pas tombée sur le coccyx, mais je me retrouvai sur Carl qui lui était tombé en arrière. J’allais lui demander si ça allait mais il répliqua que mon coccyx allait le remercier.

« Oui, je crois bien qu’il t’es reconnaissant… »

Je tente de reprendre mes esprits. Il se relève et me tend les mains pour m’aider. Je me remets debout tout en faisant attention à ce que je ne me retrouve pas dans une situation encore plus gênante. C’est mignon les jupes, mais vraiment pas adapté.

« Je vais bien, merci. Et toi ? Tu ne t’es pas fait mal à cause de moi j’espère ? Je suis désolée, je suis vraiment maladroite. Tu es sûr que c’est une bonne idée qu’on continue ? »

Dans un sens, j’aimais bien ce petit moment privilégié dont je bénéficiais avec Carl, mais je me demandais si continuer n’allait pas me mener à une situation gênante ou ridicule.

« Tu n’as pas d’autres conseils à me donner pour éviter ce genre de désagrément ? »

J’espère ne pas avoir fait mal à Carl, je m’en voudrais énormément sinon. Je suis la plus maladroite de Boston, j’en suis certaine. Je n’ai jamais été douée pour ce genre de choses, c’est un fait et je crois que malgré tous les efforts du monde, ça ne bougera jamais. Il m’assure qu’il va bien même s’il est certain que des bleus risquent d’apparaître plus tard. Je suis rassurée mais encore gênée d’être tombée.

Je n’ai pas vraiment compris ce qu’il s’est passé ensuite. Carl enlève alors sa veste et son sac puis me demande de m’asseoir sur l’avant du skateboard. Je hausse un sourcil ne comprenant pas trop comment c’est censé m’aider à tenir debout, mais je ne pose pas trop de question et je fais ce qu’il me dit, même si je suis un peu sceptique après sa remarque concernant la jupe. Alors que je m’assoie de manière à ce qu’on ne voie pas ce qu’il y a en dessous ma jupe, malgré mon collant, Carl dépose sa veste sur mes jambes. Je tente de ne pas rougir. Ce n’est pas habituel que je me retrouve avec quelqu’un de si attentionné. Bon, concernant le fait d’être légère, c’est une autre histoire.

« Je vais faire de mon mieux… »

Il me confie son sac également et une odeur émane de la veste qui est sur mes genoux. Ça sent vraiment bon, je me demande alors quel est ce parfum. En tout cas, j’aime beaucoup et je ne peux m’empêcher d’apprécier, associant l’odeur à Carl. A défaut de pouvoir le prendre dans mes bras dès que j’en ai envie, je profite d’un petit moment comme celui-ci, comme s’il était avec moi. Je crois que si je disais tout ça à voix haute, on me prendrait pour une folle. Soudain, il se met à rouler. Je ne m’attendais pas à ce qu’il roule comme ça, avec moi assise sur la planche, je comprends mieux ses recommandations. Finalement il finit par s’arrêter, ça aura été toute une épreuve pour ne pas tomber, pour le coup j’aurais vraiment été la maladroite de l’année. Il m’annonce alors un changement de programme, proposant un café ou quelque chose. Même lui a déjà renoncé à l’idée de me faire tenir sur une planche, c’est dire !

« Ça me va parfaitement, je pense que c’est plus dans mes cordes ! »

Dis-je en esquissant un sourire. Alors qu’il récupère sa sacoche il semble oublier de reprendre sa veste. Je la lui tends.

« Tu oublies quelque chose, Carl ! »

Si ça ne tenait qu’à moi, je la garderais mais je ne veux pas passer pour une voleuse de veste qui sent bon.