GIOVANNI RICCI ► matthew noszka

A. Angelo d'Italia
Un hôpital aussi sombre que l'être sur le point d'y naître. Un couple vivant ses dernières secondes de liberté. Un enfant qui pleure à peine et qui se plonge dans les bras aimants de sa mère. Une famille voit le jour. Et quelle famille : les Ricci. Il y en avait de l'argent, de la tune, du flouze. Du bonheur ? Seulement éphémère. Enfant unique, il jouissait d'une exclusivité sentimentale de la part de ses deux géniteurs. Pendant près de deux ans, Giovanni n'était que le reflet d'une âme bienveillante et épanouie. Puis ils sont arrivés. Ces cris, ces pleures, ces énervements. Il les entendait de l'autre côté de la porte, patientant aux côtés de sa nourrice l'arrivée de celle qui allait devenir l'antagoniste de sa propre histoire. Elle était là. Dina. Le premier regard qu'il offrit à sa sœur était une ode à la haine, au dégoût et au ressentiment. L'âme du petit prince Ricci avait perdu de son éclat. Si l'enfant a vu le jour le 23 mai 1994, c'est pourtant à l'instant précis où il rencontra sa sœur que le véritable Giovanni était né.

B. Del male fare e paura avere
Elle n'était pas des leurs, mais elle ne devait pas le savoir. Cette promesse, il doit la tenir encore aujourd'hui. Pourquoi les parents Ricci avaient-ils besoin de cette enfant qui ne partageait même pas leur sang ? Il ne l'a jamais compris, ni même jamais accepté. Une étrangère, une profiteuse qui s'accorder toute l'attention. Voilà tout ce qu'elle a représenté pendant plusieurs années. Incapable d'aimer, d'apprécier ou même tolérer sa propre sœur. Lui qui était le fils rêvé mais dont le cœur s'est noircit par la rancœur de ne pas être assez pour ses parents. Une perfection imparfaite qu'il n'a cessé de vouloir corriger. La quête de succès obsessionnelle, une ambition maladive, une avidité d'adoration ; une conclusion dystopique du rejet qu'il n'a cessé d'éprouver. Les sentiments l'avait transformé et ne représentaient pour lui qu'une faiblesse. Faiblesse qu'il a choisi d'éradiquer au profit de son égoïsme et de sa solitude. Giovanni n'était alors plus qu'une machine simplement pilotée par sa psychose égocentrique. Chaque seconde de sa vie, chaque relation, chaque contact était le fruit d'un calcul bien établi. Il était détruit par sa propre antipathie.

C. Sorella straniera
Elle qui le privait de son exclusivité, elle qui a usurpé sa famille. Une seule solution : le contrôle. Cette notion ne lui était pas étrangère. Mama Ricci s'était métamorphosée en esclave de l'alcool, insoutenable pour son unique fils. Lui qui éprouve une haine incommensurable envers tout type de faiblesse, de fragilité ou de dépendance. Lui qui n'avait pour aspiration que de l'endurcir et faire d'elle une femme forte. Peut-être inconsciemment avait-il envie de projeter cette faiblesse sur Dina. Car elle était faible. Raison majeure de faire d'elle sa victime. Il n'était plus possible pour lui d'accumuler tant d'années de rancœur et de jalousie sans qu'elle ne finisse par en payer le prix. Régulation de ses sorties, contrôle de ses relations, couvres-feux, autorité presque dictatoriale, il fit entrer sa sœur dans son propre monde par pur égoïsme. Pourquoi devait-il subir cet état d'esprit en silence et en solitaire ? Il avait un contrôle total sur sa liberté de mouvement, de penser, d’interagir avec l'extérieur ou même l'intérieur. C'était un manipulateur de choix. Dina était difficilement domptable, mais ce trait était récurrent dans la famille. Si quelque chose ne lui plaisait pas, son grand frère ne lui permettait pas d'avoir le luxe de l'exprimer en usant parfois même de la violence. Si cet éloignement que Giovanni a instauré dès sa naissance n'avait jamais permis d'aboutir à une proximité entre les deux progénitures des Ricci, elle aimait quand même son frère. Amour qu'il a pris soin de détruire par tous ses dictâtes qu'il lui imposait. Pourtant il s'aimait trop pour admettre représenter un ennemi hostile, il élaborait tout sous la joule du "ti proteggo", je te protège. La seule chose qu'il protégeait était son égo. Ego qui l'empêchait de se rendre compte qu'enfouie toute cette malveillance vivait le petit Giovanni perdu depuis 1996, avec pour seule envie d'aimer sa sœur.

D. Andato
"La plus douce liberté est une bonne conscience". Dina a su se libérer de ses chaînes dorées en quittant le pays, en quittant sa famille, en quittant ce passé rendu calamiteux par son frère. Ce frère symbole de haine, de mépris et d'égoïsme. Ce frère qui ne savait même où sa soeur s'était éclipsée. Il était tout à fait conscient de ce qu'il représentait pour elle, et à quelle échelle. Peu importe où elle se trouvait, il savait qu'elle pensait à lui. C'était sa réussite. L'attention, bonne ou mauvaise n'était que bénéfique pour cet égo si travaillé. C'est aussi pour satisfaire cet égo qu'il s'est lancé dans le sport très jeune. En tant que bon loup solitaire qui se respecte, les sports auxquels il s'est intéressé étaient évidemment des sports individuels : la course et la natation. Son ambition maladive lui a offert un mental digne des plus grands champions, même si ce dernier n'était pas fourni avec son lot de modestie. Grand coureur, mais aussi grand nageur que beaucoup d'équipes ont sollicités. Le jour où Giovanni a intégré sa première équipe de natation, il fut renvoyé le jour même. Trop autoritaire, trop insultant, trop méprisant, trop égoïste, trop ... Détestable. Sa bipolarité était aux antipodes de ce que représentait une équipe.

E. Successo italiano. Now going international.
Major de sa promo en Economie à l'université de Bologne, le petit prince Ricci doit maintenant élargir ses horizons. Conscient de ce que représente l'opportunité d'être major, il vise alors les plus hautes universités pour poursuivre son cursus. Cambridge, Oxford ou l'Ivy League. Être au sommet de l'Italie était devenu sans intérêt, surtout depuis que l'être qu'il espérait le plus impressionner était déjà loin de ses terres italiennes. Ernesto, son meilleur ami exilé à Harvard était un moteur déterminant pour convaincre Giovanni de le rejoindre. Mais Ernesto n'était pas le seul visage familier déambulant dans les couloirs de l'université de marque. "Elle est là, Gio." Ernesto avait ouvert les valves d'une forme d'adrénaline qui s'eccoula dans les vaisseux sanguins du petit prince. Il savait maintenant où elle était, il savait qu'il pouvait y être lui aussi. Endoctriner par son coeur sombre et égoïste, peu lui importait que retrouver Dina à Harvard lui briserais son bonheur. On ne se débarassait pas de Giovanni. Si elle le haïssait, le mépris dont elle avait fait preuve en quittant sa famille avait embrasé encore un peu plus l'âme de Gio. Si elle pensait vivre une nouvelle utopie, elle n'était que la personnification de la naïveté. La fratterie Ricci allait se réunir à Harvard, Giovanni's coming.