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Les mains posées sur le volant de sa nouvelle audi Q7 d'un rouge flamboyant, Dale se positionne dans la file des gens qui attendent visiblement quelqu'un. La dernière fois qu'il a posé les yeux sur l'horaire des vols, l'avion d'Alaska avait atterri, mais il s'installe un peu plus confortablement dans son siège en l'attendant puisqu'il sait pertinemment qu'elle doit probablement récupérer ses bagages. Il monte le son de la radio afin de ne pas trop avoir la chance de réfléchir, soupire en repensant à cette conversation qu'il a eue avec son chef de service, à l'hôpital. Il ne peut absolument rien faire pour lui en ce qui a trait à la salle d'opération, mais il lui a tout de même proposé un poste d'enseignant titulaire à l'Université Harvard, ce qui n'est franchement pas rien.

Pourtant, Dale hésite. Tout le monde est au courant, Dale déteste enseigner. Ce qu'il aime, c'est le défi que lui procure la chirurgie. C'est la nervosité et l'adrénaline provoquée par une opération qui ne se déroule pas forcément comme il l'aurait voulue. Mais enseigner ... Il n'est pas prêt à prendre sa retraite, toutefois, et il considère que c'est probablement la seule option qui lui reste dorénavant.

Il sursaute lorsque la porte arrière du véhicule s'ouvre rapidement sur sa fille, lui offre un sourire avant de chasser les sombres pensées qui lui envahissent désormais l'esprit. Il a vraiment besoin d'un verre.

Dale quitte la voiture et la contourne afin de récupérer Lilou dont il embrasse le front en la chatouillant légèrement.

« Bonjour ma puce ! Tu m'as manqué, tu sais ? »

Dale sourit et laisse sa fille installer Lilou dans le siège d'enfant déjà installé à l'arrière, avant d'embrasser rapidement sa tempe. Ce n'est que lorsqu'ils ont rejoint tous deux leurs places à l'avant du véhicule que le chirurgien s'adresse de nouveau à elle.

« Alors, ces vacances ? Comment c'était ? »

Le week-end aux Bahamas était terminé et je fus surprise de la différence de température en descendant le l'avion. Adieu le soleil, bonjour la neige. Heureusement, j'avais pensé à bien couvrir Lilou, qui pourtant ne semblait pas d'accord. Elle avait apprécié être en robe et aller à la plage ma petite puce et c'était un dur retour à la réalité pour elle aussi. Je ne rentrais pas avec mes amis, mon père venait nous chercher à l'aéroport. La relation était toujours compliquée, mais on se supportait assez pour faire un trajet en voiture ensemble. C'est une fois la valise en main qui je quittais les lieux pour retrouver le parking extérieur de l’aéroport. Je n'avais pas de mal à trouver la voiture de mon père de part sa taille et sa couleur. Moi aussi, j'avais eu jusqu'ici une voiture luxueuse, offerte par mon ex-petit ami Gabano, mais comme tout le reste, je lui avais rendu. Dale quitte la voiture au moment où j'ouvre la portière arrière pour y mettre Lilou. Il remplissait son rôle de grand-père à merveille en se montrant complètement gâteau. De toute évidence, il était plus à l'aise avec sa petite fille qu'il ne l'était avec sa propre fille. « Bonjour ma puce ! Tu m'as manqué, tu sais ? » confit-il à Lilou en déposant un baiser sur son front, ce qui ne manquait pas de la faire sourire. Je l'installais dans le siège avant de moi aussi avoir le droit à un bisou. Je ne disais rien, restant silencieuse. Il avait déjà aperçu mes égratignures sur le visage la semaine dernière et j’espérais qu'il n'allait pas me poser d'autres questions à ce sujet sur la route. « Alors, ces vacances ? Comment c'était ? » Nous étions à l'avant du véhicule à ce moment et j'espérais que la discussion reste concentrée sur mon week-end. « C'était super bien ! On était tous ensemble et les Bahamas c'est vraiment magnifique... Il faisait un soleil superbe et clairement, ça change d'ici... » de Boston.

Si Dale tente tant bien que mal de réparer les pots cassés et de se rapprocher de sa fille, ses efforts ne sont pas toujours appréciés du côté de la jeune femme. À vrai dire, ce n'est pas si facile de faire comme si de rien n'était alors qu'ils se sont disputés à plusieurs reprises déjà depuis l'arrivée d'Alaska à Boston. Le médecin fait de son mieux, mais il a parfois l'impression qu'elle lui échappe, que ce n'est pas suffisant. Sa fille est un électron libre, une jeune adulte qu'il ne pourra jamais espérer contrôler malgré son envie démesurée de la garder en sécurité. Elle fait ce qu'elle veut et elle n'a besoin de l'approbation de personne.

Il ressent un peu cette tension qui les bouscule tous les deux lorsqu'ils se retrouvent ensemble, sans doute parce qu'ils ont vécu tellement de choses en si peu de temps. Le chirurgien lève les yeux sur le rétroviseur avant afin de jeter un coup d'oeil sur l'enfant bien installée dans son petit siège, sourit et démarre le véhicule lorsque sa fille commente leurs vacances.

« Je suis heureux de l'apprendre. Qu'est-ce que vous avez fait ? »

S'extirper de la file d'attente des dizaines de voiture n'est pas de tout repos, encore moins lorsqu'on possède un véhicule aussi imposant que le sien, mais Dale parvient néanmoins à quitter l'aéroport sans encombres.

« J'imagine que tu auras plusieurs photos à me montrer ? »

La fillette gazouille derrière et Dale sourit avant de se concentrer sur la route.

Pas facile de renouer avec mon père, même malgré les années qui défilent. Pourtant, je me connais... Je sais que mon père a fait ce qu'il a fait, je reste une personne qui finit toujours par pardonner et je m'en voudrais terriblement de ne pas pouvoir profiter de lui. Si jamais il arrivait quelque chose à Dale, avant que je n'ai pu totalement lui pardonner, je crois que ça serait la pire chose qui pourrait m'arriver. J'espérais vraiment qu'un jour on allait trouvé la paix tous les deux et que tous nos problèmes allaient s'évaporer aussi vite qu'ils sont apparus. En attendant, je restais une personne fière qui avait du mal à faire la part des choses. Un fois dans le véhicule, on prenait la route pour rentrer à la maison, laissant la discussion s'installer d'elle-même. « Je suis heureux de l'apprendre. Qu'est-ce que vous avez fait ? » Une petite moue pour marquer ma réflexion et je répondais sans entrer des les détails : « On a passé beaucoup de temps avec les amis, à la plage notamment. Lilou se débrouille comme une cheffe dans l'eau ! » Et je donnais cette dernière information avec fierté, un large sourire aux lèvres. « J'imagine que tu auras plusieurs photos à me montrer ? » - « Oui, si tu veux... J'ai quelques vidéos aussi » S'il voulait s’intéresser à ma vie de famille pourquoi pas. J'espérais au moins de pas avoir de leçon ou de morale. Je n'offrais pas toujours la meilleure des vies à ma fille.

« Comme une chef, hein ? Je pourrai l'emmener à la piscine, à un moment donné. Elle pourra me montrer ses prouesses ! »

Sa proposition s'avère probablement assez surprenante, pour Alaska, puisque Dale a une vie professionnelle excessivement chargée et qu'il ne prend pas souvent les vacances qu'il mériterait pourtant. Il s'en rend compte un peu tard, se dit que sa fille ne s'intéressera pas à ses paroles et se dira sûrement qu'il a décidé de s'impliquer davantage dans la vie de ses petits-enfants pour compenser son absence avec ses propres enfants. Il espère, en tout cas, qu'elle le verra de cette façon-là et qu'elle ne lui posera pas davantage de questions sur son emploi du temps apparemment surchargé.

« J'aimerais bien les voir, oui. » lance-t-il en jetant un rapide coup d'oeil à la fillette sur le siège arrière, visiblement à deux doigts de s'endormir. « Il y avait d'autres enfants ? » demande-t-il à nouveau en tournant brièvement la tête vers Alaska avant de reporter son attention sur la route qui se dresse devant lui.

« Vous mangez avec nous ce soir ? Ou bien je vous dépose à ton appartement ? »

C'est une invitation, bien sûr.

« Comme une chef, hein ? Je pourrai l'emmener à la piscine, à un moment donné. Elle pourra me montrer ses prouesses ! » J'étais surprise par la proposition, loin d'imaginer mon père emmener sa petite fille à la piscine. Mais, pourquoi pas. Si Dale arrivait à trouver du temps pour ce genre de chose, alors je n'y voyais pas d’inconvénient. N'ayant plus de père, j'étais bien contente que ma fille ait deux grands-pères avec qui passer des après-midis. « Oui... J'y vais quelque fois avec elle... » Pas assez souvent, mais je faisais de mon mieux pour jongler avec mon emploi du temps de ministre. On avançait et on s’enfonçait délicatement dans la ville. À l’extérieur, il faisait un froid de canard à cause de la neige qui nous était tombé dessus. J'dois dire que le soleil des Bahamas me manquait déjà et le fait de parler de mon week-end était en train de me rendre nostalgique. Je racontais alors le programme que nous avions eu et je lui annonçais avoir des vidéos et photos de ma puce dans l'eau turquoise. « J'aimerais bien les voir, oui. » Dale était gaga de sa petite fille, c'était officiel. Je souriais avant de me reconcentrer sur le paysage. « Il y avait d'autres enfants ? » - « Il y avait Juliet, la fille de Wade et Briony » Ma filleule. Lilou et elle se connaissaient bien désormais et elles avaient l'habitude de se voir. Tout comme Lilou était très à l'aise avec mes amis. « Vous mangez avec nous ce soir ? Ou bien je vous dépose à ton appartement ? » J'haussais les sourcils, réfléchissant quelques secondes. « On peut manger chez vous, mais j'aimerais poser la valise à la maison avant... » Je n'avais pas envie de devoir faire ça tard ce soir et puis, je n'avais plus de voiture non plus, donc ce n'était pas pratique.