No light in your bright blue eyes (Alysse)

Alysse parvenait au comble d'être à la fois omniprésente et complètement absence de son existence depuis quelques mois. La Brunette multipliait les messages, tentait de le couvrir de petites attentions mais tout tournait toujours au désastre. Depuis quelques temps, elle était encore plus étrange que d'habitude. Et voilà maintenant que les mois s'amoncelaient depuis qu'ils n'avaient plus couché ensemble. Declan souffrait de ce manque de proximité mais il savait la Brune prise par son infiltration, elle avait elle-même respecté le fait qu'il se fasse passer pour un étudiant pendant presque une année entière alors comment pouvait-il lui reprocher quoi que ce soit ? Pourtant, le Brun avait besoin d'autre chose, il ressentait le besoin impérieux de se poser, de mener une existence un brin plus stable, sans pour autant oublier le boulot mais trouver un entre-deux qui soit confortable. Alors en attendant de parvenir à ce but, le Flic prenait son mal en patience. Profitant d'un jour de repos, il avait paressé au lit pendant quelques minutes puis s'était levé finalement pour se préparer un thé. Enfilant ses vêtements de sport, il avait effectué sa séance quotidienne avant de rentrer à l'appartement et de prendre un petit déjeuner. Le bruit de la douche lui fit comprendre qu'Alysse était rentrée. Leurs horaires étaient décalés et rien n'était évident. Il se félicita intérieurement d'avoir pris la sienne à la salle. Depuis sa suspension, il évitait de la rejoindre sous le jet. Mauvais souvenir. La Brunette arriva bientôt dans le séjour sur lequel donnait la cuisine ouverte. « Hello ! » dit-il avec un sourire, se ravisant vite en voyant sa mine troublée. « ça va pas ? » Question purement rhétorique, il la connaissait suffisamment pour savoir quand elle allait mal et l'angoisse vint sournoisement le tenailler, mettant son corps en suspens.

Tout devenait terriblement compliqué dernièrement. La situation échappait à tout contrôle, à elle, Alysse maniaque de la maîtrise. Dans l'appartement de Declan, Alysse avait opté pour la douche. Cette sensation étrange de salissure ne parvenait à se défaire, peu importe le temps passé à se savonner. Aujourd'hui, plus que jamais et plus qu'ici, la culpabilité atteignait les sommets. Une grossesse. Après le dénie, la réalité lui tombait sur les épaules. Un enfant. Qu'en faire? Comment le gérer? Que dire à Declan?

Depuis des mois, leur relation se dégradait et la brunette ne pouvait qu'observer son meilleur ami devenu petit ami lui échapper, lui aussi. En l'observant parmi leurs proches, étrangement similaire, elle ne pouvait que songer à cette impression de faire face à un étranger, de ne plus être à sa place. Alors elle redoublait d'effort pour recoller les morceaux jusqu'à s'en écorcher les doigts.

Alysse entrait finalement dans la pièce principale pour tomber nez à nez avec Declan. Lui, n'avait rien perdu de son sens de l'analyse et de son instinct affûté. Il devait probablement tout juste arriver car Alysse avait déjà préparé ses affaires pour partir. Ramasser sa brosse à dent et quelques rares vêtements qui trainaient. Il fallait admettre qu'elle n'avait jamais été friande de l'idée de s'installer chez lui. En revanche, les affaires de Declan trainaient encore chez elle. Peut être dans l'espoir de le forcer à venir les récupérer. Elle n'était pas dupe sur la suite des évènements et elle s'en retrouvait encore plus navrée...et énervée.

"Non." Alysse ne tournait jamais autour du pot. "Et tout ça encore pour neuf mois... enfin, huit ou un truc comme ça maintenant."

Inspiration... la réaction ne devrait pas tarder.

Non ça n'allait pas, un coup d'oeil aux affaires éparpillées ne lui donnait que l'avantage d'indices pourtant évidents. Sa question avait été machinale, maladroite. La réponse de la jeune femme l'était tout autant. Declan sentit la glace venir prendre l'assaut de ses veines puis un feu insidieux et sournois vint serrer ses entrailles en otage. L'azur se relève sur les boucles brunes comme pour déceler une éventuelle blague. Mais pas la moindre trace d'humour. « Tu es enceinte ? » lâche-t-il en ne croyant pas à ses propres mots. Pourtant c'est bien cette pensée qui est venue le narguer en premier. Alors le Malheureux tente la franchise pour s'en défaire, espère une réponse contraire. Car l'affirmative signifierait bien plus que la concrétisation de leur amour. Au contre, elle en signerait la fin par trahison.

Le cheminement de ses pensées marquait son regard. Ce langage, Alysse ne le connaissait que trop bien pour avoir appris à le décrypter depuis toute jeune. La brunette inspira profondément. Comment lui expliquer l'inexplicable, l'impossible, l'impardonnable? Comment parler de culpabilité dans une telle circonstance? Le silence répondit à Declan. Premier signe de sa situation exposée à son ex? Elle le supposait.

"Ca ne veut pas dire que..." qu'elle ne l'aimait pas, qu'elle ne l'aimait plus, qu'elle n'avait jamais été amoureuse. "C'est..." Compliqué. Trop dur à exprimer. Les paupières voilaient son regard sans savoir quoi ajouter. Alysse s'était toujours tenue droite et fière. Son respect des règles, de sa parole, de son intégrité avait fait d'elle un être sûr et fiable. Aujourd'hui, son âme basculait du côté obscure. Il était temps de retourner à la lumière, d'ouvrir les yeux, ce qu'elle fit en évitant ceux de Declan. "Tu dois m'en vouloir mais je te jure que c'était pas voulu."

Il avait envie de tout casser. Le sang battait à tout rompre dans ses tempes et il ne se contenait que difficilement. L'éclat de ses prunelles s'était terni brutalement. Parce que Declan aurait préféré recevoir un coup physiquement que de porter une pareille blessure. Il observait le mal-être d' Alysse et il ne s'expliquait pas sa conduite. Elle était imprévisible, sanguine, impulsive. Mais certainement pas volage. Ou alors elle ne l'aimait plus. Elle a voulu fuir tout ça. Tout était si compliqué entre eux alors que tout avait été si simple avant. « Tu ne l'as pas voulu ? Tu veux dire que tu n'étais pas consentante ? Tu n'as pas voulu coucher avec ce mec ? » Il se contient pour garder une voix calme mais ça l'étonnerait qu'elle ait été victime d'une agression, ou bien cela serait encore pire pour lui. Il se lève pour décharger comme il peut la tension qui s'empare de lui pour rejoindre la fenêtre. Il veut savoir mais le redoute. Pour autant, il ne peut pas rester calme face à une nouvelle pareille.

Sa colère sourde éclaboussait sa peau. Il vibrait si violemment qu'Alysse risquait de se briser. La nausée sur les lèvres lui imposa le silence. Une profonde inspiration tentait , sur son passage, de réorganiser le bordel interne sans grand succès. Alors qu'il s'avançait vers la fenêtre, elle s'approchait de son sac contre le mur de l'entrée. Fuir, la brunette connaissait bien. Les tremblements de son corps imposaient des sueurs glacées. Le sac semblait peser une tonne. Alors qu'elle le serrait contre elle, elle pivotait pour observer le dos de Declan. Perdue, la brunette ne savait plus comment se comporter. La réaction de son ami était bien pire que ce qu'elle avait imaginé jusqu'ici. Sa voix, son intonation, sa colère, la distance entre eux.

"Ne... ne dis pas des trucs pareils." Souffla-t-elle sur un ton de reproche, trop similaire à celui de sa propre génitrice pour ne pas la dégoûter. Elle non plus ne devrait pas formuler de telles idées. Cet enfant à venir ne méritait pas d'être considéré comme une faute, une salissure, comme non désiré. Il était son enfant et elle se devait de l'aimer. Pourtant, cette émotion était à des kilomètres de ce qu'elle pouvait éprouver à l'instant. Ca viendrait, espérait-elle. "On vit dans deux mondes diamétralement différents. Je chasse la nuit depuis trop longtemps pour pouvoir vivre le jour. L'amour, le gentil couple, l'appartement, les soirées canapé, le sexe propre... tout ça ne pouvait être sa vie. Elle était endormie depuis presque un an maintenant. "Tu étais heureux, toi?" Demanda Alysse simplement. Parce qu'elle ne se rappelle pas réellement avoir passé de bons moments avec Declan. Pas de rire, pas de délire, pas de complicité. Ils ne faisaient que subir la vie côte à côte. Il n'y avait qu'à le voir avec d'autres pour remarquer que leur relation battait de l'aile.

Il n'aurait pas pensé que ça se finirait comme ça. Si il avait du parié sur la faiblesse de l'un d'entre eux il aurait plus volontiers pensé à la sienne. Naïf, il pensait qu'Alysse lui était acquise, qu'elle résistait suffisamment aux tentatives de la chair pour ne pas y succomber avec un autre. Il savait qu'elle n'aimait pas comme tout le monde, alors il avait accepté, pris sur lui souvent et pour quel résultat ? Le regard de Declan se pose malgré tout à nouveau sur la silhouette familière. « Je te ne suffisais plus c'est ça ? » Il se déteste de dire des choses pareils, de s'abaisser à ça. La distance voudrait prendre le dessus mais la blessure est trop apparente pour simuler l'indifférence. « On aurait pu l'être. » rétorque-t-il d'un ton sec. Si elle n'avait pas tout compliquer. Mais il était trop têtu pour admettre que les torts étaient partagés. Hamilton déteste l'échec. Force était d'admettre que leurs souhaits étaient différents. Declan aspirait à une vie tranquille et plus classique sans s'en donner vraiment les moyens toutefois. Alysse restait une Indépendante, une Sans-attache et Declan aussi important soit-il n'y était pas parvenu non plus. « Alors ça va se terminer comme ça ? » Ses sourcils se haussent sous la stupidité de la chose. La vérité est là néanmoins, il ne peut pas continuer avec elle, pas avec le fruit de son rejet dans le ventre.

De quoi parlait-il? S'il évoquait le plan charnel, personne ne pouvait lui convenir. La chose ne l'avait jamais réellement séduite sans pour autant la rebuter. La brunette secoua la tête négativement.

"Tu sais bien que c'est pas ça." Ce que c'était lui échappait. Dans le fond, ils auraient pu faire des efforts. Passer du temps ensemble. Se parler. Mais Alysse se connaissait. Jamais elle n'aurait pu ouvrir une discussion sincère au sujet de ses ressentis. Ses mensonges, ses omissions étaient le centre de ce problème. Encore une fois, elle pourrait lui dire la vérité mais un mensonge restait profitable. Sa jalousie l'avait bouffé et elle ne passait pas une journée sans se sentir malade et angoissée à l'idée d'être remplacé, pas assez bien ou de perdre Declan avec son comportement stupide. Alors non, elle n'était pas heureuse et elle ne pouvait l'être mais le lieutenant n'avait rien à voir dans ce problème. Dans un soupir, Alysse détournait le regard. "Je suis désolée de t'avoir donné cette impression. Peut être qu'on aurait dû s'y prendre différemment mais ça ne changera pas le présent."

Son amitié lui avait souvent manqué. Les délires, les plaisanteries, la confiance... tout avait soudainement disparu pour cet étrange amour plat qu'ils n'arrivaient pas à faire vivre. Declan avait été pressé d'avancer, Alysse avait cherché les bases en s'enfonçant.

"Je ne sais pas... je ne sais plus." La nausée revenait prendre le dessus. La douleur dans sa poitrine arrachait son palpitant. Chaque pulsation, chaque battement semblait creuser sa poitrine et chaque instant le trou s'agrandissait. "Tu sais que je suis toujours là. Mais plus comme ça."

La vérité devait être contemplée en face. Ils avaient voulu y croire tous les deux. Ils s'étaient accrochés à leur relation parce que une amitié profonde les unissait depuis toutes ces années mais la dimension d'amour avait terni la légèreté du lien qui les avaient rapprochés. Chacun ayant des attentes différentes pour finalement nourrir les incompréhensions et fatalement la distance. La réalité faisait mal à l'heure actuelle. Parce que Alysse avait toujours été son pilier et que Declan avait finalement l'impression d'avancer dans une mer sans fond. Tout était différent. Son regard se porte sur l'extérieur de l'appartement alors qu'elle lui rétorque que ce n'est pas ça. Il le sait mais ne veut pas l'admettre. Tout aurait pu être plus simple mais il n'en avait pas été ainsi et c'était trop tard maintenant. « J'ai besoin de temps, je ne peux plus te voir maintenant. » dit-il doucement. Il ne fermait pas la porte. Pas pour toujours. Il ne pouvait pas s'y résoudre mais il avait trop mal à l'heure actuelle. Et la solitude pesait de tout son poids entre ses mains qu'il jugeait désormais frêle. Kyla, Leonidas, puis Ashleigh et maintenant elle.

Alysse hochait la tête avant de tourner les talons. Le silence pesait sur ses épaules mais elle était tout simplement incapable d'aligner un mot. Les sanglots coincés dans sa gorge l'empêcher de respirer correctement mais pire encore. Les hurlements, la colère et les cris retenus lui retournaient l'estomac. Les doigts se crispaient sur son sac alors qu'elle craquait. Dans un pivot, elle jetait son sac au sol.

"Non." Trancha la brunette. Quelques enjambées la portèrent vers Declan pour lui attraper la manche avec violence. "Ca suffit de te voir comme ça! Tu ne réagis plus. J'ai l'impression d'avoir une enveloppe vide devant moi" Alysse tirait encore et encore sur cette manche comme si ce simple geste allait le ramener vers elle, combler le fossé entre eux deux. "Je sais pas moi, réagis, réagis vraiment. Tu n'es pas en colère? Tu n'as pas mal? Tu t'en fiches de toutes les merdes qui nous tombent dessus? Tu ne bouges jamais, tu restes là sage et lisse. Réagis putain! Leonidas s'est barré, ton neveu est mort, ta soeur déprime, ton autre soeur n'est pas mieux et moi j'en ai marre d'avoir un fantôme à mes côtés alors REAGIS MERDE! CA FAIT DES MOIS QUE JE T'AI PERDU!"

En le perdant lui, elle s'était perdue elle et sa combativité. Elle avait sombré, suivi les horreurs qu'elle côtoyait la nuit. Et là, maintenant, elle avait envie de casser un truc, n'importe quoi tant que sa colère pouvait alimenter le feu qui la maintenait en vie.