TALLULAH A. CARTIER ► Jameela Jamil

15 ans
« Tallulah ! Viens ! »
Lula a l'air tellement frêle dans sa robe blanche, du haut de ses 15 ans, on lui en donnerait encore à peine 12. Mais elle s'extirpe de la foule d'invités  pour sautiller sur les hautes pierres du chemin en pavés du manoir familial et rejoindre El', sa cousine. « Arrête de m'appeler Tallulah, on dirait Maman!!! » La plupart des gens n'avait jamais compris si « El' » était un surnom ou si on se devait juste d'appeler l'adolescente par la première lettre de son prénom. Tallulah en revanche haïssait son prénom, et insistait depuis qu'elle avait appris à parler pour que tout le monde l'appelle 'Lula'. Seule sa mère s'en tenait à Tallulah. « Viens voir. » Elle l'entraîne au fond du jardin, ou plutôt du « Petit Parc ». Une fois isolées, elle lui montre un groupe de Paparazzi essayant discrètement d'escalader le portail. Alors qu'elle se retourne pour glousser avec Lula, elle l'aperçoit, une cigarette aux lèvres, et fouillant son sac à la recherche d'un briquet. « Tallulah qu'est-ce que tu fais ?? » El' s'était toujours considérée comme la rebelle de la famille. Elle allait à des meetings d'anarchistes, se faisait régulièrement convoquer par la principale de son lycée, pour lequel elle savait que ses parent payaient une fortune, mais elle devait avoir compris vers ses 8 ou 9 ans, que « Lula », l'enfant modèle, la fille parfaite, était probablement plus délurée qu'elle. « Quand est-ce que t'as commencé à fumer ? » « Tout de suite » elle lui répond, un grand sourire aux lèvres. El' sourit malgré elle. Lula a un sourire contagieux, et le sait. Voilà comment on peut difficilement lui reprocher quoique ce soit.
Les deux cousines sont pourtant comme le jour et  la nuit ; El' est bavarde et bruyante, Lula a toujours été d'un calme et d'une sagesse apparente, mêlés d'une douceur et d'une joie de vivre contagieuses. La fille parfaite. Bonne élève, curieuse et souriante, Lula est la préférée de tous. Ce n'est que depuis quelques mois qu'El' se pose des questions sur sa cousine. D'abord les rumeurs sur sa relation avec un type de 23 ans, puis voilà qu'elle se met à fumer ? Bien sûr, elle n'en dirait pas un mot aux parents de Lula mais... Voilà un moment qu'elle se fait du souci pour sa cousine.




23 ans
El' entre en trombe dans la chambre de Lula, si grande qu'elle ne l'aperçoit pas, tout d'abord. Elle finit par la remarquer, sur un pouf, près de la fenêtre, son ordinateur portable sur les jambes. « Tu t'es super mal garée, j'espère que Maman n'a pas vu ta caisse comme ça, elle va encore faire une scène. » Elle n'a même pas levé les yeux de son écran, elle ne lui a même pas jeté un regard. « Parce que la petite Lula fait tout comme il faut, n'est-ce pas ?  » Lula fronce les sourcils et regarde enfin sa cousine. El' a les yeux gonflés, le visage rouge, et on aperçoit encore sur ses joues les traces du mascara qui a coulé. « El' ? Ça ne va pas ? » « Je sais que t'as couché avec Pierre. » Lula se mord la lèvre inférieure, ferme son ordinateur et le pose par terre. Elle a l'air d'hésiter sur quelque chose, et parle enfin « Je sais que tu l'aimes, et que vous êtes ensemble depuis 5 ou 6 mois mais.. Je ne regrette rien. »  El' s'était attendue à tout, sauf à ça. « Tu te fous de moi ? » Elle bouillonne, pour la première fois de sa vie, lui vient l'envie de gifler Lula, la jolie petite Lula. La petite princesse qui avait commencé à étudier l'économie et le management à 11 ans, qui a décroché un contrat de mannequin à à peine 16 ans, Lula la connasse qui lui avait pris son copain. « Oh El', reprends-toi un peu, combien de temps ça aurait duré ?  » Et voilà qu'elle recommence un de ses discours ; la brune n'avait jamais été capable de dire des choses réconfortantes, d'embellir les faits pour faire plaisir à qui que ce soit. Oh elle pouvait mentir, et même mieux que qui que ce soit qu'El' connaisse, mais elle n'avait jamais fait preuve d'empathie pour qui que ce soit d'autre qu'elle-même. « Vous êtes tous les deux au lycée, et vous vous connaissez depuis moins d'un an. Tu ne voyais honnêtement pas que tu devenais ridicule à planifier ton mariage avec lui ? Et tes histoires, mon dieu...  » Elle ricane et allume une cigarette, en prenant garde de souffler la fumée par la fenêtre. Elle se met à imiter grossièrement sa cousine qui manque de suffoquer entre deux sanglots «  'Pierre et moi on aura 3 enfants, 2 filles et 1 garçon ! La première s'appellera Isabelle, comme sa mère ! ' .. » sort-elle en riant de plus belle et en tirant sur sa cigarette. « Je ne te reconnais plus, plus le temps passe, plus tu deviens monstrueuse. Est-ce que tu l'aimes au moins ?? » Elle ne répond pas. « Pourquoi t'as fait ça alors ? »  Lula la regarde enfin, de haut en bas, un air d'évidence exaspérée sur le visage «  Regarde-toi. Tu es ridicule, voilà pourquoi j'ai couché avec Pierre. Voilà pourquoi il me voulait. »




C'est le bruit d'une porte qui claque qui fait sursauter Diane Cartier, en pleine lecture dans le petit salon, et le son de talons contre le marbre des escaliers qui la fait se lever. La quarantenaire Ce qu'elle voit lui fait fermer son livre de suite ; Sa nièce qui descend en trombe de la chambre de Tallulah, une joue rouge et une tache sombre qui ressemble étrangement à une brûlure sur la gorge. « El', Ellie, mais qu'est-ce qui t'es arrivée ? El' ! »  À peine a-t-elle le temps de se lever que la jeune fille sort sans lui adresser un mot. C'est alors que Tallulah descend à son tour, décoiffée, le visage écarlate. « Tallulah Appoline. Tu vas m'expliquer immédiatement ce qui s'est passé avec ta cousine. » Elle semble hésiter, et court soudainement dans les bras de sa mère. « Oh Maman.. »  Diane s'attendrit devant le désespoir apparent de sa fille, et lui caresse doucement les cheveux. Cette agitation semble ameuter quelques domestiques qui s'approchent timidement « Là, là... Assieds-toi, et calme-toi. Nelly! Préparez-donc un chocolat chaud, pour Tallulah. » les servantes se concertent et  l'une d'elles se rend dans la cuisine en trottant. « Ma Tallulah, ma petite Lula, raconte-moi tout, qu'est-il arrivé là-haut ? » La jeune fille renifle, un torrent de larmes sur les joues.
« Des bêtises... le copain d'El' est tombé amoureux de moi, je lui ai expliqué que je ne pouvais pas sortir avec lui, et, je ne sais pas, El' a  dû se mettre en colère, elle est arrivée en me hurlant dessus et a commencer à me gifler.. » Diane n'en croit pas ses oreilles. Faire du mal à Tallulah pour une chose si idiote ?? « Puis elle a commencé à se frapper, en disant qu'elle dirait à tout le monde que je l'ai agressée, et que je n'aurais que ce que je mérite... » « Chut, tout va bien. Elle est partie maintenant. Il ne t'arrivera plus rien. Il est hors de question que cette petite peste remette les pieds ici. Elle a toujours été une mauvaise influence pour toi de toutes façons. » la jeune adulte semble se calmer maintenant. Cela fait des années que Diane n'a plus eu à devoir la réconforter de cette façon. Les voyages, l'entreprise, la Fondation familiale ont occupé tout son temps ces dernières années, et sa fille unique s'est éloignée d'elle, malgré elle. Quelque fois elle aurait voulu avec son époux laisser les diverses sociétés à d'autres, et se dévouer entièrement à Tallulah et à son avenir.  Après tout, c'est elle, qui prendrait la relève à leur retraite. Elle, si douce, si fragile et pourtant si brillante... « Parlons d'autre chose. On est déjà en Mai, tu es pressée de partir pour Harvard? » Quelques reniflements plus tard, Tallulah chuchote un petit « Oui » « Tu n'as pas l'air très heureuse.. » « C'est juste que, vous allez tous tellement  me manquer. Et je suis pas sûre d'être à la hauteur » « Ridicule ! Tu as quitté Oxford avec les honneurs. Je suis sûre que tout se passera à merveille. Et puis, on a la filière New Yorkaise qui ne sera pas si loin ! Tu devrais t'y sentir comme à la maison, crois-moi. »