JASPEANDRA → It was so nice being friends again

Le Spring Break, y a pas à dire, ça fait du bien. Réellement. Les enfants étaient gardés par mes parents, avec Jude tout allait bien, enfin.. disons que tout allait mieux, surtout. J'avais pas ma bague, par simple peur de perdre et j'avais préféré la laisser à la maison pour ces deux semaines, j'étais pas forcément encore prête à l'idée mais on continue tranquillement notre relation et pour le moment, on a pas à se plaindre. Celui avec qui j'ai un peu plus de mal, c'est bien Jasper. Rien n'était pareil, plus rien du tout, et j'aurais pu m'y attendre, mais je le vois qu'il s'éloigne au fur et à mesure, je vois qu'il me parle moins, même si je suis toujours celle qu'il appelle quand il est à l'hôpital et qu'il a besoin de quelqu'un, tout comme je suis toujours celle qui abandonne tout, tout de suite, rien que pour venir le voir. On avait besoin de parler de deux-trois choses entre nous, de manière sérieuses, aller au delà de nos sentiments et de nos ressentis, agir, essayer d'agir comme des adultes, encore. Peut-être que je suis la seule qui ai besoin de me remettre en question, au final. Peut-être qu'on arrive enfin à n'être juste qu'amis mais que ce n'est pas assez ? J'en sais rien. Je nous avais pris deux salades à emporter, avec une spécialité d'ici histoire qu'on goûte, et je m'étais installée sur la plage après avoir étalé une sorte de drap assez grand. Je m'étais allongé, entrain de lire, profitant pour foncer un peu plus mon bronzage qui était déjà plutôt pas mal en si peu de temps, en attendant que monsieur arrive.

J'essaye de prendre tout ça avec légèreté. Tout ça, toi, elle, tout ce qui se trame dans ma vie. Les cauchemars se sont espacés, j'ai compensé par le sport, j'dépense ma rage, j'la confronte au sac de frappe. Ouais, j'fais comme toi maintenant. J'avale les kilomètres, j'fais monter le cardio pour oublier la colère. J'ai plus ou moins oublié de me raser et de couper ma tignasse. J'ai pas oublié de faire quelques conneries, aussi. Des trucs qui me passaient par la tête, des envies que je réfrainais. J'sais qu'à un moment ça va me rattraper, qu'on me demandera des comptes sur ces coups de tête, qu'on me demandera d'être l'adulte que je suis censé être, à l'aube de mes trente ans. Mais, ouais, j'essaye l'entrain, les poids en moins sur les épaules, et pour l'instant ça marche. Le soleil aide, évidemment, le monde est plus beau quand on troque la grisaille contre un ciel sans nuage. Y a qu'à voir mon sourire installé sur les lèvres, quand j'm'assoie à tes côtés, sans grande discrétion. Pose le sac contenant desserts et boissons, sur le drap. Des fruits exotiques coupés, et deux espèces de cocktails qu'il a prit à emporter au bar de la plage. Attrape le livre de la belle prestement, pour le refermer. « T'es obligée de faire l'intello même sur la plage ? » Qu'il balance tout en s'affalant sur le dos, son air d'idiot fini à la bouche, que tu connais bien. Ou connaissait, j'sais plus bien. La distance nous répare, tu le comprendras un jour. On avait besoin de se briser, pour recoller quelques morceaux, pas les mêmes qu'avant, pas dans le même ordre. On créera autre-chose, ou on s’effondrera.

Ce sont des pas qui s'approchent et un corps qui se pose, là, près de moi. Jasper. Je n'attendais que lui, lui et son côté sombre depuis que rien ne vas plus, depuis que je ne le comprends plus, depuis que notre descente aux enfers est devenue la sienne. Juste la sienne. C'est pas faute d'essayer de te tirer vers le haut, de t'amener avec moi, mais quand j'essaie, tu t'arrange toujours pour lâcher ma main, pour retomber, seul. « T'es obligée de faire l'intello même sur la plage ? » je rigole et secoue la tête en le regardant, perdant pour quelques secondes mes yeux dans les plus sombres. Peut-être même trop longtemps. Je cherche l'ancien Jasper, celui que je retrouve de temps à autre mais que je perds pour la plupart du temps. "J'veux impressioner ton père au prochain conseil !" qu'elle sourit, taquine. Les actions, ça reste dans un coin de ma tête, j'en prendrais soin, pas de quoi s'en faire. J'avais oublié que Jasper était beau, quand il allait bien. Ou qu'il essayait d'aller bien. Je sais pas trop. "Tes vacances se passent bien ?" n'hésite pas sur les détails, j'ai envie de tout savoir. Tu me connais que trop bien, l'intrusion est mon maître mot quand le tiens est discretion. Je suis celle qui m'accroche, et tu es celui qui en souffre. Promis, un jour, je lâcherais prise.

Tu m'attires vers ta lumière, tout en sachant qu'elle ne m'apportera qu'un trop fort éblouissement. Si je lâche ta main, c'est juste pour ne pas t’entraîner dans mes enfers. J'ai compris. J'ai compris ton équilibre, compris que ton quotidien avec Il l'emportait, compris que je devais cesser mes vibrations dans ta courbe stable. Remercie moi d'abandonner tes doigts, quand ils s'approchent trop près de ma peau. Tu sais qu'elle se réveille malgré tout, et que la tienne peut dans quelques sursauts, échapper à la surveillance de ton esprit. "J'veux impressionner ton père au prochain conseil !" Esquisse un sourire, et secoue la tête. L'homme est affalé sur le dos, il se défile de ses prunelles après quelques trop longues secondes. « Arrête, tu sais bien qu'il est déjà conquit à ta cause. » Tu pourras même être approximative, il te pardonnera. Il croit bien trop en ton intellect, il passera sur cette passade, comme il excuse les miennes. "Tes vacances se passent bien ?" « Ouais, bien. » Les billes se perdent dans le bleu du ciel, et il fronce doucement les sourcils, le sourire qui s’agrandit. « En fait, ouais, ça fait longtemps que j'n'ai pas eu d'aussi bonnes vacances. » Il y a les collègues, il y a elles, il y a la décontraction qui survient après le drame. La joie de n'avoir laissé qu'un peu de peau et quelques os. S'impose dans le regard adverse. « C'est pas si désagréable, de lâcher un peu prise. » J'passe moins de temps sur mon téléphone, j'ai compris que mon empire savait tourner sans moi. Ma vie avait besoin d'un peu plus de ma présence. « Et toi ? T'as pas les gosses, tu peux souffler. » Profiter, t'amuser, lâcher prise toi aussi, réapprendre la légèreté des vacances étudiantes. Ca semble tellement loin maintenant.

Je pars de bonnes intentions, j'essaie de faire au mieux, d'être gentille, d'être douce mais pas trop aimante. Dommage que mes bonnes intentions soient ta souffrance. Je ferais des efforts, j'en ferais. Nous sommes de deux mondes trop opposés, normal que nous n'avons que peu de possibilité qui s'offrent à nous. On sait pas s'aligner, on sait pas trouver ce juste milieu, ni noir, ni blanc. Le gris n'est simplement pas notre couleur, elle ne l'a jamais été. Soit on s'aime, soit on se déteste, et le choix n'a jamais réellement été le notre. « Arrête, tu sais bien qu'il est déjà conquit à ta cause. » Je souris, surtout par fierté. Un Ellington conquis fais une Carreirao heureuse. Au moins, je ne lutte pas avec ton père pour en savoir plus sur sa vie. Nos vents sont contraires, je demande et tu t'échappe. C'est quoi le problème ? « Ouais, bien. » le regard est doux sur l'homme, « En fait, ouais, ça fait longtemps que j'n'ai pas eu d'aussi bonnes vacances. » la tête vague de haut en bas, ravie pour lui. "Ah ouais ?" Je creuse. Je sais pas ce qu'il s'est réellement passé pour qu'il soit aussi content de ses vacances, mais s'il est bien, alors je le suis aussi. « C'est pas si désagréable, de lâcher un peu prise. » ça, tu peux l'dire. « Et toi ? T'as pas les gosses, tu peux souffler. » - "Ouais, et ça fait vraiment du bien." s’assoit en tailleur, à côté de lui, "On a pris des cours de surf et j'ai même réussi à rencontrer des nouveaux Dunsters," en vacances, c'est pas chose des plus simples mais tout est tellement plus détendu, "T'a été sur la plage avec tous les cochons ?" le sourire ne s'en cache pas : j'ai adoré ça. "Ils étaient tous adorables !" Allez, donne-moi des informations, ne me force pas à les demander.

Je sais pas combien de temps durera l'accalmie, combien de temps j'ai pour faire cette pause, combien de jours, de minutes, avant que je me traîne à nouveau vers le fonds. Parfois, j'envie, je regrette ma légèreté passée. Elle me rattrape aujourd'hui, j'essaye d'y regouter avec avidité. De me dire que j'm'en fous, de ces regrets qui me collent à la peau. Ces histoires, ces traumatismes, ces cicatrices. Aujourd'hui, elles ne pèsent pas suffisamment lourds sur mes épaules pour forcer mes genoux à frotter le sol. "Ah ouais ?" Ce n'est pas assez, je sais. Tu veux plus, plus précis, plus de mots dans mes phrases, plus de confessions. Plus d'amitié. J'te rappellerais que notre amitié, notre belle amitié, plus elle s'intensifie, moins elle est claire. "Ouais, et ça fait vraiment du bien." Redresse le haut du corps, repose ses bras sur ses genoux. "On a pris des cours de surf et j'ai même réussi à rencontrer des nouveaux Dunsters," Le sourcil se hausse, à peine, se rappelle. « J't'avoue que j'sais même plus vraiment ce qu'il se passe à la Dunster, j'ai pas le temps de m'impliquer comme je l'aimerai. » Je crois surtout que la page se tourne, Paris n'a pas besoin de moi, et il m'aura fallu quelques temps pour le comprendre. Le sujet m'arrange, je le dévie, je le tord pour éviter l'impact. "T'a été sur la plage avec tous les cochons ?" Ton sourire provoque le même sur mes lèvres, plus même que l’appellation et l'image que j'me fais de cette plage. "Ils étaient tous adorables !" Secoue la tête, l'air hilare. « Une plage avec des cochons ? J'pensais qu'ils se foutaient de moi en parlant de ça. » Tu vois, moi j'aime nos banalités, parce qu'on y arrive, et ta légèreté entraîne la mienne. « Ils ont même pas essayé de te grignoter un peu les cheveux ? » Ca bouffe tout les cochons non ? J'm'en méfierais quand même.

Au final, je sais même pas si j'ai envie de savoir. Combien de filles y sont passées, depuis combien de temps. Même pour nous, combien de temps encore on va faire semblant ? C'est les montagnes russes, notre histoire. On sait pas être stable, on sait pas faire. On sait rien faire. On arrive pas à s'aimer, s'apprécier, se tolerer et même se détester. On sait pas s'ignorer non plus. Alors qu'est-ce qu'on fait ? Où ça nous amène ? Se détruire, on gère plutôt bien. C'est jamais du positif qui sort de nous, quand c'est juste toi, quand c'est juste moi, oui. Quand c'est nous, non. On fonctionne pas bien, ensemble. Pourtant on continue, regarde-nous. « J't'avoue que j'sais même plus vraiment ce qu'il se passe à la Dunster, j'ai pas le temps de m'impliquer comme je l'aimerai. » J'essaie de faire semblant, de mon côté. Tu fais des efforts aussi, et on espère juste que cette fois-ci la douleur nous frôlera à peine. « Une plage avec des cochons ? J'pensais qu'ils se foutaient de moi en parlant de ça. » Je secoue la tête, c'est pas une blague. Nos banalités nous mèneront ailleurs, elles le font toujours. On part forcément de quelque chose. On sent rien, jusqu'à ce qu'on se pique, jusqu'à ce qu'on en souffre. Que ce jour soit le plus loin possible, c'est tout ce qu'on peut souhaiter. « Ils ont même pas essayé de te grignoter un peu les cheveux ? » secoue la tête, "Même pas !" se redresse, "ça m'étonne que tu râtes ça !" même pas le temps de réfléchir, même pas le temps pour lui d'en placer une, "tu sais quoi ? On mange et on y va ! Tu peux pas quitter cet endroit sans avoir vu ça au moins une fois." souriante, "et c'est pas négociable." tu pourra dire que je t'ai forcé, comme défense.