Il est tard, moi je trouve pas le sommeil. Je te trouve pas toi, j’ai l’esprit qui te cherche en vain et l’écran qui nous sépare. Moi j’ai envie de le casser, de le détruire juste pour t’atteindre, pour te retrouver quand t’es juste derrière. Tu me manques. Et moi j’ai le cœur qui se déchaîne ce soir, qui n’a plus envie de mentir, de refouler, de nier ce qui a toujours été là. Depuis le début, depuis le premier soir, le premier hôtel. J’avais pas besoin du deuxième pour savoir, pas besoin du restau pour y croire. T’es presque là, j’entends le bruit de ta bécane qui ronronne ou alors c’est juste mes souvenirs qui me la font écouter pour m’impatienter un peu plus. Je prends pas la peine de me rhabiller, de me recoiffer, de peindre mon visage parce que t’as pas besoin d’artificiel. J’en ai pas besoin pour ce soir, y’aura que du vrai. Que du moi. Entière. Je descends les escaliers, tu tapes à la porte au même moment et je sais pas, je souris. Bêtement. Je descends plus vite, je veux plus attendre, plus t’attendre alors j’ouvre la porte. J’attrape ton bras pour t’emmener à l’intérieur, je prends pas encore le temps de te regarder que je referme derrière toi. - On monte. Je chuchote sans adresser un regard au salon, je peux pas rester en bas, je peux pas tant qu’il restera encore des traces rouge d’Elliot partout. Je laisse glisser ma main jusqu’à la tienne, monte les escaliers jusqu’à ma chambre dans laquelle je t’enferme. - On doit rester à l’écart l’un de l’autre ce soir aussi ? Dit moi, parce que j’ai une cruelle envie de t’embrasser là, tout de suite.
Je sais pas ce que tu foutais pendant ces deux jours. Je sais pas si tu pensais à moi comme je pensais à toi, je sais si le manque t’avais toi aussi ravagé, je sais pas si tu rêvais de nous, si tu rêvais de moi. Je sais pas non plus si j’étais encore là, quelque part dans ta tête, celle dans laquelle je veux entrer et découvrir tes secrets. Même les pires, les laids, ceux que tu détestes parce que je sais que je les aimerais. Je le sais, parce que c’est toi et c’est sur toi que je me suis arrêté, pour toi que mon cœur s’est dégelé quand toutes les autres ont préférées te fuir. Moi je suis resté, même quand je fais semblant de partir, quand je m’oblige à le faire, l’effort ne tient jamais bien longtemps. Je résiste jamais trop longtemps quand ça parle de toi, tu le sais. T’es là, face à moi et j’ai l’impression de te revoir pour la première fois. Ce soir, y’a rien de faux, y’a pas de masque, pas de fierté, pas de crainte et y’a pas de restau. De toute façon, c’était pas pour nous, c’est bien pour tout ceux qui faisaient semblent d’aimer, de ressentir. Nous, on a besoin que de l’autre. J’ai besoin que de toi. Mon regard papillonne dans le tient, je m’empêche pas de sourire, ni de te montrer que c’est bon, que je me sens bien maintenant. Tu parles pas, tu parles jamais de toute façon. Ton corps répond à ta place, me surplombe et m’embarque dans sa folie, dans sa réponse. Tes lèvres, putain tes lèvres.. Je les dévores encore plus férocement, avec plus de sentiments, plus de tout ce qui ne se dit pas. Tu murmures enfin, ta voix claque dans la pièce et tout s’écroule. Tout ce qui ne compte pas, tout ce qui n’est pas toi. Je ferme les yeux, même comme ça j’imagine ton visage, même comme ça je le vois que trop bien, parfaitement comme si mes yeux étaient encore ouverts. Je te respire. Je te vis. - Tant mieux.. Parce que j’y serais pas arrivée. Mes mains attrapent ton visage, le ramène encore contre le mien, même la plus infime des distances n’étaient pas la bienvenue ce soir.
C’est criminel quand on se laisse, quand on se blesse. On fait ce qu’on peut pour réveiller l’autre, pour s’assurer qu’on est pas seul en Enfer, je fais tout pour te toucher, te faire mal, te torturer quand je connais que ce moyen. Que c’est la seule solution que j’ai trouvé pour savoir si j’existe pour toi, si ça compte pour toi. Si toi aussi t’as besoin de moi, si toi aussi sans moi tu rimes à rien, tu sais plus quoi faire, quoi être. J’ai besoin que tu me le prouves, que tu me le montres et il n’y a que dans ta douleur que je le vois. Que je sais que je suis pas toute seule. Là-bas, dans notre Enfer. Contre toi, c’est l’effervescence de sentiments, de passion qui ne cesse de grandir. Qui ne diminue jamais, qui force et qui s’accroche à nos âmes devenues trop sensibles. À nos cœurs irresponsables qui s’amourachent du meilleur mais surtout du pire. Le pire, c’est la première chose qu’on s’est montré, qu’on a dévoilé, ça aurait dû nous repousser, c’est ce qu’on a toujours fait pour les autres, pour savoir qui resterait. Maintenant on le sait. On le sait aujourd’hui, après deux mois, après ce soir là et moi j’ai juste l’impression que c’était encore hier. J’entends ton cœur qui crépite contre le mien déjà fou dans un brasier, dans un incendie incontrôlable. C’est à chaque fois comme une déflagration, un secousse cardiaque beaucoup trop forte. Qui s’enchaîne, qui ne parviennent pas à se stabiliser quand tu me touches. Que tu me caresses du bout de tes doigts, que ta langue s’enlace de la mienne. Harmonie parfaite, mélodie envoûtante qu’est nos respirations qui s’emmêlent. Mon corps n’est bien que mêlé au tient. Les mots glisse de ta langue, s’écrasent contre mes lèvres et mon pouls s’accélère, le sang circule beaucoup trop vite et me réchauffe. Les mains moites, c’est aujourd’hui, c’est ce soir que tout prendra forme. Que tout deviendra plus que réel. Que je ne pourrais plus mentir, faire semblant. Ma jambe s’enroule à la tienne, je recule mon visage pour capter ton regard. Il fait sombre, tant mieux, tu verras moins que je suis nerveuse. Que je perds mes moyens, que mes joues se tâchent de rose. J’ouvre la bouche, puis la referme en lâchant un pauvre soupir. - Je t’ai mentis. Je murmure en gardant le contact visuel, sans jamais l’abandonner même pas pour cligner des yeux. - Je t’ai mentis tout à l’heure quand je te disais avoir des sentiments. Je rajoute. Je confirme. Ma jambe se détache de la tienne, je recule sans reculer quand la porte m’en empêche. Je déglutis, baisse la tête. - La vérité Basile.. Je murmure. Je marque une pause juste pour réapprendre à respirer, pour retrouver un peu d’oxygène, un peu de courage pour relever les yeux. - C’est que je t’aime.
Retour deux mois en arrière, tout me revient en tête quand je suis adossée contre ce mur. Les images défilent, courent dans mon esprit pour tout me rappeler, pour me sauter à la figure comme une bombe. L’Enfer, le paradis, les déchirures, les cris de guerre et les sourires. Et nos yeux. Je passe au dessus du pire, au dessus des drames, des trahisons pour ne garder que le meilleur. C’est pour eux je reste, nos yeux et ces foutus sourires. C’est pour eux que j’arrête de nier l’évidence ce soir, d’avoir peur, de m’avancer puis de me rétracter par crainte que tu fuis. C’est pareil pour moi Basile, c’est à prendre ou à laisser ce soir. Je veux entrer dans ta tête, mais je te laisse d’abord entrer dans la mienne et tu vois.. Au final, il n’y a pas grand chose à part toi à l’intérieur. À part ces petits mots que je viens de lâcher dans un espoir téméraire. Ils m’envahissent ces petits mots, ils charcutent mon esprit depuis trop longtemps. Mais tu me tournes le dos, je fronce à peine les sourcils pour au final me raviser. Je cligne plusieurs fois des yeux, le cœur qui pèse une tonne, retour à la réalité. Tu brises une fois de plus mes espoirs, mes attentes et puis de toute façon je le savais. Je regarde ton ombre s’agiter sur la moquette, j’ai plus besoin de te regarder, l’image sombre au sol elle te reflète parfaitement. C’est toi tout ça, c’est toujours toi. Un silence morbide s’installe, j’entends ton front qui se pose contre la fenêtre et ton poing qui s’écrase sur le mur. Tu hais mes mots, je le sais, je le sens. Tu me détestes de te l’avoir dit, t’as envie de te jeter par dessus bord pour ne plus avoir à les entendre tourner dans ta tête. Moi, j’attends ce qui n’arrivera jamais. J’attends toujours quand il s’agit de toi. T’es la rose et ses épines, pour te cueillir fallait souffrir. J’ai les larmes qui bloquent au fond de ma gorge, qui n’ont plus envie de sortir parce que même elles, elles te craignent. Ta voix rauque vêtue de dégoût quand elle s’exprime, je relève même pas la tête. Je veux plus te voir, je peux plus te voir. Je reste muette, je sais plus quoi te dire maintenant que tout est dit. Tu approches à nouveau, tu reviens mais j’ai plus envie d’être là moi. J’ai plus envie de tout ça, du vide. Tu soulèves mon menton du bout de tes doigts, je te regarde sans te regarder parce que j’ai plus envie de lire ce que tu peux pas regarder en face, ce que tu veux pas toi même écouter. Et c’est ton t-shirt qui disparaît quelque part au sol, ma main qui se retrouve trop vite dans la tienne pour venir dessiner un symbole sur ta peau. À quoi ça rime Basile ? Je resterais pas clouée indéfiniment dans tes silences. Le regard rivé sur l’encre de l’infini, je reste sans bouger de longues secondes, peut-être même une minute entière le temps de reconnecter mon cerveau. De respirer à nouveau. Je retire ma main de la tienne et mes yeux retrouvent les tiens. - Tu vas encore me sauter pour me dire des choses Basile ? C’est ça ? Je réplique sur le défensive, les dents serrés, la mâchoire contractée. - Parce que tu penses que ça suffira cette fois comme réponse à ce que je viens de te dire ? À ce que j’aurais dû taire encore une fois.
C’est toujours le même scénario qui se répète, le même cercle vicieux autour duquel on aime tourner en rond, on aime arpenter sans réussir à s’en défaire. Il suffit de la moindre petite étincelle pour que tout s’embrase, du moindre mot jeté comme ça sans réfléchir, du moindre regard ou d’un silence qui devient trop lourd pour moi. Je pensais pouvoir te comprendre, je pensais que je te comprenais mais je me rends compte que je suis à côté de la plaque. Qu’au final, peut être que je suis comme toutes les autres, celles que tu fuis, que t’as pu fuir et que je suis incapable de te cerner. On s’est peut être juste imaginé que c’était le cas, qu’on était pareil, qu’on se ressemblait mais juste pour se rassurer de ne pas finir seul. Peut-être qu’au fond, la seule chose qui nous rattache c’est nos âmes complexes et nos côtés trop sombres. Toi, tu m’as guéris à peu près, tu m’as rabiboché un peu et moi.. J’ai jamais réussi à le faire. Alors au fond, c’est pas toi le problème, c’est moi. Ton visage se crispe, tes muscles se tendent et je sens la colère te submerger d’un seul coup. Encore une fois, j’ai pas su lire entre tes lignes, je sais plus le faire, je sais plus décrypter le mystère qui flotte tout autour de toi. Tu t’éloigne, la distance c’est devenu notre quotidien depuis quelques jours, quelques temps. Je la déteste toujours autant, à force je m’habitue à l’obstacle fantomatique qui se dresse toujours entre nous. - Basile je.. J’ai pas le temps d’en dire plus, de prononcer un mot de plus que tu me coupes dans mon élan, que ta voix surpasse la mienne dans la rage bestiale qui t’animes maintenant. Et puis c’est le néant, plus rien mise à part un mince bourdonnement que j’entends à peine, que je capte dans le silence assourdissant. J’avance vers toi pour retenir ton visage entre mes mains, te forçant à me regarder encore un peu. - Ça veut dire quoi alors Basile ?.. Je rapproche mon corps vers le tient, sans le toucher, sans l’effleurer, juste pour ajuster ma position et revenir face à toi. - De quoi t’as peur ?.. Pourquoi de toi ? Je souffle en venant déposer mes lèvres contre ton front brûlant d’un trop plein d’émotions déchaînés. - Raconte moi.. J’ai pas peur de toi moi. Les yeux dans les yeux. Je veux que tu comprennes, que tu me crois, que tant pis si je crève si ça vient de toi. Je ramène ton visage contre ma poitrine, te serre contre moi au point que les battements de mon cœur viennent exploser dans ton oreille.