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ELLIOT & DINA.
Les enchères Winthrop/Cabot étaient maintenant chose du passé, je n’avais donc plus besoin de préserver mon corps pour le spectacle. Et maintenant que j’étais sûr de mes proies, je me rendais à nouveau à ce bar miteux dans la petite rue derrière le Royale. Un verre, deux verres. J’attends que les heures passent, parce que j’sais qu’ils ne sortiront pas de leur tanière aussi tôt. J’veux me dire que j’ai tout prévu, mais si j’ai bien appris un truc de toutes les séries que je me tape, c’est que rien ne se passe jamais comme le plan l’avait prévu sur le terrain. Je lance un signe de tête au proprio du bar, me levant pour sortir de son établissement et rejoindre la nuit noire et gelée. J’ai pris la précaution de l’alerter du coup que je prépare. Parce que j’aurais peut-être besoin d’un back-up. Si je ne suis pas revenu dans les quinze minutes, faut qu’il appelle les flics et qu’il vienne me sortir avant qu’ils n’arrivent. J’veux pas retourner au poste, vu les antécédents que j’ai j’crois que cette fois ils ne me laisseraient pas sortir de sitôt. Bien sûr, lui, il était d’accord avec mon plan. Parce que ça lui évite de gérer les voyous qui trainent devant son bar au petit matin et qui nuisent à sa réputation. C’est quelqu’un d’autre qui fait le sale boulot et ça l’arrange. En même temps, j’veux que personne d’autre le fasse. Parce que ces gars, ils ont cogné sur mon meilleur pote. Ils ont complètement défiguré Hae, et ça, j’accepte pas. On touche pas à mes proches sans représailles. Et bien que j’ai eu envie de leur casser la gueule à la minute où Hae m’a raconté l’histoire, j’me suis dit que j’allais faire ça proprement. Un truc réfléchi. Un plan établi. Sauf que la vérité, je la connais. J’vais perdre. Parce qu’un combat seul contre cinq, c’est perdu d’avance. Mais j’m’en fous. J’fais pas ça pour gagner. Ils se feront choper par les flics grâce à mon plan. Non, moi, j’fais ça pour l’honneur. Parce qu’on touche pas à mes frères sans avoir à faire à moi. Alors quand j’les trouve, je fonce dans le tas. Rien ne se passe comme le prévoyait le plan. Je cogne, je me fais cogner. Je me fais plus cogner que je cogne moi-même. Mais putain, j’en envoie des bonnes. Mes muscles me servent bien pour leur coller des poings à ces enfoirés. C’est le combat le plus déséquilibré de l’année. Mais j’m’en fous. J’m’en fous, je sens pas la douleur pour l’instant. J’ai juste envie de les cogner autant qu’ils ont cogné Hae. J’revois la tête qu’il avait, les blessures qu’ils lui ont fait subir et putain ce que j’ai la rage. Alors je cogne. Encore et encore. Et j’m’en prends toujours en double, en triple même, mais j’m’en fous. Je sens le sang perler sur ma peau, je crache par terre le goût de fer qui m’envahit la bouche. C’est dingue comme l’adrénaline masque la douleur. On ne ressent rien. Sauf un coup, comme un éclair froid qui me transperce le torse. Une fois. Puis une deuxième. Sur le coup, ça fait pas mal. C’est juste une décharge électrique glacée. Mais plus les secondes passent, plus j’ai l’impression qu’on est au ralenti, et plus la douleur se fait vive. Elle se réveille, partout à la fois. Un sifflement dans les oreilles, j’entends vaguement les gars d’en face qui crient, affolés, essayant de fuir. Et moi? Moi, je vois trouble. J’ai le visage beaucoup trop pâle, j’ai l’impression que je vais vomir. Que je vais m’évanouir. Je baisse les yeux sur mes poings encore serrés. Piètre état. Mais le pire, c’est mon ventre. C’est ça qui me fait tanguer. Et quand je baisse les hauts sur mon t-shirt blanc, je vois qu’il ne l’est plus. Non, il est teinté d’un rouge vif humide qui continue de couler. Et là, je tourne de l’oeil. J’ai besoin d’aide. Je veux pas les flics, pas l’hôpital. Pas Serah ni Ziggy qui s’affoleraient et prendraient peur. J’ai besoin de quelqu’un de neutre, qui n’a pas froid au yeux et qui tient pas assez à moi pour vouloir m’emmener à l’hosto direct. Qui ne paniquera pas. Et je marche pendant que je réfléchis aux possibilités. J’commande un Uber qui arrive bien vite pour une fois et je me glisse dedans. Je lui demande de me déposer au coin de ta rue — on sait jamais. Et je me traine jusqu’à ta maison. Des coups de poing sourds sur ta porte. C’est toi que j’ai choisi Dina. J’sais que t’es capable de m’aider sans flancher. J’suis appuyé contre la porte, la main appuyée tant bien que mal sur le ventre, et t’as même pas le temps de dire quelque chose que quand tu l’ouvres, je m’écroule par terre sur le pas de la porte. Probablement le soulagement de me dire que j’suis arrivé là sans crever, et que maintenant, y’a quelqu’un qui est là au cas où ça tournerait vraiment mal. Alors je ferme les yeux et je m’autorise à souffler un bon coup — même si j’ai clairement du mal à respirer. Et j’me sens déjà partir dans les vapes. J’ai pas besoin de te dire « aide-moi » pour que tu le comprennes, j’pense. Alors aide-moi, Dina.
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