Tout comme June, mon histoire n'était pas facile, mais envers et contre tout, je me sentais responsable du sort qui m'avait été réservé. Après tout, si j'avais réussi à mentir un peu mieux, peut-être que mon père serait encore là. Peut-être qu'il me ferait vivre encore un enfer, mais au moins je ne serais pas tout seul. Je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même. Quand mon père entrait dans ses crises où il ne se contrôlait plus vis à vis de moi, il me disait souvent que c'était de ma faute. A présent, quand je me sentais triste, je me disais également que c'était uniquement à cause de moi que tout cela arrivait. Et par culpabilité, je n'expliquais jamais mon passé aux adultes. Je préférais qu'ils me voient comme un gentil garçon. Et comme ça, ils étaient adorables avec moi, tout comme June en ce moment. Sa présence me rassurait et je ne voulais pas penser au moment où elle devrait repartir. Et j'espérais qu'elle avait raison à propos des adultes à l'orphelinat. Peut-être que je me tracassais pour rien et qu'ils seraient tellement rassurés de voir que j'allais bien qu'ils en oublierais de me sermonner. Au pire, je pourrais toujours retenter une petite escapade, si tout ne se passait pas comme je le désirais. J'étais convaincu que du haut de mes sept ans, je pourrais très bien m'en sortir tout seul. Il suffisait seulement que j'évite la gente masculine qui m'a toujours effrayée, du moins depuis que le caractère de papa a changé. Pour ce qui était de la gente féminine, je n'avais aucun problème vis-à-vis d'elle vu que toutes les dames que j'avais rencontrées se comportaient comme des mamans.
D'ailleurs, tout comme une maman, June semblait comprendre mon désarroi quand je lui parlais de Elia et Matys. Et ça me faisait beaucoup de bien de pouvoir parler de mes peines avec elle. A l'orphelinat, les éducateurs avaient beaucoup trop de travail pour écouter les soucis des enfants, mais elle avait tout arrêté pour que je puisse me confier à elle. Et ça m'enlevait un poids inconsiderable, bien que l'instant d'après, je me sentais un peu honteux suite à l'une de ses propositions. Et par le fait de l'avoir fait pleurer aussi. Ce n'était pas ce que je voulais
Je te demande pardon si je t'ai rendu triste. J'aimerais bien oui que tu viennes de temps en temps me voir, j'aime bien être avec toi. Mais c'est pas grave pour Elia et Matys, je veux pas qu'ils se sentent obligés de venir. Ils viendront quand ils auront envie. Toi aussi tu viendras quand tu auras envie
Et la promesse de ces futures visites ne pouvait que me combler literalement. Je crois qu'au fond de moi, j'avais ce besoin de me sentir important pour quelqu'un... Bien que comme tout les autres enfants à l'orphelinat, j'étais sans doute important aux yeux des adultes chargés de s'occuper de nous. Quand un enfant devait partir avec ses nouveaux parents, il était très courant qu'au moment de la séparation avec les adultes qui avaient pris soin de l'enfant en question, il n'y ai que des sourires et un énorme soulagement que l'enfant ai trouvé une bonne famille pour reprendre une nouvelle vie. Mais après la porte de l'orphelinat refermée, je voyais souvent des éducateurs les larmes aux yeux à l'idée de ne plus revoir tel ou tel enfant. C'était indéniable, ils étaient attachés à nous, et quoi de plus normal, puisque l'on passait toutes nos journées avec eux depuis pour certains, des semaines, pour d'autres, des mois, et pour d'autres encore, des années. Mais c'était une des réalités de la vie : pour être épanoui et se construire correctement, un enfant a besoin de parents et bien qu'ils se comportaient comme tels dans la majeure partie des cas, ils ne pouvaient prétendre nous apporter autant d'attention que celle que l'on avait besoin. Seul un couple de parents adoptifs pouvait remédier à cela. Alors qu'elle me confiait ses doutes sur un éventuel mariage avec River, ma curiosité enfantine avait repris le dessus
Pourquoi vous vous marierez peut-être pas? Vous êtes pas sûrs d'être amoureux? Moi j'ai une amoureuse et quand je serais grand, je sais que je vais me marier avec elle
Et ça, j'en était convaincu, d'ailleurs on se l'était promis tout les deux. Certes, dans quelques années cette promesse n'aura peut-être plus rien qui vaille, mais bon, pour le moment, pour moi, c'était une certitude que tout allait se passer comme on l'avait désiré. D'ailleurs, on s'était déjà marié pour de faux, dans la cour de l'école. Donc pour nous, c'était très sérieux tout ça. Et à défaut d'avoir des alliaances, en guise de cadeau j'avais reçu une petite voiture rouge de sa part, et elle, une bague en plastique avec un bonbon dessus. Dans mon monde d'enfant, je savais que les bonbons faisaient toujours plaisir. Et j'avais cru un petit instant que dans celui des adultes cela marchait aussi un peu. Ne dit-on pas que toutes les grandes personnes ont d'abord été des enfants? Malheureusement, bon nombre d'adultes dont j'avais fait la connaissance semblaient avoir oublié ce détail. Je regardais June un petit moment, tentant de redevenir réaliste
Je sais. Dans le monde des adultes, tout se règle avec des sous, mais je suis trop jeune pour en avoir, sinon je t'en aurais déjà donné et à Elia aussi.
Si j'étais si généreux, c'est parce qu'on m'avait toujours appris à partager. Bon, c'est vrai qu'il y avait bien des fois où je n'avais pas envie de partager un jouet ou autre chose avec un autre enfant, que ce soit à l'école ou bien à l'orphelinat, mais dans la majorité des cas, quand je refusais d'être généreux, ça finissait par un séjour au coin et l'objet était confisqué. Dès lors, j'avais pris l'habitude de céder ce que j'avais, que ce soit en jouets ou en bonbons. Et cette attitude marchait très bien pour me faire des amis. J'aimais m'en faire de nouveaux, que ce soit des enfants, ou bien des adultes. J'avais toujours été un petit garçon très sociable, et je savais comment charmer mon entourage. Et généralement, on me le rendais bien. Je trouvais étrange que June ne sache pas comment s'en sortir si elle avait un enfant. Avec moi, tout se pasait bien, dès lors, pourquoi avec le sien cela se passerait-il autrement? Je ne savais pas si je parviendrais à la rassurer, cependant, je tentais tout de même le coup
Je suis petit et je sais que tu t'occupe bien des enfants. C'est pas difficile, il suffit d'être gentille, et au début, de savoir faire les biberons. Si River n'est pas prêt, peut-être que tu pourras t'en occuper toute seule en attendant. Mais comme ce sera son enfant, peut-être qu'il dira rien. Faut pas que tu ai peur. Si tu aimes River et que lui il t'aime, ca va aller.
Du peu que je la connaissais, j'étais certain qu'elle s'en sortirais, et je lui adressais dès lors un sourire confiant. Ne dit-on pas que la vérité sort de la bouche des enfants? Bien que j'étais le premier placé pour savoir qu'il n'est pas rare que certains bébés finissent à l'orphelinat pour la simple et bonne raison que leurs parents ne peuvent pas s'en occuper, mais j'avais l'impression que pour June, ce serait différent.
- Spoiler:
Bonne et heureuse année 2013
Tout va pour le mieux en ce moment, j'en ai profité pour rattraper mon retard ^^ J'espère que tout va bien pour toi aussi. A très bientôt j'espère ;)