love and pizza. (kaleena)

Bien sûr, c'est normal que je me pose autant de questions, non ? Des questions qui n'auraient pas eu lieu d'être si effectivement, je pouvais marcher, combler une femme ou peu importe. Je ne veux pas être un frein dans la vie de Reena ou de n'importe qui d'autre, en réalité. Alors, je me vois lui demander ce qu'elle ferait, ce qu'il se passerait si je me retrouve toute ma vie dans ce fauteuil, elle me regarde et me demande de lui parler, de lui dire ce qu'il me fait peur. De tomber amoureux ? Tomber dans le panneau encore ? Je veux dire... Je n'arrive pas vraiment à m'expliquer sur le coup, mais pourtant ça tombe sous le sens pour moi, c'est évident. J'en sais rien, Reena. Je suis handicapé, je pourrai pas faire des choses qu'un mec normal peut te donner. Finis-je par lâcher, quittant son regard, je n'ose pas la fixer. Pas maintenant en tout cas, même si j'ai repris du poil de la bête j'ai encore ce gros manque de confiance en moi.

Kale semble si convaincu que sans ses jambes il manque d’intérêt que ça me fait mal au cœur, au fond. J’ai passé les dix dernières années à apprendre à le connaître sans me fier à son physique, même si je l’avais déjà aperçu en photo, évidemment. Qu’il ne puisse plus marcher, que son handicap demeure… Au fond, qu’est-ce que ça changerait pour moi ? J’aurais de la peine pour lui parce que je sais combien il tenait à sa carrière de sportif, évidemment. Mais ça ne changerait rien à mes yeux le concernant lui. Qui il est, ce qu’il représente pour moi. Je retiens ma respiration lorsqu’enfin, il se confie. La peur de tomber amoureux. De commettre une erreur ? Que je lui fasse du mal comme cette Lily a pu le faire en jouant avec ses sentiments ? Je me mords l’intérieur de la joue, et je baisse les yeux automatiquement, ne pouvant m’empêcher de ressentir un petit pincement au cœur. Même si je comprends, je ne peux pas non plus me retenir d’être un peu… blessée ? Touchée dans mon égo, qu’il puisse penser que je veuille me jouer de lui. Mais la compréhension prend le dessus, et lorsqu’il s’inquiète une fois encore de ce foutu fauteuil roulant, je tends une jambe pour littéralement pousser le fauteuil loin du canapé, et l’éloigner hors de notre vue, me dressant devant lui pour qu’il ne tourne plus les yeux vers l’objet. « Oublies un peu ce fichu handicap Kale, ça change rien pour moi ! » Mais alors rien du tout. Je viens prendre une de ses mains entre les deux miennes. Sourcils froncés. Cherchant mes mots comme si je préparais un foutu discours. « Que tu aies peur de… de tomber amoureux, je peux le comprendre. Je sais que c’est pas ce que tu veux. Je sais que t’as eu le cœur brisé et je crois que je suis terrifiée à l’idée qu’un jour, tu puisses parler de moi avec la même rancœur dans la voix que lorsque tu m’as parlé de ta dernière petite amie. » Et surtout, moi aussi j’ai peur de tomber amoureuse, mais ça j’arriverai pas à le dire à voix haute. Parce que tu sais que j’ai du mal à parler de mes sentiments depuis la première et dernière fois qu’on m’a déçue. Puis, avec plus de détermination, je plante enfin mon regard dans le sien pour affirmer « Mais arrêtes de penser que tu n’es pas normal. Est-ce que tu penses que tous les hommes handicapés restent éternellement seuls ? Que les femmes qui partagent leur vie sont malheureuses ? Est-ce que tu me pense superficielle au point de te repousser parce que je ne peux pas marcher avec toi dans la rue ? » Je soupire, et ferme les yeux. « Je t’ai dit que je voulais qu’on ne se prenne pas la tête à propos de nous. Je le pensais tu sais… Mais je ne veux pas que tu penses que je suis là, face à toi, juste dans l’espoir de te revoir sur tes deux jambes. » Si tu restes dans ce fauteuil toute ta vie, je pourrais vivre avec.

Je n'ai plus envie de croire en l'amour. Je n'y arrive pas plutôt, Lily m'a vraiment fait du mal sur le coup même si j'ai décidé de tout lui pardonner. Je ne veux pas vivre dans le passé, mais je n'arrive pas à penser qu'un jour tout ira pour le mieux. Je n'ai jamais eu vraiment confiance en moi avant tout ce qu'il m'arrive jusqu'à aujourd'hui, alors là je suis vraiment au plus bas. Reena fait partir un peu plus loin mon seul moyen de me mouvoir afin qu'il ne soit plus dans notre champ de vision, m'obligeant à la regarder, elle. Son discours me touche et me laisse sans voix, elle peut donc comprendre que j'ai peur de tomber amoureux, peur d'être à nouveau blessé. Mais, surtout, elle m'en veut de penser que je ne suis pas normal parce que je suis en fauteuil roulant. Je l'écoute sans dire quoique ce soit, de toute façon... je ne peux pas du tout en placer une. Reena... Evidemment, nous avons dit que nous ne nous prendrons pas la tête mais là, c'est bizarre. Trop pour bizarre, je n'arrive pas du tout à qualifier notre relation tellement ça l'est. Merci... C'est vraiment tout ce que trouve à dire. Elle est là pour moi, elle me fait comprendre que malgré mon handicap, je reste le même qu'elle a connu. Tu sais, je veux juste que tu sois heureuse. Je me pose juste la question si tu le seras avec moi... Je veux dire que je suis loin d'être parfait alors que toi tu l'es en tout point, je ne veux pas que les papparazzis te disent que tu joues dans la charité à sortir avec un handicapé ou je ne sais pas quoi d'autre... Reena étant une star montante, j'imagine que je serai sûrement dans les tabloïds people s'il vient à avoir quelque chose entre nous.

On est dans une situation improbable, à laquelle je ne me serais pas attendu en arrivant à Boston, et en rencontrant Kale pour la première fois véritablement en janvier. Comment est-ce que j'aurais pu prévoir d'être irrémédiablement attirée par celui que je considère comme mon meilleur ami à distance depuis des années ? Comment est-ce qu'on aurait pu anticiper d'en arriver là ? Peut-être qu'il n'y a pas de réponse à cette question, finalement. Pas de solution en dehors du fait qu'il faille prendre sur nous, et voir ce que l'avenir nous réserve. Mais je refuse catégoriquement qu'il ne voie en lui qu'un type en fauteuil roulant. Ce truc ne le définit pas. Le fait qu'il ne puisse pas marcher, et que ce soit de façon permanente ou non, je m'en fiche, et je tiens à ce que ça lui rentre dans le crâne. Je m'arrête enfin de parler alors que le brun murmure mon prénom, me plongeant ainsi dans le silence. Je fronce les sourcils alors qu'il me remercie, et je me retiens de lui dire qu'il n'y a pas de merci qui tiennent. Je ne fais que dire ce que je pense. Mais je l'écoute en silence, affichant une moue contrariée à ses derniers mots. « Je ne suis pas parfaite, loin de là. » Je sais que je suis jolie, et j'ai parfaitement conscience de mon physique avantageux, mais je suis aussi difficile à cerner, parfois distante avec tout le monde, même ma famille. Et j'aurais toujours cette fêlure directement liée au fait que j'ai été abandonnée. Cette impression que m'attacher à quelqu'un reste un risque d'être laissée par la suite. « Et j'me fiche de ce que les médias disent. S'ils disent ça, ce sera du ragot, du mensonge, et je manquerai pas de le dire. » Finalement, je soupire, et étire mes lèvres en un maigre sourire avant de venir caresser sa joue du bout des doigts. « On va aller à notre rythme, voir ce que l'avenir nous réserve sans s'imposer quoique ce soit, d'accord? Je veux juste que tu me promettes que tu vas au moins essayer d'arrêter de ne voir en toi qu'un handicapé. » T'es tellement plus que ça Kale... J'le pense, et c'est pas pour rien que je t'ai envoyé cette rose anonyme à la St Valentin. Mais ça, je vais bien me garder de le mentionner.

Je vois Reena en la femme totalement parfait, dans tout les domaines, tout les points. La femme à marier par excellence, elle est totalement géniale et je l'adore réellement. Déjà par le biais de toute nos conversations passées, puis maintenant que je la vois. Tout est encore plus amplifier, elle me plaît énormément sauf que je n'ai aucune confiance en moi depuis la perte de mes deux jambes. Comment pourrais-je avoir confiance ? Je ne veux pas être pris par pitié ou tendresse, j'aimerai qu'on continue à voir en moi le Kale d'antan et pourtant, j'ai toujours cette impression que ce n'est clairement pas le cas. Je vais essayer, promis.. Finis-je par répondre alors à la demande de mon amie. Enfin, amie plus plus quoi. J'aimerai tout de même pouvoir marcher pour lui offrir tout ce dont elle a besoin. Bref... on verra, oui. Pour elle et moi, pour nous, ce que l'avenir va nous réserver. Je ne veux pas me prendre la tête là-dessus mais c'est juste instinctif. C'est toujours compliqué ce genre d'histoire, hein ? Dis-je, pensant à voix haute, l'amour et tout ça, ça ne peut jamais être simple.

Est-ce qu'il finira par se voir comme moi je n'ai jamais cessé de le voir ? Je n'en sais rien. Et au fond, je ne peux que comprendre la situation de Kale. A sa place, si j'étais brutalement privée de l'usage de mes jambes sans certitude de pouvoir les récupérer un jour, ma confiance prendrait probablement un coup. Malgré tout, je demande au brun de me promettre d'essayer d'arrêter de se dénigrer de la sorte, ce qu'il fait. Et j'esquisse un bref sourire alors que nous semblons trouver un point d'entente pour nous deux, jusqu'à ce que sa remarque m'arrache un rire. « Si les choses étaient toujours simples, ça se saurait, malheureusement on entend plus souvent "la vie est dure" plutôt que "la vie est simple". » Puis je reprend sa main dans la mienne, jouant avec sa paume que j'effleure distraitement du bout des doigts avant d'ajouter « Mais j'suis sûre qu'on trouvera une issue qui nous ira quoi qu'il arrive. » Après tout, on s'est bien promis de ne pas avoir de regrets, right ?