ROCCO PRADA ► keith powers

Un peu malgré toi, t’as toujours été ce gamin à l’ouest, le gamin dans son monde qui vit peut-être pas totalement les pieds sur terre. Toi, tu rêvais pas de grandes études, de nanas par milliers à ton adolescence ; tu rêvais juste d’argent, de faire ton propre business, de plus avoir à dépendre de la fortune familiale quand d’autres se reposeraient sur leurs lauriers. T’as pas non plus eu l’envie de jouer de ton nom pour te faire une place ; tu joues au mec humble sur ce point-là, quand bien même t’es content de pas galérer financièrement parlant. Depuis ton plus jeune âge, t’es en total désaccord avec ton père ; parce qu’il avait déjà tracé ton chemin à l’avance et avait des aspirations bien différentes des tiennes. Quand il disait noir, pour toi, c’était blanc. Et qu’importe qui est ton père, t’as toujours été dur en affaire. T’as jamais lâché le morceau, ou pas totalement en tout cas. C’est sans aucun doute ce qui t’a amené à être ce que t’es aujourd’hui, d’ailleurs. Et pour ça, tu ne peux que remercier ton père d’avoir voulu jouer au plus buté avec toi.

Contrairement à des milliers d’autres gosses de riches, toi, t’as pas grandi en enfant-roi. Ta mère t’en a fait voir de toutes les couleurs tant son caractère est écrasant. Entre ta mère et ton père, d’ailleurs, y a bien qu’elle que t’écoutais au doigt et à l’œil et que t’écoutes toujours aujourd’hui. Parce que tu sais ce qu’il t’en coûte de lui désobéir. Et aussi parce que t’as sans doute beaucoup plus de respect pour elle que pour ton père, elle qui t’a mis au monde, qui t’a bercé, qui t’a bordé. Elle qui a toujours pris soin de toi, même passé l’âge. C’est sans doute ton plus grand regret à être ici, de l’avoir laissée en Italie, auprès de ton père et de ta petite sœur. De pas pouvoir veiller sur elle comme elle l’a toujours fait pour toi, de pas pouvoir lui offrir tout ce qu’elle a toujours mérité. Alors tu fais de ton mieux, parce qu’elle compte sur toi, ici, pour pouvoir la retrouver une fois ton diplôme obtenu. Et sans doute est-ce pour cette raison que, quelque part, t’en veux à ton père d’avoir joué de son chantage. De t’avoir menacé de te couper les vivres si tu refusais de mettre les pieds ici, quand toi tu voulais rester là-bas à faire tes tunes à ta manière. De paris et de bourse.

C’est donc poussé par ton père que t’as débarqué à Boston en août 2012 pour intégrer Harvard, dans le seul et unique but de fermer son clapet. Et quand bien même tu fais des efforts pour valider chacune de tes années et décrocher finalement ce diplôme tant espéré, cette année, t’as retapé ta cinquième année d’études. T’as merdé l’année passée, et ton père n’a pas manqué de te le faire remarquer. Sans doute qu’il a raison. Mais toi, t’étais trop pris par tes envies, ta passion du jeu, ton goût du risque, sans compter cet aspect aventureux de ta personnalité. Celui qui te fait partir sur un coup de tête durant de longues semaines à l’autre bout du monde. Tu vis en te disant que la vie est courte, et t’as bien de la peine pour tous ces types qui ne vivent que pour partager leur lit avec une nouvelle femme chaque soir. T’es bien loin de cet esprit : très peu pour toi.