REENA OESTERWIND ► amy jackson

(queen of disaster) Une heure grand maximum qu'elle était là, dans le froid glacial de l'hiver anglais, fin décembre 1993. Placée entre deux arbres de Hyde Park, juste à côté de Buckingham Palace, à Londres. "Un miracle" qu'elle soit encore en vie, disent les autorités. Un bébé abandonné dans la neige,  les lèvres bleuies, emmitouflé dans une couverture, sans adresse, sans indication sur le pourquoi du comment. Elle avait juste été lâchée là, en plein Londres. Voilà comment elle a commencé, la vie de Serena. Deux mois durant, elle a jonglé entre la vie et la mort dans un hôpital, enfant prématurée, enfant lâchée dans la nature dans des températures négatives, ses petits bras frôlaient les engelures, il a fallu du temps pour qu'elle prenne le poids qu'il lui manquait, pour qu'elle puisse être un nourrisson autonome, pour qu'elle devienne un bébé qui au final, n'avait ni papa, ni maman, mais un cœur qui bat contre toute attente. Parce que quand on laisse une gamine dans la neige, au cœur d'un parc public, c'est pas un oubli, c'est pas une erreur, c'était un abandon pur et dur, laissée pour morte. Ses premières années à l'orphelinat, Reena les a passées sans savoir ce qui se passait pour elle, sans vraiment comprendre, trop jeune, petite fille à la peau halée et aux grands yeux bleus au milieu des jolies têtes blondes sans parents. Elle était trop jeune pour comprendre que des photos d'elle ont circulé dans les rues, sur internet, dans l'espoir, à défaut de trouver ses parents, de lui trouver une famille proche. Puis finalement, ils ont abandonné. Comme beaucoup d'autres, elle était une orpheline, une gamine abandonnée, et sa mère n'avait même pas eu la décence de la mettre à l'adoption. On ne lui trouverait pas de famille liée par le sang, mais avec un peu de chance, d'autres voudraient d'elle... un jour.

(someone take me home) De nombreuses fois par la suite, Reena a cru que cette famille qui venait, c'était la bonne. Chaque fois elle a espéré partir, et ne pas voir les autres autour d'elle s'en aller un à un. En vain. Elle avait l'impression d'être le vilain petit canard, la rejetée, la gamine qu'on a nommée Serena, parce que les responsables de l'orphelinat la voient comme une enfant si pure, si innocente. Alors qu'elle, elle a dix ans, et n'est qu'une enfant meurtrie, qui a l'impression que personne ne l'aimera jamais. Puis vint l'année 2005. 05.05.05. La date tatouée aujourd'hui à la base de sa nuque. Le jour où les Oesterwind, petite famille anglaise, pose les yeux sur Serena, alors âgée de douze ans. Elle ne le sait pas encore à ce moment là, mais cet homme et cette femme vont la sortir de ce trou, lui donner une chance, l'emmener loin de cet orphelinat, qu'elle n'assimile qu'à une chose : L'abandon. Un peu de douleur, aussi. La lutte pour vivre. Elle attendait que ça, de vivre, et ils lui en donneront alors l'opportunité. Six mois à hésiter, la situation financière n'étant pas la meilleure pour les Oesterwind, une procédure qui dure six autres mois, des papiers, des tas de papiers, et Reena a treize ans quand elle devient Serena Oesterwind.

(i live in a prison that i built myself) Les années suivantes, elle essaie de s'acclimater à sa famille, à ses études au collège, puis au lycée, sans pour autant parvenir à se sentir évadée de l'orphelinat. Coincée dans cette impression de ne pas appartenir à cet univers, d'être une erreur qu'on aurait oublié dans la neige dès le jour où elle a ouvert les yeux sur ce monde. On la regarde en biais, la première fois qu'elle entre à l'école avec son "frère" aîné, qui ne manque pas de dire à ses copains qui demandent qui elle est "c'est Reena, elle vit chez nous maintenant." Façon maladroite de faire comprendre pourquoi Reena, elle a la peau couleur aux teintes caramel et de beaux cheveux bruns, alors qu'il est blanc comme un cul. Il pense pas forcément à mal, il est jeune, un peu immature, mais ça creuse le fossé entre eux, entre elle et les autres. Ils grandissent, se chamaillent, mais finissent par s'acclimater les uns aux autres, de manière assez étrange, avec ce frère à peine plus âgé qu'elle, et le reste de la fratrie, unique adoptée dans une famille nombreuse. Brianna et Allistair, ses parents adoptifs, se sont fait à l'idée qu'ils l'ont adoptée trop grande pour qu'elle puisse pleinement se voir comme la petite dernière de la famille. Il n'empêche qu'ils l'aiment, et que Reena, elle les aime en retour, même si elle n'est pas la plus douée pour le montrer.

(i don't need your love, cause i already cried enough) A dix-huit ans, Reena arrête les cours, le bac en poche, pour s'inscrire dans une école d'art de Londres. Brianna et Allistair la soutiennent, paient ses études, l'encouragent dans cette voie qui déjà à l'orphelinat la séduisait, participant à tous les cours de théâtre qu'elle pouvait trouver. Quelques mois plus tard, première représentation sur les planches, où Ree conjugue aussi bien la danse que le chant et la comédie. La fibre artistique dans le sang, elle attire les regards pour la première fois sans hostilité, elle qui est toujours restée dans l'ombre jusque maintenant. Rapidement, voilà qu'elle intègre une petite troupe populaire de la classe, et surtout, qu'elle tombe amoureuse, assez naïvement, du bad boy de la bande. Sa première histoire, et celle qui aura fissuré la carapace qu'elle s'est forgée des années durant. Car quelques jours seulement après qu'ils se soient mis en couple, à une des nombreuses soirées étudiantes auxquelles ils participent, ils s'isolent, s'enlacent, et les choses dégénèrent car il demande plus. Elle voulait pas, Reena. Elle lui a bien dit non, elle voulait attendre, lui non. Laisses toi faire, qu'il répétait. Aujourd'hui encore, les mots sonnent comme s'ils venaient d'être dits dans sa jolie petite tête brune, mais voilà, elle a pas été assez forte pour le contrer. Le lendemain, c'est le froid entre eux, sans que le reste de la bande ne comprenne. Mais elle a trop honte pour en parler, Reena. Et des années plus tard, pourquoi faire revenir le sujet sur le tapis? Après tout, sans preuves, qui dit qu'elle raconte la vérité ? Après cette histoire néanmoins, la morale est passée: les attaches, pour elle c'était terminé alors que ça venait à peine de commencer.

(never be the same) Trois ans après le début ses études, Reena passe une audition sur les bons conseils d'une de ses amies. Une grosse boite de production du pays cherche la vedette de son prochain film. Et quand le réalisateur pose les yeux sur elle, le coup de cœur est immédiat. Elle a 21 ans, dégage un mélange de réserve et de rébellion, mi-sauvage, mi-candide. C'est le visage qu'il cherchait depuis des semaines. Malgré les mois de tournage à venir, Reena tient à finir son année avant de commencer, sans trop savoir où cette histoire va la mener. Elle est bien loin de s'attendre à la percée fulgurante que ce film signifie pour elle, tremplin immédiat sur une carrière que jamais elle n'aurait espérée. A 24 ans, elle jongle entre cette nouvelle vie sous les projecteurs, la vie à Boston. Car le reste de la famille a quitté Londres, quand le fils cadet a rejoint les rangs d'Harvard et qu'Allistair Oesterwind a reçu une offre de mutation. Il ne manquait plus que Reena, et c'est ainsi qu'elle a accepté le contrat d'une série télévisée dont le tournage se déroule dans le Massachusetts. Une pause dans le grand écran, pour se rapprocher à nouveau de la famille à laquelle elle doit tout. Maintenant, Reena, elle kiffe chaque minute, et elle a l'impression qu'enfin, la vie lui sourit un peu. Entre apparitions dans des magasines, les projets de partenariat à venir, un compte en banque qu'elle n'aurait jamais cru avoir à elle seule, elle enchaîne les red carpet, mais aussi les conquêtes, et surtout, elle est restée elle-même. C'est probablement ce qui plait le plus, d'ailleurs, ce côté glam et rock, sauvage et mystérieuse. Elle ne cache pas d'où elle vient, non plus, difficile de mentir quand on la voit à côté de ses parents après tout, mais elle évite de s'étaler sur les circonstances de sa naissance. Jusqu'à ce qu'un jour, qui sait, un paparazzi ne déniche l'histoire en or. Qui sont les parents de Reena Oesterwind ? Elle-même ne cherche plus à savoir, elle n'a jamais pensé à utiliser son argent pour partir à leur recherche. CA reste le sujet délicat, fragile la concernant. Elle a beau se clamer parfaitement heureuse et sereine aujourd'hui, au fond, elle reste toujours la gamine qu'on a abandonné dans la neige, celle qui a trouvé sa place dans le cœur d'une autre famille, mais continue de se sentir étrangère.