On the top of the world ● Alexander

Le bruit des klaxons, porté par le vent du soir, la ramenait quelques années en arrière. Alors qu'elle enjambait la dernière rambarde en fer, Lavender atterrit enfin sur ce qui ressemblait au toit du monde. Le tout Cambridge s'étalait devant elle. Perchée sur le toit de l'un des plus hauts bâtiments de la ville, elle profita de ce moment de liberté. Laissant le vent faire son oeuvre dans ses cheveux, quitte à sentir le froid lui mordiller le cou. L'air du soir était plutôt frais. S'avançant au centre de la surface bétonnée, Lavender pouvait voir les feux tricolores clignoter en contrebas. Elle pouvait presque sentir l'odeur âcre de l'essence ; cette ville était une véritable fourmilière. Il y avait quelques années qu'elle n'avait pas mis les pieds ici. Ce sont pourtant ces derniers qui l'avaient guidée dans le secteur, comme s'ils n'avaient jamais vraiment oublié le chemin. Une envie plus qu'un besoin. Tout allait bien dans sa vie, elle avait juste envie d'une pause. D'un moment au calme, loin de tout et de l'agitation qu'elle aimait tant la semaine, à l'hôpital. C'était presque comme si elle venait pour la première fois, débarrassée de toute ses interrogations de l'époque. Un bruit métallique, comme le crissement d'une canette roulant sous une chaussure la fit se retourner. Elle était la seule à venir ici, du moins, c'est ce qu'elle aimait penser. A moins que... Il y avait bien quelqu'un.

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crédit/ tumblr ✰ w/alexander & lavender

C'était un de ces jours où j'avais juste besoin de tout vider dans mon esprit. C'était dur d'aller de l'avant, c'était dur de passer outre cette mort qui m'avait chamboulé. Des fois, je me dis que le plus simple, c'était de rendre Robyn à sa mère, de dire à Ava de se rapprocher de ses amis et juste.. m'en aller. Céder à mes pulsions, arrêter de me battre contre tous mes démons, bien trop nombreux, et me laisser aller vers cette pente descendante qui me porterait tout simplement au fond du trou. Ouais, ce serait plus facile, mais je ne le fais pas. Je choisis de me battre, malgré mes moments de flottement. Je me battais contre tout et pour réussir à tenir le bon cap, j'avais besoin de ces moments où je me retrouvais seul face à ma vie. Me rendant sur ce toit, comme toutes les semaines, j'y trouvais un brin de sérénité. Débarquant sur ce lieu que j'adorais à travers les années, je me retrouvais à shooter une canette, sûrement un jeune qui a laissé ça là. Mais du coup, j'ai vu un mouvement non loin, quelqu'un ? Oui, quelqu'un, une silhouette se dessinait et plus je m'avançais, plus je la découvrais. Ce n'était qu'à quelques dizaines de centimètres que je découvrais la personne présente ici même, avec moi. « Lavender ? Je croyais que tu avais quitté la ville ? » finissais-je alors par dire en finissant de rompre l'écart entre nos deux corps, concluant le tout par une étreinte sincère.

Au passage piéton, au feu rouge, à la porte du restaurant du coin, sur le trottoir. Ils étaient des centaines à se croiser dans les rues en contrebas. Elle avait oublié cette sensation. Celle de se sentir comme un grain de sable dans les rouages d'une grande ville. Savoir que la vie reprenait toujours ses droits. Quoiqu'il se passe. Malgré l'obscurité qui s'installait, Lavender crût reconnaître un visage. Les traits tirés, émaciés. Un visage provenant d'une autre époque. Lavender ? Sans vraiment savoir pourquoi, ça lui fit un bien fou de le revoir. De savoir qu'il allait bien. Même s'ils ne s'étaient pas revus depuis ce qui semblait une éternité. Alexander ? Elle savait que c'était lui mais il semblait différent, fatigué. Lorsqu'il la prit dans ses bras, Lavender sentit tout son poids contre elle. Une étreinte qui allait au-delà d'un simple bonjour. Quelque chose clochait, elle pouvait le sentir. Lavender le relâcha et prit le temps de regarder Alexander, sans détour. Il avait perdu du poids depuis la dernière fois. Je ne suis jamais vraiment partie, affirma t-elle en souriant. Tu as...changé Alexander. Et elle supposait que sa présence ici n'avait rien d'anodin.

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C’était pas ce que je faisais souvent, mais j’en ressentais le besoin ce soir. Ce besoin de hauteur, de liberté, d’évasion. Après tout, j’étais bien loin de ces pétés de thunes qui préféraient aller à l’autre bout du monde, détruire la planète à coup de vols qui consomment masse de kérosène. Je préférais les moments simples, sur un toit, qui surplombe la ville et être en tête à tête avec moi-même. Seulement, je n’étais pas seul ici ce soir. Une silhouette était non loin de moi et il avait fallu que je me rapproche pour découvrir que c’était celle qui occupait ce même toit des années auparavant. « Le seul et unique » que je disais d’un simple sourire en guise de réponse. Toujours le même, mais qui avait plutôt pas mal évolué également. Une fois à ses côtés, c’était naturellement que je la prenais dans mes bras, une étreinte nécessaire et libératrice. Des années s’étaient écoulées et pourtant elle se tenait là, debout, face à moi. C’était une sensation étrange mais agréable à la fois. « Je sais que les cheveux blancs ne sont pas loin » Je me doutais bien qu’elle ne parlait pas de mon physique, ou très peu, j’en sais rien, mais ouais, j’avais changé, je n’étais plus le même et ce, à cause de mes différentes expériences de vie.

Le seul et unique. Elle le savait. Il avait beau avoir quelques années de plus, une barbe de quelques jours et des kilos en moins. Même si leurs chemins ne s'étaient croisés que très peu de fois, Alexander ne faisait pas partie des visages qu'elle avait oublié. Changer de sujet, ça il savait faire. La dernière fois déjà, Lavender l'avait compris. C'était son mode de fonctionnement, la seule façon qu'il avait de se protéger. Entre eux, ils n'avaient pourtant jamais eu besoin de faire semblant. Alors qu'ils arboraient des airs de circonstance en dehors, ils étaient à l'endroit où plus rien n'avait d'importance. En haut de cet immeuble, perchés à des dizaines de mètres, surplombant les lumières de la ville, ils avaient toujours laissé pleuvoir leurs problèmes. En parler, c'était ça le début de la guérison. T'as de la chance, on ne les verrait même pas dans le noir. Un bruit de klaxon lui rappelle que la civilisation n'est pas bien loin. Elle ne se souvenait même pas ce qu'ils s'étaient dit la dernière fois qu'ils s'étaient retrouvés dans cette bulle d'altitude. Elle se souvenait juste en ressortir vidée. Comme après une rude tempête. Lavender se pencha légèrement - sentant le vent lécher la façade du bâtiment - le spectacle de la vie quotidienne ne la lassait jamais.

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C'était compliqué, comme chez le psy, de mettre des mots sur ce que je pouvais ressentir depuis l'accident. Accident qui a été fatal à ma femme, à mon fils. Accident qui m'a privé de tout avenir dans le fond. J'avais du mal à m'en relever et je m'en rendais compte en discutant avec Alaska, Keyla et même que je soupçonnais Briony de savoir ce qui se passait réellement au fond de moi. Mais non, je n'arrivais pas à avouer encore une fois ce qui pouvait se passer intérieurement, tant le chaos se déchainait. Et puis, il y avait cette contradiction malsaine, entre vouloir aller mieux et ne pas vouloir tourner la page. « Vrai, bien heureux que je suis alors » Et je souriais avant de me pencher sur le rebord, comme elle, afin de profiter de la vue, de cette prise de hauteur recherchée en venant ici. « Qu'est-ce que tu deviens alors ? Enfin, plutôt, qu'est-ce qui t'amène là ? » que je demandais en toute curiosité, venant alors tourner la tête en sa direction. Après tout, on venait ici dans le but de se vider l'esprit parce qu'il y avait un trop plein. Mais.. peut-être pas après tout, rien ne l'obligeait à respecter ce deal implicite.

Les rues de la ville demeuraient les mêmes. Mêmes carrefours, mêmes feux enchaînant les couleurs à un rythme répétitif. Lavender elle, avait bien changé depuis la dernière fois qu'elle avait grimpé cette échelle de secours. Elle avait rectifié le tir, fait du tri dans sa vie. Elle tentait tant bien que mal de se persuader que tout filait désormais droit. Les pieds à un mètre à peine du rebord, elle sentait le vent tenter de s'engouffrer dans ses jambes. Comme un étau. Comme si elle se devait de rester encore un peu. J'ai eu mon diplôme de biologie, l'année dernière. Enfin, répondit-elle en souriant. Les dernières années lui avait paru interminables.  Je travaille au Women's Health Hospital depuis septembre. Son boulot avait beau siphonner toute son énergie, elle n'en changerait pour rien au monde. Juste une envie de passer. Voir si ça avait changé. Même si elle se doutait que le coin était peu fréquenté. Les passants sains d'esprit préféraient de loin les grandes allées éclairées. Mais pas elle, du moins, pas ce soir. Et toi ? Avec un regard pour ses joues creusées, elle attendait qu'il fasse ce qu'il avait toujours fait. Cracher le morceau après un moment d'hésitation.

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Le truc qu'il fallait retenir de cette rencontre, c'était certainement notre besoin à tous les deux d'une bouchée d'air frais, de changement et d'avoir les idées claires. Sûrement que je n'y arriverai pas de sitôt, avec la vie que je menais, mais je m'en fichais pas mal. Je m'en fichais parce que ma vie n'avait plus grand sens à présent. « Félicitations, mais je ne t'ai pas vue à la remise des diplômes... bon, y'avait beaucoup de monde quand même » Et puis, faut dire qu'à l'époque, j'étais encore en froid avec Az et... ouais, j'avais la tête certainement ailleurs quand les élèves diplômés se retrouvaient tous sur l'estrade. « C'est bien en tout cas, même si je suppose que je n'irai jamais dans ton département » Si je comprenais bien, ça concernait que les femmes. « Moi.. j'essaye de comprendre un tas de choses » Comme pourquoi je suis encore en vie quand ma femme et mes enfants ont péri dans le terrible accident de juin. Par exemple ouais.