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Oscar est un enfant verni, c’est le moins qu’on puisse en dire. Fils de Haakon De Glücksbourg, prince héritier du trône de Norvège, il n’a jamais connu que le faste et l’opulence profonde. Le monde s'étalant à ses pieds sans devoir endosser le poids d’une couronne, sa sœur jumelle l’ayant précédée le jour de leur arrivée en ce monde, écopant de cette responsabilité un brin empoisonnée. Ambre, c’était le nom de sa soeur, ou du moins le croyait-il. C’était ce que tout le monde pensait.
Oscar est l'enfant du milieu de sa fratrie. Sa soeur jumelle l'a précédé, le devançant de quelques minutes et sa petite soeur Cara est arrivée deux ans plus tard, complétant la famille. Oscar a toujours été un garçon assez facile à vivre. Elevé entouré de ses deux soeurs et de ses parents à Oslo qui n'est autre que sa ville natale, il s'est toujours illustré comme un garçon courtois, sûr de lui et intelligent. Ayant bénéficié d'une éducation très stricte, il a dut apprendre à filer droit et n'a jamais été source de problèmes ou d'inquiétudes, suivant la voie tracée pour lui sans broncher, y compris durant l'adolescence. Ses parents n'avaient rien à redire sur son comportement, n'ayant que très peu souvent besoin de le reprendre. Bien qu'éprouvant parfois une soif de liberté certaine et le désir criant de s'évanouir dans la nature pour une poignée d'heures, Oscar a toujours sut prendre sur lui, donnant une bonne image de sa personne tant à ses proches qu'au reste du monde. Aimant profondément ses parents, il a toujours eut conscience que ces derniers tâchaient avant tout de lui donner à lui et ses soeurs toutes les clés en main pour réussir. Cela, Oscar le leur rendait bien en ne les faisant pas tourner en bourrique, en ne les embarrassant jamais et en donnant un bon exemple à sa sœur cadette.
Malgré cette vie agréable et gorgée d'amour, Oscar a toujours senti un vide au fond de lui, un sentiment qu'il n'est jamais vraiment parvenu à s'expliquer. Il se sentait comme dépossédé de quelque chose et n'arrivait pas à mettre le doigt sur ce dont il s'agissait. Parfois, il ne pouvait s'empêcher de s'interroger. Seul dans sa chambre, allongé dans son lit bateau ancien, il se demandait si quelque chose ne clochait pas chez lui. Il cherchait en vain une raison à ce qu'il manque qu'il éprouvait. Comment pouvait-il éprouver un tel vide alors qu'il ne manquait véritablement de rien ? Il se faisait l'effet d'être enfant gâté. Un garçon privilégié qui trouvait encore le moyen de se sentir vide, dépossédé.
Très protecteur et complice avec sa petite sœur, il se sentait beaucoup moins à son aise avec sa sœur jumelle, ce qui n'était pas sans intriguer tout le monde, lui compris dans le dos. Les gens les regardaient, les jumeaux De Glücksbourg, l'attention tendant naturellement à se braquer sur eux. On décortiquait leurs mouvements, en quête d'une complicité marquée qu'ils n'avaient décemment pas. Ce n'est pas qu'Oscar n'aimait pas Ambre. Car il l'aimait,vraiment. Elle était sa sœur. Mais il a toujours eut le sentiment que quelque chose clochait entre eux. Alors qu'elle était sa jumelle, la seconde partie de son être, il ne se sentait pas une affinité particulière avec elle en dépit de l'affection qu'il lui portait. Cela a longuement perturbé Oscar quand bien même il tâchait de faire abstraction, de se convaincre qu'il se prenait la tête et que strictement rien ne clochait dans sa famille. Le doute restait malgré tout.
Lors qu’Ambre est tombé malade, il a ressenti un vif regain d'amour pour elle. Il avait seize ans alors et la perspective de perdre sa sœur le mortifiait purement et simplement. Il n'avait jamais aussi mal vécu la notoriété provoquée par son appartenance à la famille royale. Alors qu'il avait toujours sut gérer sa notoriété natale avec grâce et élégance, il supportait de plus en plus mal l'intervention des médias dans sa vie alors que l'état de santé d'Ambre déclinait. La sollicitude des gens l'irritaient plus qu'elle ne le réconfortait et tout ce à quoi il aspirait alors c'était se retrouver seul. Alors que son état de tension le rassurait presque quant au lien qui l'unissait à Ambre, sa jumelle, son monde vola soudain en éclat.
Une vérité qu'il avait toujours sut au fin fond de son cœur sans vouloir y croire. La réponse même à toutes les questions qui n'avaient de cesse de s'entrechoquer avec brutalité à l'intérieur de son crâne. Lorsque le verdict tomba, tonitruant, il en fut à la fois surpris et nullement étonné, blessé et rassuré. Ambre n'était pas sa sœur, pas au sens biologique du terme. Une erreur avait été commise à l'hôpital. Une infirmière distraite avait commis une erreur avec les bracelets de naissance, intervertissant celui d'Ambre et celui de Nova, la véritable sœur d'Oscar qu'il ne connaissait donc encore ni d'Eve ni d'Adam.
Oscar n'avait jamais fait part à ses parents de sa tourmente quant à son manque intérieur. Il était mortifié à l'époque à l'idée de blesser ses parents ou Ambre en leur expliquant qu'il se sentait incomplet, comme étranger à une partie de son propre corps. Il avait aujourd'hui une explication. Ce manque c'était elle, Nova. Une sœur qui lui avait été arrachée avant même qu'il n'ait le loisir de la connaître. Une nouvelle à la fois apaisante et dévastatrice.
Ambre décéda, emportée par la maladie et bien qu'elle ne soit pas sa sœur au sens biologique du terme, son décès ne fut guère plus facile pour autant à accepter. Car qu'elle aille se faire foutre, la biologie. Même s'il n'avait pas été aussi complice avec Ambre qu'il l'avait maintes fois espéré, même si elle n'était pas de son sang, elle n'en était pas moins sa sœur. Son décès laissa un nouveau vide en Oscar. Ambre était morte avant d'avoir vraiment vécu. Après l'avoir perdue, Oscar connu une période très difficile. Plus que jamais, il ne parvenait pas à fermer l’œil. A l'instar de sa petite sœur, ses parents le forçaient à avoir un suivi psychologique de sorte à l'aider à traverser tout cela, mais le mal-être d'Oscar persistait. Il passait toutes ses nuits seul dans l'obscurité de sa chambre, immobile dans son lit, les yeux fixés au plafond. Il s'interrogeait, inlassablement, trop pour parvenir à trouver le sommeil. Il pensait à Ambre, à ce qu'ils avaient vécus et à ce qu'ils ne vivraient jamais. Il pensait à sa véritable sœur. A sa jumelle qui n'était encore de bien des façons qu'une inconnue. Une fille qui partageait son ADN mais qui ne le connaissait pas et qu'il ne connaissait pas davantage. Il pensait au temps perdu. Il pensait au temps trop vite écoulé. Au temps. Seize années, c'était le temps qu'il avait fallu que pour la vérité soit enfin révélée.
Alors que ses parents déployaient leur influence pour retrouver la sœur perdue, Oscar sombrait peu à peu. Alors qu'il avait toujours été l'enfant parfait, le prince doré, le décès d'Ambre et la révélation qui en avait découlé avaient eut pour conséquence de le plonger dans une tourmente de laquelle il peinait à s'extirper. Ses parents en étaient très inquiets, ne reconnaissant pas le fils qu'ils avaient élevé, accentuant son suivi psychologique. La réputation d'Oscar se détériorait à grande vitesse alors. Lui qui s'était toujours très bien tenu, collant à merveille au rôle d'enfant chéri du pays, faisait désormais la une pour des frasques qu'on ne lui connaissait jusqu'alors pas. La clope au bec sur toutes les photos prises de lui, s'adonnant à des plaisirs dévastateurs pour noyer sa souffrance et son désarroi. La chute de l'enfant prodige qui n'en fut que plus spectaculaire car étant alors très médiatisée.
Rapidement, les recherches de ses parents portèrent leurs fruits et l'enfant perdu fut retrouvé. Oscar qui poursuivait sa petite phase d'auto-destruction en envoyant se faire foutre quasiment tout et tout le monde avait suivi de loin tout cela, la curiosité rongeant son cœur à l'idée de rencontrer enfin sa sœur jumelle biologique. Même en apprenant que cette dernière avait été retrouvé, son angoisse ne diminuait pas. Et si elle ne voulait pas nous rencontrer, me rencontrer ? S'interrogeait-il, le cœur au bord des lèvres et l'esprit embrumé. Peut-être qu'elle avait une super vie. C'était tout ce qu'il lui souhaitait d'ailleurs. Une vie incroyable qu'elle n'aurait aucune envie de voir ébranlée. Il l'aurait compris, Oscar. Car peut-être que ce vide avec lequel il vivait depuis tout petit n'était pas réciproque. Peut-être qu'elle était mieux sans lui et que pourrait-il bien y faire dans ce cas ? Personne ne pouvait la forcer à ré-intégrer sa véritable famille. Toutes ses inquiétudes se télescopaient en lui alors que les jours passaient.
Il tâchait de s'occuper l'esprit sans y parvenir. Quoi qu'il fasse ou dise, ses pensées finissaient fatalement par dévier sur son drame familial. Il avait rempli son dossier d'admission pour l'université d'Harvard et se sentait empli d'une impatience grandissante à l'idée de quitter le cadre qui l'avait vu grandir. Il s'imaginait un peu naïvement qu'il lui serait plus aisé d'aller de l'avant dans une nouvelle ville, sur les bancs de l'ancienne université de son père, au lieu de rester prisonnier de son passé dans le pays qui l'avait vu naître et auquel il demeurerait toujours rattaché. Ne doutant pas de son acceptation à Harvard (en dépit de ses récentes frasques, son parcours scolaire était pour le moins immaculé), il comptait véritablement les semaines qui le séparaient de ce nouveau chapitre.
Il était entré de se renseigner sur le site de l'université depuis le confort familier de sa chambre lorsque ses parents déboulèrent de sachant, le sommant de les suivre. Si ses rapports avec ses parents s'étaient nettement dégradés depuis sa petite descente aux enfers, Oscar alors âgé de dix-sept ans n'opposa pas de résistance, laissant son ordinateur en plan pour emboîter le pas à ses parents. Il se souvient du front plissé de son père ce jour-là et du regard légèrement vitreux de sa mère alors qu'elle grimpait dans la voiture, l'air un brin instable sur ses hauts talons.
Ils étaient bouleversés et Oscar eut tôt fait d'apprendre pourquoi : ils s'apprêtaient à débouler tous les trois dans une maison étrangère. Une maison où vivait une femme et sa fille. La mère d'Ambre et la fille et la sœur qui leur avait été enlevée par mégarde A cette idée, Oscar lui aussi se senti envahi par une tension son nom. En pénétrant dans la maison modeste, il alla s'installer en retrait alors qu'une conversation difficile s'établissait entre ses parents et la femme qui vivait là. Oscar n'avait de cesse de river discrètement son regard sur elle, empli de curiosité qu'il était. Il avait sous les yeux la mère d'Ambre. La véritable mère d'Ambre. Et effectivement, elle lui ressemblait. A sa vue, Oscar éprouva une douleur singulière au niveau du ventre. La vision de cette femme inconnue faisait naître des émotions contraires en lui. Si cette femme n'était rien de moins qu'une étrangère, il y avait aussi quelque chose de familier en elle, comme si Ambre elle-même était là, un sourire doux aux lèvres, sa longue chevelure blond pale flottant autour d'elle. Oscar avait le cœur serré lorsque la porte s'ouvrit enfin et qu'elle déboula dans la pièce.
A partir de là, il ne fut plus capable de détacher son regard d'elle quand bien même on lui avait enseigné dès l'enfance qu'il était impoli de fixer ainsi les gens. Il ne pouvait tout bonnement pas s'en empêcher. C'était un sentiment étrange, renversant qu'il n'avait jamais connu avec d'autres personnes, comme si quelqu'un avait appuyé sur un interrupteur niché entre ses organes. Pour la première fois depuis des semaines, depuis qu'Ambre était partie, il se sentait bien. Complet, entier. Plus qu'il ne l'avait jamais été. Car c'était elle, forcément. Ça ne pouvait décemment qu'être elle.
Nova qui n'était encore au courant de rien alors et qui s'apprêtait à voir les secrets de son passé exposés devant une poignée d'étrangers. Incapable de décoller son regard d'elle quand bien même elle était visiblement suffisamment mal-à-l'aise sans qu'il n'en rajoute, Oscar n'ouvrit quasiment pas la bouche ce jour-là. Ses lèvres demeurèrent scellées, toute son attention rivée sur sa sœur jumelle retrouvée. Il y avait quelque chose de presque irréelle dans cet instant, une crainte latente que Nova ne soit rien de moins qu'un mirage, une illusion. Et pourtant elle était réelle, indéniablement.