GRACE DIANA SOLIS ► ARIELA BARER

12 mai 1997, un rayon de soleil envahissait le hall de l'hôpital à New York où se trouvait ma mère. Luna Solis, alors âgée de 23 ans était sur le point de me donner la vie. Prématurée de 3 mois, les médecins avaient peur que je ne m'en sorte pas. Heureusement, je ne suis pas tombée entre les mains de n'importe qui mais d'une sage-femme plutôt réputée de l'hôpital. Après quelques semaines en couveuse, j'étais comme un bébé normal.
Je n'ai peut-être pas une très bonne relation avec ma mère mais s'il y a une chose dont je suis certaine, c'est qu'elle m'aime et m'a toujours aimée. Pourtant, je n'étais pas voulue.
Elle avait eu une affaire avec un homme marié et c'est de là que je suis née. Elle a fait quelque chose que tout le monde n'aurait pas fait: elle m'a toujours dit la vérité. Même quand j'étais petite et que ma mère s'est mariée avec Richard, elle m'a toujours expliqué que mon papa habitait à Boston et qu'il ne voulait pas me connaître. Un peu cru c'est vrai, mais on peut dire que ces mots m'ont forgés. J'avais 4 ans quand ma mère s'est mise avec Richard. Ma mère avait alors 27 ans et elle s'est mariée avec lui l'année d'après. Richard avait 41 ans. J'ai toujours vu que ma mère n'aimait pas mon beau-père. Elle était avec lui pour son argent et c'était flagrant. PDG d'une grande chaîne de casinos aux Etats-Unis, il avait toujours eu de l'argent. Beaucoup d'argent. C'est d'ailleurs pour le travail de mon beau père qu'on déménagea lorsque j'avais 6 ans au Texas. Le merveilleux état raciste du Texas. J'ai assisté à des choses là bas, des actes tellement adhérents et racistes que j'en ai fait un de mes combats aujourd'hui. Quand j'étais petite ma mère me répétait quand on n'était qu'à deux que si elle était avec Richard c'était pour mon bien mais j'ai très vite compris que c'était faux. Je bénéficiais beaucoup moins de l'argent de mon beau-père qu'elle. Elle passait, et passe encore, son temps à faire les boutiques et à s'acheter de nouvelles robes Dior et Prada pour aller avec les bijoux Chanel qu'il lui avait offert.
C'est pourquoi en grandissant j'ai commencé à m'éloigner d'elle. Petite j'étais très fusionnelle avec maman mais plus je vieillissais, plus je me rendais compte qu'elle n'était pas grand chose de plus qu'une croqueuse de diamant. C'était lors d'un séjour chez ma tante, la soeur aînée de ma mère, au Mexique que je compris vraiment. J'avais 11 ans quand j'entendis tante Paula discuter avec Mamie Alejandra de nous. Pourquoi est-ce qu'on invite encore Luna à la maison? demandait Paula. Elle ne fait que nous parler de sa Lamborgini, de sa bonne qui ne fait pas bien le ménage et des cadeaux que lui fait Richard. Elle se vante sans arrêt, je n'en peux plus. Ma grand mère posa sa main sur l'épaule de ma tante et hocha la tête. Je sais ma fille. Mais on doit résister pour Grace. Je veux voir ma petite fille grandir. C'est après avoir surpris cette conversation que j'ai commencé à faire attention à la manière dont maman se comportait avec les autres. Vantarde et imbue de sa personne, elle prenait sa famille mexicaine de haut et n'était gentille avec son mari que lorsqu'il lui promettait plus de cadeaux.
Richard, quant à lui, aimait maman et se pliait en quatre pour que ses désirs soient des ordres. Même moi, il m'élevait comme si j'étais sa fille. Il avait parfois tenté de me couvrir de cadeaux de luxe mais je refusais souvent, je ne voulais pas finir comme ma mère. Je ne veux toujours pas finir comme ma mère, d'ailleurs. Petite fille, j'étais joyeuse et souriante, sportive et j'avais des bonnes notes à l'école. Cela dura jusqu'au lycée. Adolescente, j'ai commencé à me renfermer sur moi même. J'avais toujours eu quelques kilos en trop, des bonnes joues et un ventre plutôt grassouillet.Mais cela n'a pas plu dans le monde impitoyable du lycée. Dès le deuxième jour, on me classa dans la clic des "intelos qui n'auront pas d'amis". J'ai hérité d'un surnom dont je me serais bien passée: "Graçouillette" un très beau jeu de mot entre mon prénom et le fait que j'étais grassouillette. Tout le monde m’appelait comme ça, et à la cantine je me sentais obligée de ne prendre qu'un seul dessert et très peu de sauce sinon les garçons populaires venaient m'expliquer que ce n'était pas en mangeant de cette manière que j'allais arranger mon cas.
Les trois premières années de lycée je les ai vécu de cette manière là. Sentir tout le monde me regarder à la cantine, quand je passais dans les couloirs, entendre des murmurs parlant de moi partout, des filles habillées en pom-pom girl me faisant des croches-pieds et gloussant quand je marchais devant elles... J'ai alors décidé de changer. De leur montrer qui j'étais et à qui ils avaient à faire. L'été entre la junior et la senior year, j'ai décidé de faire du sport. Du sport intense. J'ai alors perdu 18kg entre le mois de juin et celui d'octobre. Je ne m'étais pas arrêté de me surpasser, j'avais fais un régime, Richard m'avait engagé un coach sportif et une fois de retour au lycée, je n'étais plus la même. J'avais toujours quelques formes et j'ai conservé de belles joues et une jolie poitrine. Mais mon ventre, mes cuisses, mes bras et mon cou s'étaient affinés. Les gens continuaient de m'appeler "Graçouillette" mais je m'en fichais parce que je sentais maintenant de la jalousie dans leur voix quand je les entendais parler de moi. D'ailleurs, la situation avait tellement changée que je me suis mise à recevoir des vidéos et photos pornographiques de la part de garçons de mon lycée, je sentais des mains bien trop baladeuses dans les couloirs. Quand ça a commencé, j'ai recommencé à me sentir mal dans ma peau et et j'aurais presque voulu reprendre les dix huit kilos que j'avais perdu. Jusqu'au jour où je me suis emportée et j'ai giflé le garçon qui me plotait les fesses dans la file de la cantine. Après lui avoir donné cette claque, tout le monde autour de nous s'était tu car c'était un des garçon les plus appréciés de ma promo. Sauf que même lui ne répondit pas et baissa la tête. C'est à ce moment là que j'ai décidé de lever le menton et de continuer à faire ça toute ma vie. Faire taire les gens qui faisaient subir des injustices aux autres, manifester pour les bonnes causes. Pour le droit des femmes en particulier. Je peux dire que c'est à ce moment là que Grace Solis, celle que vous connaissez maintenant, est née.
Je me suis, en très peu de temps, prise de passion pour la politique. De fil en aiguille, et étant la belle fille de quelqu'un d'important, j'ai pu rencontrer des personnes des deux grands partis politiques des Etats-Unis. C'est tout naturellement que je me suis rapprochée de personnalités Démocrates, et j'ai même déjà rencontré Monsieur Barack Obama en suivant Richard dans leurs réunions au sein du parti. Quelqu'un de très généreux et je dois dire que je partage les mêmes idées et envies que lui. Très vite, il m'est venu une envie folle, un rêve que je chérie encore et dont je ne me cache pas trop: et si je devenais une personnalité politique importante, et si je devenais Présidente des Etats-Unis d’Amérique? Et si je faisais changer les choses? Bien sûr, je rêve d'une utopie sans aucune inégalité, plus de racisme, les femmes et les hommes au même niveau partout, plus de classe sociale dominante. Mais certaines choses on peut les changer: on peut faire de bons gestes pour l’environnement afin de diminuer les dégâts, on peut égaliser les salaires entre les hommes, les femmes, les noirs, les blancs. On peut faire plein de choses si on s'en donne les moyens.
Je veux m'en donner les moyens.