JOYA GARDNER ► jessica clements.

La pièce avait toujours été trop blanche aux yeux de Joya. Le cabinet avait essayé de rendre l'atmosphère moins terne avec des touches de couleurs ici et là, mais ça ne fonctionnait pas. C'était raté. Joya avait toujours cet impression d'être dans un hôpital et ça lui rappelait cette fois où elle y avait passée une bonne partie de sa journée. Assise sur cette chaise inconfortable, Joya essayait de se concentrer sur les mots inscrits sur les pages du livre. Jusqu'à ce que son regard se lève pour regarder l'homme qui venait d'ouvrir la porte et qui patientait. Joya avait conscience qu'il venait de prononcer son prénom. Ça devait bien faire cinq mois que c'était ainsi entre eux. Elle patientait. La porte s'ouvrait et il prononçait quatre lettres : Joya. Il ne l'appelait plus Mademoiselle Gardner parce qu'elle lui avait dit qu'elle détestait cela. Dans un soupir, Joya avait refermée son livre et elle s'était levée pour faire un changement de décor. Dans cette pièce derrière la porte, les couleurs n'étaient pas les mêmes, mais c'était toujours aussi ternes. Sauf que Joya était moins inconfortable entre ces quatre murs que dans la salle d'attente. « Comment allez-vous aujourd'hui, Joya ? » Lentement, Joya prenait place sur la chaise un peu plus confortable que l'autre.

Maman était belle. Trop belle. La plupart des regards se retournaient sur son passage. Maman était fille d'une bonne famille. D'une famille croyante et tous ses regards, maman les voyait gentils parce que maman était naïve. Un jour, elle a fait la rencontre de cet homme. Joseph Gardner. Un Américain. La première fois qu'elle rencontrait un Américain. Maman est tombée amoureuse de cet homme. Maman a mariée cet homme. Maman a fait deux enfants à cet homme. Joni et Joya. Elles étaient les deux princesses de maman. Et maman était la reine aux yeux étoilés de Joya. Joya aimait sa maman. Beaucoup. Plus que papa. À l'extérieur, la relation entre maman et papa étaient belles, elle faisait envier les gens autour d'elle. Sauf qu'à l'intérieur, c'était une toute autre histoire. Parce que papa n'était pas un homme gentil. Il était méchant. Vicieux. Impulsif. Violent. Il manipulait maman, jouait avec elle comme si elle était son pantin. Cinq ans d'un cercle vicieux ou la peur régnait. Papa faisait régner la peur dans sa famille. Mais les Gardner ? Ils étaient parfaits. Famille moyenne avec des parents qui pratiquaient des métiers honnêtes. Ce n'était qu'une façade. Parce que Joseph Gardner vivait dans la criminalité. Un vol ici et là. Puis, un jour, tout a cessé. Papa a été arrêté lors d'un vol. Il a été envoyé en prison. La famille ? Une disgrâce aux yeux des voisins. Les parents de maman ont cessés de lui adresser la parole. Il était hors de question qu'ils acceptent la femme d'un voleur dans leurs bras alors ils leur ont tournés le dos. Pendant un an, les camarades de Joya l'ont agacés, la faisant pleurer et pourtant, Joya voyait toujours le bien chez les gens. Elle ne voulait pas croire qu'il était possible d'être aussi méchant à un jeune âge. Pendant un an, elle a subit les moqueries de ses camarades de classes jusqu'au jour où elle est arrivée à la maison et les valises étaient préparés. Ils s'envolaient pour les États-Unis. Pour une nouvelle vie. Pas n'importe où aux États-Unis. New York. La Grosse Pomme. La ville des rêveurs. La ville où les gens vont rêver et où les rêves meurent lentement. C'était une nouvelle vie. Dans une promesse muette, maman, Joni et Joya se sont promis de ne plus prononcer le nom Joseph. Certes, elles conservaient le nom de famille, mais ça détonnait moins dans une ville américaine. Maman a commencé par enchaîner les boulots avant de trouver un emploi stade. Maman n'a jamais retrouvé l'amour. Joni a disparue pour aller étudier à Harvard tandis que Joya était restée auprès de maman à New York. Acceptée à NYU, Joya a entamé des études en astrophysique parce que l'univers l'intéressait. Joya a toujours eu les yeux pleins d'étoiles. La galaxie avait toujours intéressé Joya. Suite aux agressions et à la prise d'otages d'Harvard dont sa grande sœur était témoin, Joya a décidé d'appliquer à Harvard afin d'être auprès de Joni. Et un jour en 2017, elle est rentrée chez sa sœur pour la retrouver, morte dans sa baignoire. Sa sœur s'était enlevée la vie. Mais cela n'a pas changé la décision de Joya. Elle était inscrite à Harvard et avec sa mère, elles avaient déménagées à Boston pour être auprès de Joni. Sa mère ne s'est jamais remis d'avoir perdu un enfant et dissimule sa peine sous l'alcool. Joya consulte. Elle parle beaucoup. Reste toujours très évasive ou alors, elle croule sous les bonnes actions pour oublier sa peine. Ou alors, elle regarde les étoiles pour être transportée loin pendant quelques minutes. Et encore, ce n'est que lorsque cela fonctionne. Maintenant, Joya oublie dans les bras des inconnus qui louent ses services pour quelques heures. Elle oublie en les faisant oublier. Elle va bien, Joya.

« Je vais bien. Et vous comment allez-vous ? » Cette fois, Joya était sincère. Elle allait un peu mieux que la veille. Comme elle irait toujours mieux demain. Un jour à la fois comme il lui avait dit et Joya avait répliquée que c'était sa mère qui devrait consulter. Un jour à la fois. La vie n'était pas parfaite et elle ne le serait jamais.