TIMOTEI MANSFIELD ► chace crawford

Le bruit de cette pluie battante qui venait s'écraser contre les vitres de cette chambre d'hôpital était totalement masqué par les cris du nouveau né. La mère avait souffert, elle avait poussé, elle avait crié, elle avait tout donné pour que la vie lui donne ce fils en retour. La pâleur et la froideur de ses murs d'un blanc pale n'y pouvait rien, aujourd'hui, la famille Mansfield était la plus heureuse de toutes, cela pouvait se lire sur leurs visages. La jeune femme relâchait l'étreinte sur la main de son mari. Elle l'avait serré si fort pendant l'accouchement qu'il n'avait désormais plus aucune sensation avec mais, il s'en foutait. Il avait un fils, un petit garçon qu'il allait aimer de tout son cœur, de tout son être. La peur et la douleur de la mise au monde avait fait place au soulagement et à l'enthousiasme. La vie allait lentement reprendre son cours, ou plutôt donner à cette famille un nouveau départ. Sur la longue et sinueuse route qu'était la vie, c'était un virage à cent quatre-vingts degrés qu'il allait falloir négocier. Une nouvelle arrivée dans le foyer et toutes les habitudes, tout le quotidien allait se retrouver bouleversé. Mais c'était un défi qu'ils étaient prêts à relever, ils avaient toujours aimé les challenges et celui-ci était probablement le plus beau que la vie pouvait leur offrir. Vivant avec passion, avec amour, ils étaient persuadés que ce bébé était la seule chose qui leur manquait pour être pleinement heureux. Un souffle d'air chaud, quelques larmes, un baiser sur son front plissé. Il était là, bien vivant, blottit dans ses bras, ne demandant qu'une seule chose. Vivre. Vivre une vie que ses parents espéraient bien remplie, que ce soit d'aventures ou même de joie. Alors, bien sûr ça n'allait sûrement pas être facile tous les jours, cela faisait une bouche de plus à nourrir dans le foyer, mais les parents Mansfield s'étaient jurés de faire tout ce qu'ils pouvaient pour rendre cet enfant heureux. Isaiah, le père, était chef de police. Il était d'ailleurs encore plus heureux que cet enfant soit un garçon, cela lui ferait quelqu'un pour reprendre la relève il serait trop vieux du moins c'est ce qu'il espérait au fond de son cœur. Svetlana, la mère, travaillait comme vendeuse dans un magasin de prêt-à-porter. Les revenus de la famille étaient modestes, ils en avaient bien conscience, mais pour eux, l'amour valait bien plus que toute forme de richesse, un enfant élevé dans l'amour ne pouvait qu'être heureux et c'est comme ça qu'ils comptaient élever leur fils, fils qu'ils avaient décidé de prénommer Timoteï Finn.


« Ça pue le traquenard. » Ça était l'affaire que d'une journée. Cet espace désert manquait de repère sur les cartes et les radars et on les avait collés tous les deux à une exploration brève savoir si ce coin était occupé par un groupe d'opposants potentiellement dangereux. Le camp était à quelques kilomètres d'ici, dans un territoire sain et sauf, prêt à recevoir leurs informations. James, arnaché comme un âne, scrutait les alentours, installé dans le coffre d'une jeep à coffre ouvert. Son crâne rasé était abrité du soleil agressif au zénith par un bandana kaki et ses deux mains tenaient fermement une arme de pointe au cas où la situation deviendrait critique. À cause de la luminosité, il était obligé de plisser les yeux pour espérer voir à quelques mètres devant lui mais, jusqu'alors seuls des kilomètres de sable brûlant s'étendaient à perte de vue. « Tais-toi, James, tu vas nous filer la poisse. » Au volant, Timoteï, un homme à la carrure moins puissante mais, plus grand de taille, fixait la route rocailleuse devant lui afin d'éviter le plus de turbulence possible. Sa barbe naissante, signe qu'il n'avait pas vu un rasoir depuis plusieurs jours lui donnaient un air sacrément sérieux mais, son collègue savait que ce n'était qu'une façade illusoire loin de la réalité. D'ailleurs, ce dernier risqua un bref coup d'œil distrait pour se pencher sur le conducteur et taper son épaule de son poing fermé. Il le connaissait par cœur depuis des décennies et le titiller un peu alors, qu'il conduisait était la première des plaisanteries à faire. « C'est toi, Timoteï avec ta tête de terroriste qui va nous porter la gui ... » Une explosion virulente souleva soudain l'arrière du véhicule et projeta leurs passagers ainsi que la carcasse de l'automobile plusieurs mètres plus loin. Il fallut plusieurs minutes à Timoteï pour reprendre conscience, la tête dans le sable. Des sifflements aigus et étouffants résonnaient à ses oreilles, l'ouïe altérée sous le choc de l'explosion et des cris lointains dans une langue étrangère lui parvenaient difficilement. C'était un guet-apens qu'ils venaient de subir, la réalité douloureuse lui frappa brusquement comme le mal de crâne qui tambourinait contre ses tempes. « James, ils arrivent ... » Encore allongé sur le sol mouvant, il chercha si toutefois une arme en état était à portée de main. Il n'en avait pris qu'une chacun, une telle attaque n'avait pu se prévoir. Pourtant, il ne trouva rien n'apercevant non loin de lui que la carcasse de ferraille qui brûlait lentement, le véhicule était fichu et la radio qui allait avec. Extirpant le talkie-walkie qui était dans la poche latérale de son pantalon kaki, le soldat tenta de lancer un appel d'urgence sans même vérifier qu'on pouvait le recevoir. Il n'y avait pas de temps à perdre d'autant plus que les cris se rapprochaient, signe affolant que les ennemis avaient été prévenus. « James ? » Un gémissement affreux s'éleva. Timoteï tourna la tête et le spectacle d'horreur qui s'exposait devant lui manqua de lui donner la nausée. Son ami était effondré sur le dos, le visage ensanglanté et tout son flanc droit était transpercé par un débris qui avait dû venir se ficher là durant la déflagration. Sans attendre, il rampa rapidement vers lui puis le hissa contre lui tout en plaquant sa main sur la plaie béante dans l'espoir de juguler l'hémorragie. Il fallait se cacher maintenant, si les autres les trouvaient dans un tel état inoffensif, il donnait peu cher de leur peau. L'homme distingua difficilement une grosse roche à l'état sauvage qui s'était recourbée sur elle-même, offrant un léger interstice entre elle et le sable. Les secours n'allaient pas tarder, il priait le ciel que son appel ait été entendu. Réunissant toutes ses forces, il s'employa à traîner James jusqu'à l'abri de fortune. Il gardait une main appliquée sur la chair ouverte pour ne pas laisser de trace de sang derrière eux. On n'était jamais plus trahi que par soi-même. Quand il fut arrivé, Timoteï dut creuser plusieurs secondes à vive allure pour que tous les deux puissent être dissimulés. Se glissant sous la roche brute qui faisait des accrocs sur ses vêtements à chaque mouvement, il finit par attirer son ami contre lui. Les paroles incompréhensibles qui sonnaient comme des ordres étaient de plus en plus audibles et Timoteï se maudissait alors, de ne pas avoir appris la langue du pays où on les avait envoyés. Les avaient-ils trouvés ? Se retenant presque de respirer, il fut cependant obligé de plaquer son autre main sur la bouche de James pour empêcher son agonie d'être trop bruyante. Ses lèvres étaient glaciales et les tremblements qui agitaient son corps depuis peu ne présageaient que le pire. La perspective des prochaines minutes fut trop violente pour Timoteï qui avait tant de peine à maîtriser ses émotions. Sa nervosité et son impuissance se traduisaient à son tour par des frissons de peur. Il avait peur pour son ami de toujours, peur pour le garçon avec qui il avait grandi. Des larmes affluaient à ses paupières sans avoir le cran de s'en échapper. Une main froide comme la mort se posa alors sur la sienne, tandis que les yeux vitreux de James se levaient jusqu'au regard bleu humide du soldat. Ils s'étaient compris en un regard et l'évidence fut trop insoutenable pour le soldat Mansfield qui serrait la mâchoire pour ne pas crier de rage. Dans un élan de désespoir, il le serra un peu plus contre lui comme si sa propre chaleur corporelle suffirait à le faire survivre. Ça ne devait être qu'une mission de reconnaissance, simplement une routine ... Comme s'il sentait qu'on allait bientôt les découvrir et les achever comme des chiens, Timoteï ferma les yeux et attendait la sentence. Un jet d'un liquide chaud rencontra bientôt sa paume qui maintenait toujours James silencieux, signal que l'hémorragie s'étendait fatalement. Bientôt l'étreinte du blessé sur sa main s'affaiblit puis lâcha complètement. Timoteï ne sut pas combien de temps ils restèrent là, avec des ennemis juste au-dessus de leur tête. Quelques secondes, minutes, heures, il l'ignorait. Sans doute s'était-il évanoui au moment même où son meilleur ami quittait ce monde, succombant à ses blessures. À son réveil, il ne fut capable que de pousser un hurlement. Au moment même où il avait failli à sa tâche principale : protéger les siens ...

Deux mois que James Ackerley est mort, deux mois de cauchemar incessant pour le jeune sergent Mansfield. Aujourd'hui Timoteï avait rendez-vous dans le bureau de l'État-Major de l'armée US, un rendez-vous qui n'annonçait rien de bon d'après le jeune homme. « Sergent Timoteï Finn Mansfield, j'estime que vous n'êtes pas apte à reprendre du service. Les médecins et psychologues ont estimé que votre deuil était encore trop douloureux pour que vous soyez efficaces sur le terrain. Vous n'êtes pas opérationnel, vous ne pourrez pas remplir vos fonctions correctement. - Si j'en suis capable, ne me renvoyez pas chez moi, ne me laissez pas rentrer comme un vulgaire chien puni, je suis capable, je suis un Mansfield. »


Un autre jour, un autre enfer quotidien. C'était un peu ça le quotidien de Timoteï; se réveiller encore un peu éméché de la veille, prendre une bonne douche, passer au gymnase pour son sport quotidien, s'empiffrer une tonne de bouffe devant ses séries préférées, jouer à des jeux vidéo débiles qui le décompresse, rejoindre ses amis ... et ça recommençait le lendemain. Ces soirées où du moins ses nuits, il ne les passait guère paisiblement. Depuis qu'il est arrivé à Cambridge, le jeune homme à complètement changer et, même son meilleur ami Siam l'avait remarqué. Timoteï avait totalement changé, commissaire de police dans la section anti-gang. On peut bien dire que la vie de Timoteï a changé du tout au tout. Niveau caractère, celui-ci à littéralement changer également. Solitaire comme pas deux, dragueur sur tout ce qui bouge. Blonde, brune, rousse, belle, moche tout y passer sans moindre scrupule. Timoteï parlait méchamment aux autres qui osaient lui poser une question où même lui dire un simple bonjour. Le jeune homme était devenu une vraie peste, c'est le cas de le dire.