ZELDA C. CLOVER ► Cailin Russo

Un. T’as été conçue à l’arrière d’une Fiat Punto, même pas sur la banquette arrière, non non, à l’arrière, genre ta génitrice avec le cul sur le coffre de la caisse, qu’était même pas la sienne au passage, avec le string dans une flaque d’eau. Elle s’est rendue compte qu’elle était enceinte au bout de trois mois seulement, pensant être malade. Tu n’as jamais su pourquoi elle a décidé d’te garder alors qu’elle n’était qu’une pute camée, et que le fric gagné elle l’a échangé contre d’la drogue.

Deux. Tu n’as jamais connu le mec qui a sauté ta mère, alors qu’ils étaient plus ou moins ensemble, mais dès qu’il a su qu’elle était en cloque, il a vite fait de prendre ses jambes à son cou, ses couilles avec et n’a plus jamais donné d’signe de vie. D’un côté tant mieux, mais le souci c’est que tu as vite été orpheline, à ta naissance même, puisque ta camée de génitrice a clamsé en te donnant naissance. Une junkie voilà ce qu’elle était.

Trois. Ton nom et prénom, c’est ta grand-mère maternelle qui te les as donnés lorsqu’elle a appris que sa bonne à rien de fille avait accouché d’une petite fille. C’est elle qui t’as prise sous son aile, enfin qui du coup t’as adoptée, parce que pour elle il était hors de question que tu vives en orphelinat jusqu’à qu’une autre famille daigne t’adopter.

Quatre. Tu as été éduquée à la dure, tu t’es vite rendue compte que ta grand-mère avait un business plutôt suspect, elle recevait beaucoup d’gens chez elle pendant que tu allais à l’école, pas des personnes que l’on a l’habitude de fréquenter pour boire du thé et manger des petits biscuits, mais plus du genre gros bras, mafieux et costumes cravates noirs. Beaucoup trop petite pour comprendre l’ampleur de cette organisation, tu faisais comme s’il ne se passait rien sous le toit de ta grand-mère, alors que tu te doutais qu’un jour elle te mettrait au parfum.

Cinq. Seize ans. Seize ans et c’est le soir de ton anniversaire que ta mémé a choisi d’enfin te mettre au parfum, qu’un jour tu reprendrais son business puisque tu avais son sang qui coulait dans tes veines, c’qui tu dois l’avouer t’as tout de suite attiré. Ta grand-mère était en quelque sorte ton modèle de vie, ton héroïne (sans mauvais jeu de mot sur la drogue), alors tu as tout fait pour qu’elle gagne ta confiance sur ce terrain.

Six. Tu as terminé le lycée en ayant en tête de viser Harvard, tout comme l’avait fait ta grand-mère, simplement âgée de 50 ans puisqu’elle a eu sa fille très tôt, et étant riche elle a facilement payé ton entrée à Harvard. De tes 19 à 23 ans tu as fait des études en biochimie et cristallographie pour reprendre ensuite le business de ta grand-mère, c’est-à-dire la fabrication de meth et la revendre dans Boston pour les grands consommateurs. Illégalement bien évidemment, alors qu’à côté tu as étudié la pâtisserie en plus de tes cours à Harvard pour ouvrir un commerce de cupcakes en ville, ce qui facilite la livraison pour les gros clients.

Sept. La fin. Enfin, pas pour toi, mais pour ta grand-mère, qui a perdu la vie à cause d’un foutu cancer qu’elle avait décidé de ne pas combattre et dont elle ne t’en avait jamais parlé. Mais elle a laissé derrière elle son empire, son héritage que tu as touché alors que tu n’y étais pas prête. Une lettre, concernant son empire, te priant d’en prendre la relève, ce qui a fait que tu aies été obligée de quitter Harvard. Aujourd’hui tu vis toujours à Boston, dans le loft de ta grand-mère.