BASILE MULLIEZ ► raphaël spezzotto-simacourbe

Skies is falling, Paris walking.
Je suis né et j'ai grandi à Paris, ville lumière, symbole de romantisme et de luxe. Ça, c'est ce que vous diront les touristes japonais, accrochés à leurs appareils photo devant le grand amas de fer. Moi, je l'aimais pour tout ce qu'elle était et surtout pour tout ce qu'elle n'était pas, pour tout ce qu'on ne voyait pas dans les reportages. J'aimais son obscurité, son silence, ses pavés, ses ruelles mal éclairées, ses murs tagués, son insolence et plus que tout, sa liberté. Je me souviens, avec Marin, un des nombreux soirs où on refaisait le monde autour d'une pizza et de quelques bières, on en était venu à cette évidence : Paris était comme nous. Tout le monde pensait connaître ses secrets, tout le monde vantait son charme, mais personne ne la connaissait vraiment tel qu'elle était.
Je faisais partie de la jeunesse dorée, alliant débauche et vie de rêve où s’enchaînaient les galas de charité, les soirées mondaines et autres privilèges factices. Tout n'était que faux-semblant, nécessitant de sourire en toutes circonstances. Les apparences, toujours les apparences. Je n'ai jamais manqué de rien, j'ai toujours eu tout ce que je souhaitais avoir et même bien au-delà, c'est l'avantage d'être un héritier de l'Empire Mulliez. Bien qu'en ayant baigné dans les liasses de billets depuis le berceau, mes parents n'ont pas pour autant laissé de côté leur rôle, ils m'ont offert une éducation exemplaire, des valeurs et des principes solides qui ont contribué à faire de moi l'homme déterminé, loyal et assuré que je suis aujourd'hui. On ne manquait ni d'argent ni de bienveillance. D'amour ? Peut-être. On ne parlait pas de ces choses-là, très pudiques sur nos sentiments, la fierté était aussi un héritage familial. Les apparences vous disais-je...
Ah, Paris. Je l'ai quitté à l'aube de mes dix-huit ans pour suivre seul mon aventure sur le sol Américain. Harvard. Loin des cuisses de grenouilles, des vendeurs à la sauvette, du métro et de la Défense. Peu importe, Paris mon amour, je te retrouverai un jour.  


I've never had to pretend, You’ve always known who I am.
Aussi loin que je me souvienne, Marin a toujours fait parti de ma vie. Nos parents étaient des amis de longue date, gratin parisien oblige. Lui et moi avions le même âge et je crois que tout a commencé sur les bancs d'une école privée, par un sourire en coin aux commissures de nos lèvres, celui qui signifiait que nous n'allions pas tarder à faire une connerie en douce. Je crois que nous avons toujours ce foutu signal. Avec le temps, nous sommes devenus inséparables, l'un n'allait pas sans l'autre. Nous étions comme des frères. Nous avons été mutuellement à la fois les spectateurs et les acteurs de nos meilleurs comme nos pires souvenirs. Marin. Le gars au prénom le plus pourri qui soit, mais qui avait tout de même tout le monde à sa botte. Nous faisions partie de l'Elite. Des belles gueules. Des "mecs à avoir", mais aussi des sacrés petits cons. Je connaissais sa famille aussi bien qu'il connaissait la mienne, ensemble, nous avons fait les 400 coups et notre loyauté l'un pour l'autre n'a aucune limite. Je crois qu'il est l'une des seules personnes -si ce n'est la seule- en qui j'ai une confiance aveugle et qui me connaît réellement, qui sait tout de mes côtés sombres comme de mes meilleures facettes et réciproquement. A dix-huit ans, c'est ensemble qu'on abandonné la capitale Française pour fouler les couloirs d'Harvard. Une aventure de plus, des souvenirs à ajouter. Définitivement, ce mec fait partie de l'histoire. Marin, t'es peut-être pas sur un navire en train de jouer au gentil soldat, mais assurément, t'es mon putain de frère d'arme.

Alone with the wolves and now it seems, I thought I was part of you.
Je me souviens avec exactitude du jour où j'ai vu Louve pour la première fois comme une fille, genre une vraie fille et non plus comme la petite sœur lourdingue de mon meilleur ami. Comme très souvent, j'attendais adossé contre le mur en pierres de leur immense baraque, les mains enfoncées dans les poches de mon jean's à 500 euros. A vos souhaits. Elle avait ouvert la porte, comme elle l'avait pourtant si souvent fait, mais ce jour-là j'ai sentis ma respiration se couper. Une mèche de ses cheveux blonds tombait sur ses yeux clairs, elle n'était pas maquillée mais ses joues avaient légèrement rosies quand mon regard s'est posé sur le sien. Elle portait un sweat trop grand pour elle, certainement celui de Marin et un leggings qui laissait deviner ses formes exquises. Louve. Je me souvenais de son regard d'amoureuse transie quand elle était gamine, de ses gloussements qui se voulaient discrets quand je venais à les croiser, elle et sa bande de copines idiotes. J'avais avalé ma salive avec difficulté et marmonné que je voulais voir Marin. Elle avait haussé les épaules sans rien ajouter, comme si ça tombait sous le sens et avait disparue dans l'entrebâillement de leur porte d'entrée. Je suis resté planté là, comme un con pendant quelques minutes jusqu'à l'arrivée de Marin. Bien sûr, je ne lui en avais pas parlé. C'était sa petite sœur et les mecs ont des codes d'honneur; celui de ne pas se taper la frangine de l'autre en est un. Mais, c'était trop tard. J'étais transpercé par un sentiment qui ne me quitterait jamais plus. Louve venait de marquer mon âme, comme ça, sans un mot, en une fraction de seconde, en ouvrant une foutue porte. Elle venait de planter une minuscule graine dans mon pauvre esprit torturé qui ne cesserait jamais de grandir. Je suis incapable de vous dire le prénom des trois dernières filles qui sont passées sous mes draps, mais je peux assurément vous dire que le jour où Louve a ouvert sa porte d'entrée était un jeudi.


Life is worth living, So live another day.
Aujourd'hui, je cours inévitablement vers mes vingt-cinq balais. J'entame ma septième année sur le campus, je connais les recoins d'Harvard comme le point G de ta copine. Je suis toujours plein aux as. Marin est toujours mon frère d'arme. Je couche toujours avec des tas de filles dont j'ignore les prénoms pendant qu'elles crient le mien. Elles connaissent toujours mon répondeur par cœur. Louve est toujours Louve. Je la déteste toujours autant que j'ai besoin d'elle. Je suis toujours un connard. Et surtout, je vous emmerde toujours autant. A très vite.

Basile, l'épique.