BETHANY ►Gabriella Wilde

Ma très chère Allie,

Quel bonheur d'ouvrir ma boîte aux lettres ce matin et d'y découvrir cette belle enveloppe rose qui m'y attendait. Je t'avouerai que je n'ai pas attendu de rentrer chez moi et de m'assoir pour l'ouvrir, car j'ai tout de suite reconnue ton écriture sur le devant. Et je l'ai dévoré. J'ai dévoré ton quotidien, tes secrets, tes anecdotes et tes péripéties. Cela faisait bien trop longtemps que nous nous étions écrit, j'avais énormément d'épisodes de ta vie à rattraper, et j'avoue que j'en suis en grande partie responsable. Je me souviens encore comme si c'était hier, de la promesse que nous nous étions faites, lors d'un de nos nombreux repas de famille, cachées sous la table de la cuisine alors que les adultes prenaient le thé dans le salon... Nous écrire manuscritement tout ce qu'il se passait dans nos vies. Ne jamais briser le cercle des envois et reçus de la poste, entre nos deux petits cœurs d'enfants. Nous adorions écrire déjà à cet âge là, et c'était une si belle idée d'aller à l'encontre du développement de la technologie et des correspondances instantanées. Et puis étant donné les moyens de nos parents respectifs, je crois bien que nos lettres nous parvenaient plus rapidement que nos textos avec nos portables loin d'être du dernier cris hahaha !
Enfin bon, plus sérieusement, nous n'avions pas à nous plaindre. Quand je vois à présent ce que c'est de tenir un appartement, un budget, la vie quotidienne, je réalise que même si nous ne roulions pas sur l'or, notre famille pouvait être fière de se donner les moyens de vivre correctement. A la sueur de nombreux efforts, nous n'étions pas à plaindre. Et si tu te rappelle bien, nos repas de familles que nous aimions tant, étaient toujours bien plus que copieux. Après, quel est le plus important... Nous étions aimées, choyées, protégées... Comme tu l'es à présent avec ton fiancé; et c'est sans doute ce qu'il y a de plus important pour garder la tête bien haute.

Je suis ravie de lire que tu te portes bien. Je suis désolée si maman t"as alarmé par mon récent passage chez le médecin... Elle ne devait même pas savoir que j'y été allée. Je suis tombée, rien de plus... Tout va pour le mieux, ici, à Cambridge. Je m'épanouie de plus en plus dans la mode, et la danse m'aide à évacuer un certain stress lié aux examens. Je vais doucement mais surement sur la fin de mon master, et suis ravie de ce que j'y apprends, je n'ai jamais été aussi motivée. De ce fait, je passe peu de temps avec Cameron, qui me le reproche de temps en temps... Mais comme nous vivons ensemble, c'est quand même soutenable.
Tu me dis te sentir évoluer dans ton entreprise, murir et grandir; tant mieux. C''est enrichissant de prendre en maturité, tout en conservant ce que nous avons de mieux en nous. Pour ma part, je ne change pas tellement; tu reconnaitrais la douce Beth que tu as laissé ici quelques années auparavant ! Je pense toujours autant à toi devant La Petite Sirène et je fond toujours autant devant les glaces multicolores. Une joie de vivre qui ne me quitte pas. Je suis heureuse, tu sais. Encore plus quand je visite papa et maman, mais je suis heureuse.

J'espère te voir au plus vite, Allie. Peut-être pendant les prochaines vacances scolaires. Si Cameron en a envie, nous viendrons te voir au soleil !
Je t'embrasse,
Ta cousine, Beth.

Je reposais le stylo plume sur le bureau, à côté de la feuille que je venais de remplir d'une écriture douce, délicate, sans bavure. Fermant les paupières et soufflant presque imperceptiblement, j'attendais une réaction de la part de Cameron, une main musclée posée sur mon épaule. Il ne disait rien, terminant probablement la lecture de ce que je venais de rédiger. Je réalisais alors à quel point je vivais un enfer. L'homme que j'aimais éperdument me faisait peur. Il me faisait peur, et me couvrait de honte tant mes bras pouvaient se retrouver couverts de bleus certains jours. Je me retrouvais à mentir à ma cousine, la plus chère de mes confidentes, sous la pression d'une simple main sur mon épaule. J'avais peur. Je n'étais pas heureuse. Je mentais. A tout le monde. Sauf peut-être à Teddy, ce nouvel ami que je m'étais fait malgré moi. Je n'étais pas heureuse et j'étais loin d'être toujours la douce et joviale Beth. Non, le reflet que je renvoyais n'était plus que l'ombre d'une joie de vivre ancienne, une méfiance maladive et une confiance en soi similaire à un grain de semoule. Cela faisait au moins trois mois que je n'avais plus regardé un dessin animé, mis le pieds dans un magasin de jouets. J'avais peur. Et je ne savais plus quoi faire pour tendre vers un bonheur si lointain, si mystérieux.