keep bleeding - cece.

Plus rien allait. Ce soir, Elyes était seul dans ce studio. Pour un mec qui avait vécu de longs mois avec quatre autres mecs, il avait eu ce besoin vital de se retrouver seul, complètement seul. Cette solitude était à la fois un besoin, tout comme elle était une horrible souffrance ces dernières semaines. Depuis cet été il n’avait cessé d’encaisser les galères, les chocs, si bien que le bel Elyes avec la lueur taquine et joviale dans les yeux n’était plus. Il n’avait eu le regard aussi vide, le sourire aussi absent. La veille il avait appris le décès de Rhia. Et là ça en était trop. Il n’avait même pas eu le temps de relever la tête suite à la perte de son meilleur ami qu’il refaisait face à la mort, une nouvelle fois. Ce soir son cœur saignait, autant qu’il pleurait. Son cœur pleurait pour ses yeux qui n’avaient plus de larmes. Ce soir, il était en pleine remise en question. Qu’avait-il donc fait pour mériter ça ? Putain, il était pourtant un bon garçon, tellement bon il n’arrivait pas à apprivoiser cette peine, cette douleur beaucoup trop forte pour lui. Qu’avait-il donc fait ? Pourquoi se sentait-il puni ainsi ? Et pire, ce soir, pour la première fois de sa vie il en arrivait à se demander si la mort ne lui devait une visite. Oui après tout, pourquoi pas lui, aussi. A ce moment-là, il avait tout essayé. Heureux étaient les éméchés qui d’une bouteille d’alcool parvenaient à s’évader. Lui, n’y arrivait pas. Affalé au fond de sa chaise de bureau, torse nu parsemé d’une centaine de grains de beauté, pieds nus, pantalon déboutonné, il essayait de se remémorer les traits de la belle brune, et de les dessiner de son crayon fin, verre de whisky à la main, avec pour seul éclairage, celui même de sa rue. Elle avait un visage de poupée, te souviens-tu ? Jamais il n’avait si peu apprécié un verre de whisky, pourtant c’était la meilleure compagnie.

Elle soupira, glissa une main dans ses mèches brunes et tourna une nouvelle fois la tête vers le bout du couloir, ses lèvres se pinçant désespérément l'une contre l'autre. Il n'était peut-être même pas chez lui, c'était vraiment stupide de débarquer de cette façon mais, comme à chaque fois, Cece n'en faisait qu'à sa tête. Elle glissa à nouveau ses doigts autour de la lanière de son sac, fouilla à l'intérieur pour en sortir son téléphone dont l'écran demeurait vide de message et elle n'aurait pas su exactement expliquer ce qu'elle ressentait de voir que Elyes ignorait ses appels. Elle avait la désagréable impression – cette sensation déroutante remontant le long de son dos, parcourant son échine et dans le cœur de perdre un ami, – qu'il ne souhaitait simplement plus la voir, ni même entendre parler d'elle mais qu'il n'osait tout simplement pas le lui dire en face. Elle se risqua à s'approcher de la porte du studio, hésita quelques secondes avant de lever son bras, son poing cognant contre le bois de la porte. Elle leva furtivement les yeux au ciel, repositionna correctement son bonnet de père noël sur la tête comme pour apporter un air de gaité à son ami et le sortir de sa bulle particulièrement morose. Il était sûrement cloitrer chez lui depuis des jours, avait-il seulement fêté Noël, fait quelque chose avec de la famille ou des amis pour le Réveillon, elle l'ignorait, l'absence de réponse à ses messages avait fini par l'irriter en plus de l'inquiéter. Cette impuissance lui vrillait le cœur, paralysait ses muscles alors qu'elle tapait un dernier petit coup contre la porte, incapable de s'en aller sans l'avoir vu ou au moins avoir obtenu une explication à son silence. Il était en deuil, il avait sans doute, tout autant besoin de compagnie que de solitude, elle avait respecté ça pendant des jours. Et alors que son regard se promenait sur le numéro inscrit sur la porte, elle hésita à faire demi tour, le laisser en paix, lui accorder encore du temps, il reviendrait de lui-même. Ou alors il s'était enfoncé dans son deuil. Elle jeta encore un coup d'œil en biais à son téléphone dans sa main, releva la tête avec l'espoir qu'il apparaisse soudainement à ses côtés. De nouveau elle s'approcha, avec douceur, sa bouche à quelques centimètres de la porte, pour que sa voix porte plus loin si Elyes se trouvait à l'autre bout du studio. « Elyes ? C'est Cece. Ouvre la porte. »