Don't believe her (Reagan)

Il avait fallu que les résultats de son enquête tombent à la veille des fêtes de fin d'années. Deirdre déplorait cette ambiance mièvre et dégoulinante de belles intentions. Voilà maintenant plus de quinze ans qu'elle passe ces fêtes seule, et on ne peut pas dire qu'avant elles étaient débordantes d'affection. Sa mère était plutôt du genre distante et froide. Alors quand on lui avait annoncé l'identité possible de son père et de celle d'une demi-soeur qui comme par hasard était étudiante également sur la campus, la Brune n'avait pas pu y croire. Elle connaissait cette Reagan de vue car elles étudiaient la même discipline, mais partager son sang avec cette blonde angélique lui semblait tout bonnement impossible. Reagan c'était la fille aussi gentille qu'insignifiante, la Demoiselle parfaite qu'on aime adopter pour amie et dans ses draps pour une soirée tendre et romantique. Sûrement pas une âme noire et égarée comme elle. L'innocence contre la dépravation. Du moins, c'est ce dont Deirdre était persuadée. Adoptant là ses traits les plus psychopathiques, la Brune se retrouvait donc à suivre la Musicienne partout où elle allait. Elle voulait lui parler mais s'en trouvait parfaitement incapable. Là où habituellement sa langue était perfide et pertinente, elle se retrouvait bêtement muette et tapie derrière les murs et autres buissons. C'était le comble du stupide et elle se maudissait d'adopter une attitude de la sorte, sans doute pas digne d'une femme comme elle. Au départ, la jeune fille de l'Ohio n'y avait sans doute vu que du feu et Deirdre avait observé une compère à la vie aussi normale que désespérément plate. Mais ce petit jeu ne durerait sans doute pas encore bien longtemps et la Chasseresse se retrouvera bientôt prise à son propre filet.

Je suppose que les arbres sont à remercier. Probablement les murs, les buissons et les groupes d'étudiants. Ceux-là même qui s'arrêtent en plein milieu d'un trottoir, bouchant toute la circulation piétonne. Ils m'étaient utile, pour une fois. Ça faisait maintenant un moment que j'avais remarqué cette fille, qui me suivait. Littéralement, elle me suivait. On croise pas le regard de la même personne plus de trois fois sur le campus, surtout quelqu'un qu'on ne connaissait pas. Quelqu'un qui partage ni ma classe, ni des cours en commun, ni des amis. Je ne savais pas d'où elle sortait et qui c'était, mais elle me suivait. Au début, j'ai eu peur. Et encore, quand je dis au début, c'est quand je l'ai remarquée, parce que je sais pas réellement depuis combien de temps elle joue à ça. Des jours ? des semaines ? peut-être plus ? Je ne pourrais même pas dire pourquoi, je me souviens pas avoir fait quelque chose de mal ou avoir le droit à un bizutage. J'avais réussi à la perdre, merci les arbres, les murs, les buissons et tous les étudiants plantés dehors par un temps pareil. C'était maintenant à mon tour d'avoir les yeux sur elle, de l'observer, de l'approcher, sur la pointe des pieds, discrètement. C'était pas vraiment moi, tout ça. Moi, je suis la fille qui fuit, qui pleure, qui s'enferme et qui attends que la douleur passe. Celle qui ne sort de chez elle qu'après quelques mois, une fois qu'on pense la menace terminée. Je ne suis pas celle qui affronte, celle qui tape dans le tas, celle qui se bat. Sauf aujourd'hui, pas de chance pour toi. Mes pas se rapproche, ma main tapote l'épaule, et c'est en croisant son regard que je l'ai reconnue. Je l'ai déjà vue, à un cours ou deux je crois ? Mais on partage pas la même année. L'impro la plus totale, mais pas totalement douce non plus. "Tu m'cherchais, non ?" Je suis là maintenant, juste en face. Plus besoin de te cacher derrière mon dos à une distance qui semble suffisante. Il n'y a pas de sourire, pas de crainte non plus, juste de l’interrogation. "J'peux faire quelque chose pour toi ?" écoute la gentillesse qui dissimule tant bien que mal l’incompréhension.

@DEIRDRE M. WHEELAN je l'attendais celui là

La voilà repérée alors qu'elle se pense à l'abri. L'Angelot la suprend dans le méandre de ses noires pensées. Prise au piège, la Brune sursaute. Elle songe à s'enfuir, à répondre par le mépris, mais ni l'une ni l'autre n'est dupe. Et surtout l'écho bleuté de la Jolie Blonde ébranle ses plus basses certitudes. Une incandescence familière émane de ses iris. « C'est bien toi Reagan Gallagher ? » demande-t-elle abruptement sans se démonter tandis que de toute sa stature elle observe. Elle s'impose dans le décor de l'étudiante, s'invite dans sa vie sans même demander l'autorisation et ne s'en excuse pas. Attendant que la Blonde réponde par l'affirmative, elle enchaîne aussitôt. « Je voudrais que tu me parles de ton père. » Ouais comme ça, l'air de rien, sans donner plus d'explications. Elle pourra toujours répondre par une parade habile si besoin mais elle ne perd rien à tenter les choses de façon directe. Elle a bien envie de voir ce qu'elle a dans le ventre la jolie Blonde.

« C'est bien toi Reagan Gallagher ? » les sourcils se froncent, l'incompréhension arrive à grands pas. Je hoche la tête comme simple réponse, préférant observer la suite pour le moment. « Je voudrais que tu me parles de ton père. » rigole de façon nerveuse, d'un coup. ça sort d'où, cette question ? "Il s'appelle Jim et il adore la country." pas sûre que ça t'aide. Je ne sais même pas si j'ai envie de savoir pour quelles raisons elle a envie de savoir en fait. Mon père c'est juste un type qui a passé l'âge de.. faire autre chose qu'aimer ma mère et finir de bosser jusqu'à sa retraite, c'est tout. "Pourquoi ?" La curiosité est quand même plus forte, et je cède rapidement. Non pas que les informations que j'ai offerte soient forcément importantes mais pourquoi elle s'intéresse à mon père, c'est ça la question.

Forcément, elle ne comprend pas. Les filles comme Deirdre ne parlent habituellement pas aux filles comme Reagan. Sauf que là y'a un enjeu de taille qui réside un peu dans leur sang. Le clair contre l'obscur présente a priori plus de similitudes qu'on aurait pu le croire. Ce sont les sourcils bruns qui se froncent à leur tour quand elle lui fait sa réponse. « La country, y'a pas un truc encore plus ringard ? » Un pdg d'une multinationale qui aime la Country, c'est vraiment détestable. Ce n'est pas possible, son père ne pouvait être lui. Mais un autre détail l'agace, la titille, hormis son prénom ridicule et ses goûts douteux en matière de musique. Elle ignore la deuxième question de la Blonde pour poser une nouvelle interrogation. « Tu dis s'appelle ? Il n'est pas mort ton père ? Cet été ? » Voilà, ça doit être une erreur, sûrement. On lui a bien dit que son père à elle était mort. A moins que.... A moins que, son secret ait été découvert et qu'il n'ait plus aucune raison de payer. La Brune sent son rythme cardiaque s'accélérer, ça ne peut pas être ça. Non, c'est impossible.

C'est bizarre d'être abordé par rapport à mon père, en général c'est plutôt à cause de mon frère, mais comme quoi, tous les hommes de cette famille ont l'air d'être des hommes d'intérêts.  « La country, y'a pas un truc encore plus ringard ? » Hausse les épaules, "C'est un père." comme si ça expliquait tout. Je passe les détails mais il a acheté une maison au Tennessee, pas loin de Nashville. Petite, pour les vacances en général mais c'est déjà une maison de trop. Certains font ça à Miami, mon père non, il vise Nashville. « Tu dis s'appelle ? Il n'est pas mort ton père ? Cet été ? » je fronce les sourcils, le sourire jaune. "Okay c'était drôle mais là ça devient trop bizarre." et j'ai des trucs à faire, j'ai pas que ça à faire de perdre mon temps avec elle. Elle me suivait, elle s'intéresse à mon père, elle dit qu'il est mort... ça fait beaucoup trop en cinq minutes. La blonde redevient sérieuse, plus inquiète pour sa vie maintenant, la vie future, "Arrête de me suivre où j'appellerai la police." les traits deviennent sévères, "Je sais à quoi tu ressemble et je connais ton nom." ça risque d'être simple. Bon je me souviens que de ton prénom, mais quelques demandes ici et là à quelques camarades et j'ai toutes les pièces du puzzle. Polie, quand même, "Bonne journée." le sourire qui l'accompagne n'en n'est pas moins faux, mais les pas qui s'éloignent et qui se pressent montre que la confiance que j'avais en moi s'évapore plus vite que ce qu'elle devrait.

Elle passait pour une folle. C'était peut-être vrai d'ailleurs. Deirdre a le sentiment de perdre la raison à mesure qu'elle découvre la vérité. Tout ce qu'elle croyait savoir est faux. Son possible père n'est pas mort, il est en vie. Et c'est elle qui est menacée par un appel à la police. « Attends ! » lui dit-elle en courant légèrement pour la rattraper. « Je voulais pas te faire flipper, excuse si j'ai l'air bizarre, mais je le suis tout le temps en fait, faudra t'habituer. » Sous-entendu, tu n'es pas prête de te débarrasser de moi. « Je cherche à entrer en contact avec ton père, et appeler la police ne fera que me faciliter les choses en fait. » Et peut-être devrais-t-elle lui dire la vérité avant de chercher à nouer avec lui, parce que sa vie à elle serait impactée aussi. Pour dire, Deirdre espère sincèrement se tromper sur la situation, mais les éléments de l'enquête étaient formels, son père se nommait Gallagher et Reagan était sa fille légitime.

Elle était folle cette fille, clairement. « Attends ! » non, non, non, c'est pas possible. Confiance : zéro. Plus rien ne reste, seulement une Reagan un peu perdue, un peu mal à l'aise, aussi. Si j'ai peur ? Un peu.  C'est pas comme si cette fille sortait de nulle part pour me demander des trucs sur mon père.« Je voulais pas te faire flipper, excuse si j'ai l'air bizarre, mais je le suis tout le temps en fait, faudra t'habituer. » fronce les sourcils, "M'habituer ?" tu te prends pour qui ? Tu vas me suivre encore longtemps ? Est-ce que c'était une menace ? « Je cherche à entrer en contact avec ton père, et appeler la police ne fera que me faciliter les choses en fait. » la regarde, sans réellement comprendre, "D'accord, et en quoi c'est mon problème ?" j'ai vraiment pas envie d'être dans des histoires qui me concernent pas, surtout quand j'ai rien à voir dedans. Regarde la brune avec plus de détails, secouant la tête. "Ecoute.." soupire tristement, "Débarques pas chez eux.. Ma mère a déjà assez souffert de l'infidélité de mon père et j'ai pas envie que ça se produise encore.." elle a pas une vie facile, papa a été infidèle, je ne saurais dire combien de fois, peut-être même déjà trop pour qu'une femme mariée puisse le supporter, son fils était un psychopathe et moi je cherche à fuir. Ne lui ajoute pas une peine en plus. "Si mon père t'a promis des trucs en couchant avec toi, fais juste une croix dessus. C'est pas un homme fiable, tu perds juste ton temps." Oui, j'aime mon père plus que tout, mais parfois il exagère.

 

Deirdre ne comprend pas pourquoi elle est là à s'expliquer de la sorte. La raison lui dicte de fuir tant qu'il est encore temps. Mais la Brune semble entêtée et s'enfonce dans son explication pourtant encore brumeuse. L'Angélique ne comprend rien, et Deirdre n'en est pas vraiment étonnée. D'une parce que ce qu'elle raconte est un brin compliqué et inédit et de deux parce que la jeune femme en face d'elle semble être d'une naïveté déconcertante. « Je ne vais pas débarquer chez eux non, je vais directement envoyer un avocat. » Pour réclamer son dû, sa part du gâteau, c'était la meilleure chose à faire. Elle ne pouvait pas continuer à se produire de la sorte au Nirvana jusqu'à la fin des temps. Elle voulait retrouver sa prestance d'antan et se draper définitivement dans un orgueil légitime lui. Et Deirdre soudain s'étonne de rire. Coucher avec lui ? « Je fais des choses étranges et répréhensibles mais je n'irai carrément pas jusqu'à coucher avec mon géniteur. » Le regard se fait plus brillant et appuyé tandis qu'elle observe les traits purs de la jolie Poupée s'effriter progressivement. Va-t-elle la croire ou non ? S'effondrer, se mettre en colère ? Le suspens est entier et pour peu Deirdre s'amuserait un peu si elle n'était pas l'actrice principale de ce pathétique feuilleton.

« Je ne vais pas débarquer chez eux non, je vais directement envoyer un avocat. » Je rigole nerveusement. Elle peut faire ce qu'elle veut, nos avocats sont bien plus impresionnants que tout ceux qu'elle peut envoyer. On s'est sorti de situation plus compliqué que tout ce que tu peux nous amener, et c'est triste à dire mais nous ne sommes plus à ça près. "Fais donc ça." mais laisse moi tranquille, vis ta vie, envoie ce que tu veux à qui tu veux mais arrête d'être cette fille qui me suit partout. J'ai déjà assez donné avec les psychopathes. « Je fais des choses étranges et répréhensibles mais je n'irai carrément pas jusqu'à coucher avec mon géniteur. » Les yeux se relèvent d'un coup, j'ai mal compris ? Mal entendu ? Les sourcils se froncent, "Ton quoi ?" J'en ai pas envie, j'en veux pas. Ne répète pas, c'est inutile, j'y crois pas de toute façon. On a à peine un an d'écart, c'est impossible. Mon père aurait été assez malin pour se protéger ou pour faire en sorte que sa mère avorte. Prends une respiration, puis une seconde, "J'apprécie ton.. désir à vouloir être reliée à ma famille." il y a des fous partout, après tout. Même Harvard a son lot, "mais pour faire ce genre de truc, t'as besoin de preuve, tu peux pas juste te pointer et prétendre que t'es... issue de mon père." souris, un peu nerveuse, maintenant, "faire des tests ADN, au moins." le strict minimum. "Tu cherches à faire quoi au juste, en venant me dire ça ?" ajoute un poids sur les épaules, c'est pas comme si ma vie n'était pas déjà assez compliqué comme ça.