girl power (alaska)

Allez je décide de sortir aujourd'hui, de prendre l'air, de ne pas rester enfermée seule ici. C'est chouette chez Gabano mais il n'est pas souvent là, et cet appartement est trop grand pour moi toute seule. J'ai regardé un peu ce qu'il y a avait à manger dans le frigo et pas grand chose en fait. J'ai des envies comme ça, depuis que je suis enceinte. Une envie de prendre la voiture et d'acheter pleins de chocolats. Oh oui je vais faire ça. Je me permets donc de prendre sa voiture et je roule à fond de balle jusqu'au supermarché le plus proche. Dans les rayons, je fais vite le tour, je remplis le cadi de bonbons et de crasses, essentiellement en fait. Je fais la file à la caisse, c'est mon tour, hop je paye et je souhaite une bonne soirée à la caissière qui me dit au revoir. Je me rends compte que sans la charette, je galère un peu à tout porter et je me dis que je vais devoir faire quelques allez-retours. Vous rigolez mais avec quelques kilos en plus, je suis plus si sportive que ça.

Ne jamais oublier les bananes. C'était la règle d'or quand ton bébé commençait à manger tout seul comme un grand. En l'occurrence, ma fille Lilou ne jurait que par la banane depuis qu'elle se débrouillait comme une cheffe. Me voilà à la sortie du travaille, garée devant l'un des supermarchés de la ville à courir dans le rayon fruits et légumes. Une fois le Graal dans les mains, j'allais à la caisse, attendant simplement que mon tour arrive. Juste à mes côtés, je reconnais la jeune femme enceinte. Willa est une amie de Wolfgang, je l'ai rencontré lors du bal de Thanksgiving. Elle a l'air en grosse galère avec ses courses et je ne peux m'empêcher de la regarder. « Besoin d'aide ? » que je lui demande en payant la caissière. J'avais moi aussi galéré plus d'une fois quand j'avais un gros ventre handicapant.

C'est pas douloureux d'être enceinte. C'est juste inconfortable. Je peux pas me déplacer comme je veux, ni ramasser un truc à terre sans risquer de me casser la gueule. Avant j'étais souple maintenant je suis juste une mamie du troisième âge qui ne peut plus s'étendre sans grimacer. Je galérais avec mes courses et comme par hasard, on m'envoya un ange gardien du nom d'Alaska. Je souris et je lui donne un sac gentiment.  « Oui merci, juste m'aider à les portes jusqu'à la voiture. » je prends le sac le moins lourd, j'espère qu'elle comprendra, et je la conduis jusqu'à la voiture de Gabano que j'ai emprunté. Je lui ai même pas demandé, j'espère qu'il me tuera pas. Pas tant que j'évite d'y faire une griffe. J'ouvre le coffre et j'invite Alaska à déposer le tout. « Merci encore, c'est vraiment adorable de ta part. » je reste plantée là après avoir refermée le coffre. Elle ne bouge pas non plus. Gabano m'a parlé d'elle, apparemment, elle lui a fait quelque chose de grave et ils ne sont plus amis. J'hésite à aborder le sujet mais je me dis que ce ne sont pas mes affaires. Mais d'un côté, je peux pas m'empêcher d'avoir envie de connaître sa version, surtout que je suis plutôt du côté solidarité féminine alors si Alaska veut m'expliquer ce qu'elle a fait, je lui laisse sa chance plutôt que d'avoir un jugement tout fait.

Quand on est enceinte, il y a des choses qui deviennent chiantes à faire ; les courses, par exemple. Juste devant moi, à la caisse, il y avait Willa avec deux gros sacs remplit de cochonneries. Ouais, quand tu es enceinte, il ne faut surtout pas manger pour deux, par contre, c'est inévitable par moment si tu suis tes envies. Tout en payant mes quelques bananes pour miss Lilou, je lui proposais mon aide pour porter ses courses. « Oui merci, juste m'aider à les portes jusqu'à la voiture. » Un sourire et j'attrapais le sac qu'elle me tendait. Je la suivais à l’extérieur et j'attendais qu'elle ouvre le coffre de sa voiture de luxe pour poser le sac à l’intérieur, en prenant bien soin de garder mes bananes pour moi. « Merci encore, c'est vraiment adorable de ta part. » - « De rien » que je dis simplement, petit sourire aux lèvres et en ajustant mon sac à main sur mon épaule. Un silence se forme, aucune de nous deux n'a l'air de vouloir tourner les talons. Seulement, je ne sais pas quoi lui raconter. Je regarde autour de moi et mes yeux s'arrêtent sur la voiture qu'il me semble avoir déjà vu. « L'une des voitures de Wolf ? » que je lui demande alors.

Alléluia une âme charitable est venue m'aider. Je sais pas comment j'aurais fait sans elle, surement des allers retours ridicule. Mais c'est tout moi ça, je décide d'acheter un truc et je ressors avec le magasin entier. La dernière fois que j'ai vu Alaska ce fut au bal il me semble mais on a pas eu trop l'occasion de parler. Je ne suis pas étonnée de l'entendre me parler de Gabano. Comme lui m'a aussi vaguement parlé d'elle. Je sais qu'elle lui a pris de l'argent mais ce ne sont pas mes oignons et même si Gab est un ami proche, je prends le parti de personne. Je prends rarement le parti de quelqu'un de toute façon. Rester neutre vous sauvera la vie je vous jure. « Oui, si tu pouvais éviter de lui dire que je l'ai piquée sans son autorisation. » dis-je d'une voix plus basse comme si je savais qu'il était au-dessus de ma tête en train de me surveiller. « Ça va mieux avec lui ? » oui mieux, car je suis au courant de ce qui s'est passé et je sais qu'une fois que mon ami est trahi, c'est le chemin du Mordor pour qu'il te pardonne.

J'aidais Willa à s'en sortir avec ses courses, les posant dans son coffre en prenant soin de ne pas oublier mes propres achats. Jamais je n'aurais cru que les bananes seraient aussi précieuses dans ma vie, je vous assure. Finalement, nous nous regardions. C'était le petit moment gênant où tu n'oses pas partir et où tu ne sais pas quoi dire pour alimenter la conversation. C'est sur la voiture sportive et luxueuse que mon regard s'arrêtait enfin. Cette voiture appartenait à Wolfgang, j'en étais certaine. Je l'avais vu de mes propre yeux dans son parking, à côté des autres. Je me permettais de faire la remarque parce que je savais très bien qu'elle vivait avec lui. « Oui, si tu pouvais éviter de lui dire que je l'ai piquée sans son autorisation. » Je me mettais à rire, amusée. C'était pour cela qu'il nous appréciait tant, non ? C'était parce qu'on en faisait qu'à notre tête et qu'il pouvait combler notre fragilité ? « Je ne dirais rien.. » Et en même temps, il ne me parlait plus donc il y avait assez peu de risque pour que ça arrive. « Ça va mieux avec lui ? » J'haussais les sourcils, plutôt surprise par sa question. wtf. « Il t'a parlé de moi ? » demandais-je alors précipitamment comme si elle était mon dernier espoir.

Je sais pas si je fais bien de parler de Gabano. D'habitude je joue pas les entremetteuses, les balances ou quoi que ce soit qui ne me regarde pas. Mais il est contrarié, même s'il me le dit pas, je le vois. Et ça me tue en fait, il est pas du tout du genre à se prendre la tête, surtout pas avec une fille. Je sais pas ce qu'il lui trouve à Alaska mais ça me ferait plaisir qu'ils soient ensemble ces deux-là. J'hoche la tête sur le côté et je fais une petite grimace, l'air de dire ' j'en ai trop dis '. « Disons que je l'ai forcé à parler de toi. » ouais, c'est pas venu de lui spontanément. Je passe une main dans mes cheveux et j'enchaîne. « Je ne sais pas ce qu'il se passe entre vous et je sais pas si je veux le savoir mais tu l'as beaucoup blessé. » pour cette histoire de trahison dont j'y comprends rien. Je sais que ça l'a foutu en rogne et il boude assez facilement.

« Disons que je l'ai forcé à parler de toi. » - « Oh... » Je crois que l'on pouvait voir l'effondrement dans mon regard. Si seulement il avait pu parler de moi de lui-même... Mais bon, nous parlions de Gabano, il ne fallait pas pousser non plus. « Je ne sais pas ce qu'il se passe entre vous et je sais pas si je veux le savoir mais tu l'as beaucoup blessé. » Je mordais ma lèvre histoire de calmer la douleur dans ma gorge. J'avais les boules, clairement. Il me manquait et je m'accrochais réellement pour qu'il me pardonne. « Des personnes m'ont fait un chantage dégueulasse. Je devais lui voler de l'argent si je ne voulais pas qu'il arrive quelque chose de grave à mon meilleur ami » que je disais, mais pas trop fort. « Je comprends qu'il m'en veuille, mais je ne pouvais pas faire autrement... Depuis, je m'accroche... » lui confiais-je dans un haussement d'épaules.

Après tout, moi je ne connais pas l'origine de leur histoire. Ce qui a bien pu se passer pour qu'il lui en veuille. Alaska est si gentille, un peu fofolle mais je préfère ça qu'aux gens ordinaires. Je fais un faible sourire alors qu'elle m'explique le chantage qu'elle a eu. Ma meilleure amie aussi a eu ça pour me protéger. Alors je peux comprendre. On peut sacrément faire des conneries quand on a un gros pouvoir sur nous. « Est-ce qu'il est au moins au courant ? » peut-être que cette question va lui paraître banale mais parfois, il suffit juste de dire les choses et de laisser le temps au temps. « Donc il t'a tapé dans l'oeil alors. » alala je suis vraiment la plus douée du monde pour mettre les gens mal à l'aise. Mais quoi ? Je veux que mon grand frère se trouve une meuf ouais. Ça le rendra peut-être un peu plus gentil.

J'expliquais la situation à Willa. Il allait me comprendre elle. Elle avait été kidnappé et elle devait savoir que quelqu'un avait fait quelque chose pour elle, non ? lors je lui parlais du problème majeur de ma relation avec Gabano, mais pas trop fort pour pas qu'une oreille malveillante nous entende. « Est-ce qu'il est au moins au courant ? » - « Oui, j'ai expliqué la situation aussitôt après. Il m'a laissé repartir avec son argent le temps que ça se calme, mais il m'en veut terriblement. » Son argent à Wolfgang, c'était sacré. Je devais surement m'estimer heureuse d'être toujours sur mes deux jambes, à pouvoir faire des courses pour ma fille. « Donc il t'a tapé dans l'oeil alors. » - « Oui » que je répondais aussitôt sans pour autant être rassurée. Il m'avait tapé dans l’œil, c'était le mot.