CHLOE E. MENDES ► Romee Strijd

Divorce. Tout était merveilleux. La famille Mendes était réunie en banlieue de Seattle, des parents aimants et des frères fabuleux, un voisinage tranquille et un chien, Gypsy. Une vie qui semblait tout à fait normal, sans accrocs. Néanmoins, une faille se formait, annonçant un tremblement de terre violent. La famille y survivra-t-elle ? Spoiler : Non. En effet, qui aurait-pu croire que sa mère, femme appréciée, aimante et douce finirait par faire imploser cette union idéale ? Personne. Non, personne n'a compris, personne n'a eu d'explications. Les seuls mots que sa mère, sa génitrice, la femme qui était censée la guider dans ce monde, leur laissa furent de qualifier ses enfants de ratés, de vermines qui lui avaient ruiné sa vie. Chloé et ses frères ne furent pas les seuls à subir cet assaut verbal douloureux, son père aussi les a subi. Cependant, lui ne pouvait pas pleurer, se laisser aller. Il a dû garder la tête hors de l'eau, trois enfants dépendaient de lui, la mère ayant fuit ses responsabilités. Le pire fut lors de la procédure de divorce, elle n'a voulut la garde d'aucun de ces enfants. Ces derniers la répugnaient, elle ne voulait pas s'encombrer de ces êtres innocents qu'elle avait conçus de son plein gré. Chloé n'a plus de mère depuis ses huit ans. Comment se construire avec la perte de son modèle féminin, de sa mère ? Elle n'a jamais eu d'explication, elle en a cherché. La seule chose qu'elle sait : sa mère est retourné en France, s'est marié et a eu une fille. Déchirement.

Les trois piliers. Les trois hommes de sa vie, les premiers et indétrônables. Sa famille nucléaire est ce qu'elle a de plus précieux, elle les aime plus que tout, ils ont toujours été présent. Ils l'ont soutenu dans les pire moment, l'ont forgé et toujours poussé vers le haut. Son père, elle ne sait pas quoi dire pour qualifier sa reconnaissance et son admiration. Il représente le seul parent qu'elle n'ait jamais eu, celui qui l'a supporté dans toutes ses phases. Cet homme lui a aussi transmis un nom et avec ce nom, des valeurs qu'elle défend comme un précieux trésor. Jamais elle n'ira contre ces dernières qui représente un socle pour elle. Ensuite, il y a ses deux frères, Romain et Noah. Chloé est à la fois exaspéré et amusé par ces deux-là. Ils forment une fratrie soudée, elle n'a jamais été mise à l'écart car elle était la seule fille, au contraire, ils l'ont toujours respecté comme une égale. Toujours unis peu importe la situation, bonne ou mauvaise, grave ou ridicule. S'ils décident d'arpenter les rues nus, elle se joindra à eux. Idem s'il s'agit d'un braquage d'une épicerie pour un butin de quelques dollars. Elle les aime ces abrutis. Les liens du sang sont irremplaçables. Soutien.

Origines. Chloé est française. Ses deux prénoms la trahissent peut-être un peu et elle tient à leur bonne prononciation. Ces origines lui viennent de sa mère, absente. Elle n'a pourtant jamais voulut renier ses racines, bien qu'elles lui ont été attribuée par cette femme. Et puis, son père a toujours aimé l'Europe et en particulier la France, il ne s'est pas marié à une Française pour rien. Elle ne voulait pas effacer cette partie de son histoire mais au contraire, la souligner. Chloé veut montrer à sa mère qu'elle ne peut pas l'effacer, qu'elle ne le pourra jamais et qu'elle est inscrite dans cette famille. Elle connait sa famille maternelle et a continué à les voir, ces derniers n'ont jamais compris la réaction de sa mère, personne n'y arrive. Paris. Que dire de cette ville ? Elle l'aime, sans doute parce qu'elle n'y vit pas mais elle apprécie cet amour quelques peu cliché. Elle aimait laisser son imagination vagabonder, l'amenant à y construire son avenir là-bas, un seul problème vint noircir le tableau : grossesse. Chamboulement.

Abus de confiance. Ivy, voilà son nom. Son amie d'enfance, elle était tout pour elle. Elles étaient inséparables, elles ont grandis dans la même ville, fréquentés les mêmes institutions et les mêmes groupes d'amis. Jamais elle n'aurait pu présager les actes de cette jeune fille, paraissant si douce et inoffensive. En réalité, cette femme était l'antithèse de la fille qu'elle avait connue. Quelque chose l'avait peut-être transformé, un événement traumatisant, elle ne savait pas. La vérité. Cette atroce vérité que Chloé supporte constamment, comme un boulet. C'était ce viol, ce viol commis un soir de novembre, elle s'était ouverte à la belle brune aux cheveux bouclés, elle lui avait annoncé son secret : elle était attirée par les femmes autant que par les hommes. Elle n'arrivait pas à l'assumer à l'époque, elle a donc pensé que cette amie pourrait l'aider. Elle devait en parler, se délester d'un poids. Alors, oui, elle lui avait souri. Oui, elle l'avait mis en confiance. Et oui, elle l'avait embrassé. Oui, Chloé avait apprécié. Mais elle n'avait que quatorze ans, jamais elle ne se serait doutée de l’enchaînement des événements, elle n'en voulait pas, elle n'était pas prête non plus. Chloé n'a pas tout de suite réagis, elle l'a laissé parcourir son corps, est-ce un crime ou une invitation ? Elle ne savait pas, elle était perdue, elle aurait peut-être dû agir, oui. Néanmoins, elle a fini par réagir, dire non et tenter de repousser cette amie qu'elle aimait tellement. Mais c'était fini, elle était prise au piège. Sa virginité, son âme, ses sentiments et son corps ne lui appartenait plus. Elle venait d'être dépossédé de ses attributs primaires, ils appartenaient à Ivy et son sourire terrifiant. Ce moment fut douloureux, physiquement, certes mais aussi psychiquement, émotionnellement. Plus qu'ne virginité volée. Elle venait de perdre son épaule, son binôme, cette âme qu'elle croyait pure. Chloé venait de rentrer dans le monde adulte, un monde sombre où chaque individu est une proie pour un autre. Elle a pleuré, supplié son amie qui ne pouvait pas totalement avoir disparue. Toutefois, elle ne connaissait pas cette personne mais son image car rien n'avait fait reculer cette personne. Cette dernière savait ce qu'elle faisait, l'impact de ses actes mais cela ne l'atteignait pas, elle voulait son corps, elle voulait voler la dignité de cette pauvre jeune fille. Elle a réussi. En effet, Chloé se répugnait, c'était le seul sentiment qui lui venait à l'esprit en pensant à elle-même : du dégoût. Son être venait d'être morcelé, chaque parcelle de son corps arraché. Elle était comme marquée, marquée d'un sceau de honte, d’opprobre. Qu'était-elle désormais ? Une vie détruite, marginale. Elle ne faisait plus partie de cette société et de son regard pesant, glaçant et implacable. Non, elle ne se sentait pas victime mais coupable. Coupable ne n'avoir rien fait, d'avoir fait confiance, d'avoir aimé. Non, cette société ne l'a pas aidé, elle a porté ce crime comme un fardeau, un secret inavouable. Oui,la première chose qui lui est venu en tête : les femmes sont des victimes, les hommes des bourreaux. Mais ce n'était pas son cas. Comment s'identifier quand les femmes sont perpétuellement mise dans une position de victime face aux hommes, leurs oppresseurs ? Non, son agresseur n'était pas un homme mais une femme. Et une femme ne pouvait pas être coupable, seulement victime. Voilà l'état dans lequel elle était. Elle ne savait pas. Ce n'était pas possible qu'Ivy soit coupable, Chloé avait été ambiguë, lui avait montré des signes. Ce n'était pas possible autrement. Alors que si, les femmes sont des êtres humains et peuvent faire du mal. Mais elle n'avait pas cette information en main à l'époque. Gâchis.

Délivrance. Valentin. Que dire de lui. Cet homme avait été un cadeau pour elle. Il l'a aidé sans même être au courant des problématiques de Chloé. Il avait été présent du début à la fin de leur relation. Il était français et fils d'expatriés. Ils se sont donc assez rapidement rapproché grâce à cette langue commune. Seul problème, ils avaient tous les deux dix-sept ans, il voulait partir étudier en France, elle étudier à Harvard. Leur relation était comptée et ils le savaient. Cela ne les a pas empêchés de se rapprocher, de tomber amoureux, d'un amour sincère. Ils ont passé leur dernière année ensemble, constamment, il avait un pouvoir sur elle. Ce n'était pas un rapport de force ou de domination, mais elle se sentait à l'aise avec lui, ses problèmes n'étaient plus insurmontables, son humeur positive. Elle ne savait pas pourquoi, c'était intriguant. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle devait rester avec lui, il l'aidait. Par quel moyen ? Elle n'en avait aucune idée. C'était son premier amour mais aussi sa première fois. Elle y tenait. Ivy lui avait peut-être théoriquement volé sa virginité, mais elle refusait de la comptabiliser dans ces relations. Elle ne savait pas d'où lui venait cette détermination, cette envie de se détacher de cette femme, lui sans doute. Elle aurait voulu rester avec lui pour l'éternité. Malheureusement, leur chemin allait se séparer, aucun des deux ne voulait voir l'autre abandonner son rêve et ils étaient opposés. Toutefois, ils se sont promis de se retrouver une fois que leur relation pourra être durable. Ils ne savent pas quand ni si elle verra le jour mais les anneaux improvisés qu'ils ont conçus la rend réelle et plausible. Chloé ne s'en sépare jamais. Elle ne se freine pas mais elle y reste extrêmement attaché, prétextant que c'est un "souvenir d'enfance". Souvenir d'un amour auquel elle a renoncé.

Retour du passé. Une venue imprévue, totalement non calculée et qui avait bouleversé tous les plans de la belle blonde. Il était revenu. Valentin avait à nouveau débarqué dans sa vie, le temps de deux petites semaines, le temps de foutre en l'air toute sa vie. Il était revenu aux états-unis pour voir sa famille, faisant un détour pour aller voir Chloé. Pour tenter quelque chose ? Elle n'en savait rien. La seule chose dont elle se souvenait, c'était ce visage, apparu sans prévenir, sans envoyer un message. Ils s'étaient perdus de vue, ignorant tout de l'autre durant ces quelques années d'absence. Il n'avait pris aucune nouvelle, elle non plus. Par peur, par gêne, par habitude qui avait fini par s'installer. Quelle aurait été leur relation ? Amoureux l'un de l'autre mais sur des continents différents, évoluant dans des mondes opposés. Toutefois, il est venu la voir, elle ne l'a pas repoussé, ils ont couché ensemble. Une mécanique bien trop ancienne, bien trop naturelle et enivrante. Problème. Chloé n'avait pas été très à cheval sur sa contraception, laissant ce sujet de côté. Erreur. Elle apprit sa grossesse la veille du départ de Valentin. Un dilemme se posait. Dire la vérité et prendre un risque, risque de le perdre définitivement, de le voir disparaître. Mentir et fuir. La seule chose qui était sûre : elle ne pouvait pas avorter, n'ayant pas la force de commettre cet acte, d'y parvenir. Chloé était déterminée à lui dire, lors de leurs adieux à l'aéroport. Sauf que voilà. Il était accompagné de sa petite amie du moment, un sourire gêné destiné à la belle blonde. Blessure. Trahison. Elle n'a rien dit, elle est partie tout simplement, gardant pour elle-même ce secret. Elle n'avait pas osé, elle n'avait pas trouvé la force, elle avait pris peur.