GEMMA MILLER ► bryana holly

How many times can
a broken thing break?
And the Gods whispered:
Let’s see, shall we?
Tu es assises, ta tante à ta droite, le vide à ta gauche. Tu ne t'attendais pas à de grandes funérailles mais tu pensais que plus de personnes seraient présentes mais après tout, qui connaissait réellement Brittany Miller? Trop de villes, trop de kilomètres parcourus pour que ta mère et toi ne laissent une réelle trace. Ta tante est stoïque et le visage fermé mais tu n'es pas dupe, tu vois la douleur dans ses yeux mais tu ne dis rien. Tu te demandes ce que tu vas faire de ta vie maintenant que la seule personne qui comptait pour toi est partie. Tu ne pouvais pas vivre seule, tu n'avais que douze ans.
Seulement lorsque tu es seule dans ta chambre de motel tu t'autorises à pleurer. Ta mère, décédé d'un cancer qui vous a ruiné jusqu'aux os, te laissant seule avec ta tante qui n'a jamais eu une grande considération à ton égard. Après tout, tu n'étais qu'une gamine bâtarde, père inconnu, mère qui enchaînait les jobs aux quatre coins du pays pour survivre, et tu te retrouvais seule avec elle.

Blood is thicker than Jäger
Tu pousses la porte du bar, les hommes te regardent de haut en bas, leurs esprits remplies de pensées pas très catholique, les femmes te regardent avec dédain, jalouses de ta jeunesse d'adolescente. Mais tu lèves le menton et te dirige vers les toilettes. L'odeur te donne envie de vomir mais tu prends sur toi. Ta tante est là, la tête au-dessus de la cuvette à vomir tout l'alcool qu'elle avait ingurgité. Tu lui tiens les cheveux, et quand tu essaies de lui faire entendre raison, tu reçois des mots remplis de poison. Tu sais ce qu'elle te reproche, tes origines floues, ta vie de famille brisée, le fait d'être un poids mort, que tu ailles donc te rendre utile, ramène de l'argent au lieu de la juger. Tu es la raison de tous les maux.

Leurs yeux rivés sur ses nibards,
Comme des naufragés à un phare,
Ils s’ verraient bien tous en besogne,
Avec cette poupée qu’on se cogne
Ton sourire est mielleux, ton regard est innocent et ton rire faux. Tu réprimes le dégoût que ressens pour le vieil homme au sourire baveux assis à côté de toi et tu te fait violence pour te rapprocher un peu. Tu penses à l'argent que tu recevras à la fin de la nuit. Tu ignores tes pensées qui te redirigent vers ta défunte mère et ce qu'elle pourrait penser de toi à cet instant. Vendre ton corps pour de l'argent. Mais tu ne le fais pas par choix, tu es strip-teaseuse mais même tout l'argent que tu gagnes à danser autour d'une barre, à faire des laps dances n'est pas assez. Alors ton patron t'a laissé monter d'un niveau, "réservé aux meilleures filles de la boîte" qu'il te disait. Si le client le souhaite, il peut toucher, faire ce qu'il souhaite et ton rôle était de sourire et prétendre que tu aimais ça. Tu te dis que tu n'as pas de choix, tu as besoin d'argent, ta tante vidant tout dans l'alcool. La main de l'homme se pose sur tes cuisses et remontent, tu fermes les yeux et te dit que ça passera vite, que tu n'as qu'à penser à autre chose. Tu sens son souffle humide dans ton cou puis ses lèvres et tu n'es plus là, tu es quelque part avec ta mère, loin de ces pervers, de ce monde qui ne peut s'empêcher de te détruire.

Lui il a vu que t'étais frêle, que t'étais vraiment dans la merde
Il t'as dit : "T'es trop belle, vient je t'emmène poupée !
C'est pas la première fois qu'il vient ta voir, et à chaque fois, il ne demande rien, juste ta compagnie. Il est différent des autres, plus distingué, plus respectueux et tu n'arrives pas à deviner ce qu'il attend de toi. Mais tu ne craches pas sur son argent, tu passes du temps avec lui et tu te surprends à l’apprécier, lui et sa compagnie. Ça fait longtemps que tu n’as pas ri aussi franchement, que tu ne t'es pas sentie comme un objet. Puis parfois, tu surprends une étincelle dans son regard, une étincelle qui te fait peur parce que tu ne sais pas quoi en faire mais tu l'ignores et prétends ne rien voir.

Fuck love, give me diamonds
Un genou par terre, un diamant dans les mains. Tu ne sais pas quoi dire, quoi faire. Cet homme qui a toujours été  gentil avec toi te demande en mariage. Tu ne l’aimes pas, tu ne sais pas si tu en seras capable, mais il t'ouvres une porte, un échappatoire à ta vie misérable, loin de ta tante, de ces hommes répugnants. Mais tu n’as que dix-neuf ans, tu as peur de t’enfermer dans une vie que tu ne veux pas. Seulement l’appel de l’argent est plus fort, tout comme l’appel à ta liberté. Tu acceptes, tu te dis que peut-être tu pourrais l’aimer un jour, ou du moins, prétendre. Et puis, il est vieux, peut-être qu’il clamsera plus tôt que prévu.

Oh pense à moi mon coeur quand arrivera ton heure
Ne laisse pas notre bonheur pourrir avec tes fleurs
Donne-moi, donne-moi tout tes sous, avant qu’on ne te mette dans le trou
Donne-moi toutes tes cartes bleues, tu peux m’aimer depuis les cieux
On t’accuse, on te hait, on essaie de te faire confesser. Mais tu ne dis rien, tu n’ouvres pas la bouche, tu regardes droit devant elle, le menton levé. Tu remercies les gens d’être venu pour ton mari, tu as une impression de déjà vu seulement cette fois, tu es seule. Ta tante est décédée, ton mari est décédé et tu te retrouves face à une foule qui semble te détester. Tu entends les murmures, comme quoi tu et si froide, comme quoi tu ne devais pas l’aimer, que tu n'en voulais qu’à son argent, telle la catin que tu étais. Ils t’appellent la veuve noire, persuadés que le décès de ton mari n’est pas naturel,  tu as forcément dû y jouer un rôle, tu n'as pas pu l’épouser sans arrière-pensées. Mais tu les ignores, toi seule connaît la vérité, toi seule sais ce que tu as bien pu murmurer à l’oreille de ton époux ces trois dernières années.

She wears strength and darkness equally well, the girl has always been half goddess, half hell.
La musique bat son plein, les gens s’amusent, les barmans font leur boulot et tu souris. Un sourire satisfait, un sourire qui fout la frousse parce qu’on ne sait pas ce qu’il réserve. Tu repenses à ses dernières années après la mort de ton mari. Sans lui, tu n’aurais jamais pu entrer à l’université, sans son argent, tu n’aurais jamais pu créer ta propre marque de vêtements, sans son nom, tu n'aurais jamais pu t’offrir cette boîte de nuit, ton nouveau bébé, La Veuve Noire. Un clin d’oeil à ta réputation, un gros fuck à tous ceux qui ont voulu te foutre au trou. .