ohana means family (janae)

Les cheveux attachés en une toque en bataille, j’suis assis en indien, dos à la porte, dans mon lit. Ma main droite vient caresser ma nuque dans un mouvement las.  Mon corps est empreint d’une fatigue intense alors que mes prunelles relisent pour la quatrième fois ce foutu paragraphe sur le système lymphatique. Les examens approchent à grands pas et j’sens la tension s’accumuler. J’en viens presque à me demander pourquoi j’suis retourné aux études. Or, rapidement, mon esprit se remémore les putains de morts auxquelles le club a dû faire face au fil des années et ça me donne envie de gerber. Tant de personnes qu’on aurait pu sauver. J’allais m’plonger de nouveau sur ces lignes lorsque deux mains sont venues cacher ma vue. Un parfum féminin vient titiller mes narines et je fronce les sourcils, curieux. Ta voix me parvient et je reste silencieux un moment, sous le choc. Tu m’fais la fameuse blague de deviner qui c’est… mais j’sais exactement c’est qui. C’est toi. Jay. C’est toi, la moitié d’moi-même. Putain qu’tu m’as manqué. « Laisse-moi deviner… mhh Jessica Alba? » Je pouffe de rire et me lève pour te regarder… « Jay… » J’sens ma gorge se serrer. T’es devenue une femme. Berk. J’devrai dire aux mecs du club de pas te toucher. J’devine que mes prunelles s’illuminent de tendresse et un large sourire vient se dessiner sur mes lèvres. « JAYYYYYY. » T’as pas le temps de dire quoi que ce soit que tu te retrouves projetée comme une vulgaire poche de patate sur mon épaule alors que je cours comme un gamin.  

Lorsque j'ai quitté Boston, il y a six ans, je ne pensais certainement pas passer tout ce temps à errer sur la planète. J'avais dix-huit ans au moment de mon départ. Je ne savais pas ce que je voulais faire de ma vie. Je vivais avec des motards depuis deux ans et j'avais besoin d'un peu de liberté, parce qu'ils pouvaient être très protecteurs, par moment... Et c'était étouffant. Je suis peut-être folle, mais c'est l'un des aspects qui m'a manqué de toutes ses années à l'extérieur de la ville, du pays. J'avais planifié mon retour, quelques années plus tôt, mais une vague d'attaque sur le campus m'a forcé de rester à l'écart... Ou devrais-je dire mon frère m'a fortement suggéré de rester à l'écart pour un temps. Mais j'en avais marre d'être loin, même si Logan et moi étions toujours en contact. C'est pourquoi j'ai décidé que c'était le temps de rentrer au bercail, mais secrètement. Je voulais faire la surprise à mon jumeau. Je voulais tellement voir sa tête lorsqu'il réalisera que je suis bel et bien dans son appartement.

En sortant de l'aéroport, je n'ai pas perdu une seconde. J'ai pris le premier taxi et nous nous sommes dirigé vers le club où Logan vivait toujours. J'étais bien contente de voir qu'il n'y avait aucun membre des Wild Indians à la vue.  Pas que je ne voulais pas les voir, ils m'avaient manqué, mais je ne voulais pas faire tout un numéro d'entrée. Je me suis faufilée jusqu'à sa chambre, puis j'ai ouvert la porte sans faire de bruit. Il était assis dans son lit, avec un bouquin. « Qui suis-je ? » Lui dis-je, retenant un rire, en mettant mes mains dans son visage. « Laisse-moi deviner… mhh Jessica Alba? » A-t-il dit avant de se mettre à rire et je l'ai imiter presque immédiatement. « Jay… » Il s'était levé. Je n'ai pas eu le temps de dire quoi que ce soit. Il m'a pris sur son épaule comme une poche de patate avant de se mettre à courir en criant mon nom. La seule chose que j'ai réussi à faire, c'est de rire à gorge déployée.

Six foutus années, Jay. Six ans. C'est beaucoup trop de temps. Je le sais que j'aurais pu nous éviter deux années de plus, mais j'voulais pas te voir débarquer à Boston avec ces agressions. J'aurais pété une crise d'anxiété en te croyant en danger à chaque fois que j'aurais pas eu un oeil sur toi. Dieu sait que j'ai déjà bien des choses à gérer. Pour le moment, je te trimballe sur mon épaule comme si rien n'avait changé. Comme si nous n'avions pas changé durant ces années séparés l'un de l'autre. J'finis par te déposer au sol, grand sourire sur les lèvres. J'ai changé... J'sais que t'as l'habitude des motards, mais j'en étais pas réellement un lorsque tu es partie. J'suis Hyde maintenant. Même si Logan reste sous la surface. Je te prends dans mes bras et j'me rappelle ce que c'est que de ressentir une tendresse infinie envers quelqu'un. C'est à la fois si familier et si étrange... "Baaah alors. T'es de retour? Pour de bon...?" Dieu sait que j'déteste les adieux.

C'est si bon d'être de retour à la maison, surtout avec un tel accueil. Je savais que mon frère allait bien m'accueillir. Après tout, même si nous avions passé tout ce temps loin de l'un et l'autre et qu'il avait probablement changé, j'allais toujours le connaître par coeur. Il était ma moitié, mon jumeau, quoi ? Après m'être promener sur son épaule, en poche de patage, il m'a déposé sur le sol. Il avait ce sourire contagieux sur le visage, qui m'a fait sourire à mon tour. « Baaah alors. T'es de retour? Pour de bon...? » À cette question, j'ai hoché positivement la tête, toujours souriante. Je n'arrivais pas à croire que j'étais à Boston, avec mon frère après tout ce temps. Il m'arrivait, quelques fois, de me dire que je ne reviendrais jamais, même si la ville et ma famille me manquait. Mais me voilà, prête à m'installer et à clore ma petite vie de globe-trotter. « Oui, pour de bon. J'ai assez bouger pour quelques années, tu ne trouves pas... De toute façon, je me suis inscrite à l'université... À Havard et j'ai été accepté. Alors tu as devant toi, une nouvelle étudiante en Anthropologie. » Il y a six ans, je n'aurais jamais pensé m'inscrire dans un tel programme, mais mon voyage m'a fait découvrir les beautés de l'Anthropologie. J'espère grandement que mon frère soit fier de mon choix, un choix qui n'avait pas été facile, mais un choix qui m'avait fait revenir à Boston.

Tu hoches la tête positivement. Ma petite sœur est officiellement de retour après toutes ces années à parcourir le monde. Les WI ont toujours gardé un œil sur elle. Je m’en suis assuré en parlant aux membres des autres chapitres du club. Tu ne t’en es probablement jamais rendu compte. « Oui, pour de bon. J’ai assez bougé pour quelques années, tu ne trouves pas… De toute façon, je me suis inscrite à l’université… À Harvard et j’ai été acceptée. Alors tu as devant toi une nouvelle étudiante en Anthropologie. » Oui, je crois bien que tu es là pour rester cette fois. Qui aurait cru qu’on aurait cette conversation un jour, mh? Qui aurait cru que les bâtards allaient être étudiants à Harvard, qu’ils allaient réussir malgré une mère absente. C’est presque insensé… et pourtant. « Tu rigoles? C’est super! J’suis certain que tu vas adorer ça… » Les mots me manquent. Ma petite sœur à l’université. J’étais déjà fière de toi, mais alors là… Mon ton de voix s’adoucit. « Putain, j’suis ultra fier de toi Jay. » Me voilà qui prépare déjà tout pour son retour. « La première année, t’es obligée de vivre sur le campus, mais tu peux venir au club quand tu veux. J’ai laissé personne toucher aux trucs dans ta chambre. Elle est restée telle quelle. Si t’as besoin de quoi que ce soit, les mecs sont là. J’suis sûr qu’ils vont être contents d’te revoir… » Je soupire, reprends mon souffle et souris. « Désolé… » Je ricane. « T’as envie d’manger un morceau? J’crève la dalle et tu dois avoir plein d’histoires à me raconter. »