S. CEPHEE UPSILON ► Rose Leslie

Fratrie de 3 sœurs dont tu es l’aînée. C'était si vivant à la maison. Tu avais deux ans d'écart avec la cadette. Quatre ans avec la petite dernière. Des parents aimants et des animaux. Un jardin. Des jouets. De l'amour. Tout ce qu'il te fallait.

Tu travaillais dur. Pour être félicitée par tes parents. Tu aimais qu'on reconnaisse ta valeur. Vous n'étiez pas pauvre. Ni riche. Dans la moyenne. Tu voulais une bourse. Pour entrer dans la mythique université Harvard. Oui, tu travaillais durement. Si durement que tu n'as jamais vraiment connu ce qu'était les soirées entre ami(e)s.

Mais tu t'en fichais. Oui, tu voulais seulement être reconnue. Être dans les meilleurs. Et tu y arrivas. Tu étais si fière. Tellement fière. Tes parents l'étaient. Tes sœurs aussi. Puis tu quittas le domaine familial. Pour partir à l'aventure. Les cours étaient dur. Très compliqué. Surtout en médecine. Tu ne savais pas pourquoi tu étais parti dans ce domaine. Surement car tu voulais un domaine compliqué. Pour pouvoir dire haut et fort que tu y arrivais. Que tu pouvais le faire. Être reconnue comme étant la meilleure. Tu te sentais si bien.

On t'invitait, toi, l'élève sérieuse et modèle, à des soirées. C'était la première fois que tu y allais. Depuis deux années de ta vie à Harvard. Tu ne savais pas comment t'habiller. Tu stressais. Tu paniquais assez facilement. C'était un problème dont tu ne trouvais pas la réponse. Et cela t'inquiétait tellement. Tu adorais la soirée. Les personnes étaient si gentilles. Si belles. Tout brillait autour de toi.

Jusqu'à ce que tu te réveilles le lendemain matin chez toi. Tu avais un mal de tête horrible. Tu ne te rappelais plus de ce qu'il c'était passé. Un inconnu dormait à tes côtés. Tu sortis doucement des draps, t'habillant avec ce que tu trouvas et regardant ton téléphone. Espérant avoir des informations. Des photos de toi scandaleuses. Des messages de mecs et de filles que tu ne connaissais pas. Tu ne comprenais pas.

L'inconnu se réveilla. Aussi surpris que toi. Tu avais vingt années. Et tu avais fais ta première fois avec un inconnu. Idiote. Il se présenta. Tu fis de même. Tu appris qu'il avait deux années de plus que toi et qu'il travaillait en tant que barman. Il était gentil. Il essayait de ne pas faire de mouvement brusque pour ne pas te faire peur. Tu l'appréciais. Toi qui n'avait jamais connu l'amour, il te tombait dessus.

Vous aviez garder contact. Tu continuais tes études et tu allais souvent le voir. Vous avez fini par vous mettre ensemble. Tu avais vingt-et-un ans. Vous avez fini par habiter ensemble. Puis un petit bébé sortit de toi. Il était si mignon. Si beau. Tu l'appelas "Noé".

Tu finis par te marier. Tu étais heureuse. Noé grandissait à vue d’œil. Tu continuais tes études tout en travaillant à côté. C'était dur. Mais tu y arrivais. Tu étais une bosseuse.

Le temps passait. Tu avais vingt-cinq ans. Ton petit bébé grandissait. Il fêtas ses quatre années. Mais il souffrait. Il avait mal. Il souffrait et tu ne pouvais rien faire. Tu demandas de l'aide aux médecins. Infirmier. N'importe qui. Le monde s'effondra. Il avait une maladie incurable. Il avait souffert silencieusement jusqu'ici. C'était épatant. Pour ne pas t'inquiéter. Tu avais beau pleurer et supplier les médecins de faire quelque chose, rien n'y faisait. Médicaments. Opérations. N'importe quoi. Rien n'y faisait. Noé ne pouvait être sauvé. Et tu ne pouvais rien faire. Tu maudissais ton impuissance. Celle de ton mari. Celle du monde.

Le jour de ces cinq ans, tu le débranchas. Tu savais qu'il ne lui restait plus beaucoup de temps. Avec ses yeux bleus, si beau, il te regardait. Tu essayais de sourire. Malgré que les médecins te le déconseillait, tu le pris avec toi. Tu pris ta voiture. Tu partis loin. Oui, si loin. Arrivait près d'une falaise, tu le pris dans tes bras. Le soleil se couchait. Tu t’asseyais, le bordant, une couverture sur ses frêles épaules. Le soleil était magnifique. Orangé. Regardant cette scène. Simple spectateur. Ton petit garçon te regardais. Il te dit simplement un mot : Merci. Un simple mot. Les larmes coulaient sur tes joues. Il pleurait. Il avait mal. Si mal. Il s'endormit tandis que tu lui chantais une berceuse. Tu entendais sa respiration laborieuse. Tu calas ta respiration sur la sienne. Et tandis qu'il respiras une dernière fois, ton cœur s'arrêta en même temps que le sien. Et tu eu beau hurler, pleurer, taper le sol, rien n'y fit. Il n'était plus là. Il était parti.

Tu ne sais pas comment tu étais reparti chez toi. Tu étais hagarde. Ailleurs. Le corps de ton enfant dans tes bras, tu le posas délicatement sur son lit d’hôpital. Ses peluches autour de lui. Tu dus tomber dans les pommes. Surement. Tu te réveillas dans un lit. Le plafond d'un hôpital. Ton mari as tes côtés. Noé était mort. Tu avais beau hurler, rien n'y fit. Quelques jours plus tard, l'enterrement. De ton petit bébé. De ton petit Noé. Tu n'arrivais pas à tenir sur tes jambes. Tu ne voulais pas y croire. Ton mari te soutenait. Des cernes à ses yeux. Ta famille n'était pas présente. Tu n'avais pas eu le courage de les appeler. Après ton arrivée, tu avais eu peu de contact avec eux. Tu n'entendais rien. Tu étais sous un soleil de plomb. Il riait de toi. Ce soleil.

Tu regardas cette petite tombe. Le foyer de ton enfant. Tu tombas à genoux, la terre se jetant sur le couvercle. La rose toujours dans tes mains. Une rose blanche. Les épines te faisait mal. Mais tu t'en fichais. La douleur n'était rien comparé à celle de ton cœur. Tes yeux étaient rouge. Tu n'arrivais plus à pleurer. Les larmes ne voulaient plus descendre. La suite fut tel un film. Des scènes. Et toi, simple spectatrice. On te remit debout. Ton mari te parlait. Tu n'entendais rien. Tu ne disais rien.

Le temps passait. Avec lenteur. Tu t'engueulais avec ton cher et tendre. Rejetant la faute sur l'un et sur l'autre. Sur ton incapacité à l'aider. Le fait que tu sois peu présente pour lui. Tu t'en voulais. Tu en voulais à ton mari. Tu lui reprochais ses heures tardives. Son manque d'attention. Lui reprochant de voir une femme derrière ton dos. Encore et encore. Sans cesse. Puis le divorce.

Tu repartis dans un petit appartement. Toujours en deuil. A jamais surement. Tu te sentais seule. Si seule. Noé n’était plus là. Tu avais plein de photos de lui. Si peu. Si peu de temps passé à ses côtés. Pourquoi la vie est-elle si injuste ? Pourquoi un remède n'existait-il pas ?

Tu avais du mal à t'en remettre. Tu perdais du poids. Tu avais arrêter tes études. Tu restais cloîtrée chez toi. Tu allais travailler mais il t'arrivait de faire des malaises. Tu n'étais plus que l'ombre de toi même. Toute trace de sourire avait déserté ton visage. Il ne restait plus que des larmes. Rien que cela. Encore et toujours des larmes. Qui ne s'arrêtait jamais. Pourquoi vivre quand on as perdu un être si cher ?

Puis le jour de son anniversaire fut arrivé. Avec tes économies, tu réussis à lui offrir un bouquet de roses blanches. Si belles et si éphémères. Comme fut sa vie. Courte. Tu avais vingt-six ans. On était en l'an 2016. Et il est mort le jour de son anniversaire. Le 2 mai. La pluie tombait autour de toi. Tu t'en fichais. Tu essayais de mettre tes pieds l'un après l'autre. Le sol était glissant. Tu tombais. Par terre. Tu n'arrivais pas à te lever. Tu ne voulais pas. Mais tu te devais d'aller voir. Si tout cela était un rêve. Tu te remis debout. Péniblement. Tu avais mal aux jambes. Mais tu continuas. Un pas après l'autre. Doucement mais surement.

Tu arrivas devant la tombe. Le nom de ton bébé. La date de sa mort. La date de sa naissance. Une photo de lui. Souriant. A la vie. A sa mort. Tu te laissas glisser au sol. Tu t'en fichais d'être salie. Tu t'en fichais d'être trempée jusqu'au os. Si cela pouvait te ramener Noé, tu pouvais même braver le feu. Tu posas délicatement le bouquet. Un autre était là. Tu savais qui l'avait poser la. Ton ex-mari. Son père. Tu le remercias. De ne pas l'oublier. Oui, qu'il soit toujours présent dans son cœur. Tu voulais tellement que tout cela soit un rêve. Mais tu avais beau hurler, te taper, rien n'y faisait. La tombe était toujours présente. Et avec elle, tes regrets, ton impuissance, ta tristesse et ta haine.

Tu avais des bleus partout. Un corps squelettique. Le temps passait. Et un an après, tu étais debout. Devant la tombe. Tu pleurais toujours. Tu hurlais toujours. Mais cette fois-ci, tu arrivas à demeurer debout. Avec difficulté. Mais tu étais debout. Un progrès. Un si grand progrès. Tu regardas la tombe vierge. Il n'y avait que ton bouquet. Son père n'était pas venu. Tu le haïssais. Comment pouvait-il oublier l'anniversaire de son propre fils ? Aujourd'hui, il aurait eu sept ans. Il aurait été si beau. Si gentil. Tu le savais. Tu l'espérais.

Tu sortis le cadeau en parlant à la tombe. Non, en parlant à ton fils.
_ Noé, bonne anniversaire mon bébé. Tu fêtes tes sept années aujourd'hui. C'est super ! Tu grandis si vite ... Une larme glisse sur ta joue. Je sais que ce n'est pas grand chose, mais tiens, ouvre le ! Tu déballas le cadeau en essayant de sourire, en reniflant. Et voilà ! Un ours en peluche ! Il est beau non ? J'ai tout de suite pensé à toi en le voyant. Tu adores les ours ! Mais maman vas le garder, d'accord ? Pour que tu ne le perdes pas.

Tu serras l'ours en peluche dans tes bras en pleurant à chaude larmes. Il faisait beau aujourd'hui. C'était l'anniversaire de ton bébé qui n'était plus là. Tu repartis chez toi une fois la nuit tombée. Le temps passait si vite quand tu étais à ses côtés.

La rentrée approchait à grand pas. Il te fallait un travail. Stable. Autre que serveuse. Tu fis un CV. Pour être infirmière à Harvard. Pour essayer de soigner des gens. Pour pouvoir te rendre utile. Pouvoir te sentir utile. Essayer de reprendre un mode de vie normale. Reprendre un peu de poids. Et de joie de vivre aussi. Tes sourires demeuraient vide depuis la rentrée. Mais tu essayais de toute tes forces de ne pas trembler. De ne pas pleurer. Tu te disais qu'au moins, en soignant ces personnes, tu arriverais peut-être à redonner du sens à ta vie.

La vie est si injuste. Mais tu te redresses petit à petit. Oui, tu dois aller de l'avant. Pour ton bébé. Alors, tu souhaites être présente pour les étudiants. Les étudiantes. Être une oreille à leurs problèmes. Soigner ce que tu peux soigner. Appeler une ambulance si besoin est. Oui, être enfin utile. Pouvoir enfin sauver quelqu'un.

Non c'est un mensonge. Ce que tu veux, c'est qu'on te sauve. De ta tristesse. De ton malheur.