CECE DELGADO ► shanina shaik

8 ans.
« Pourquoi tu n'as pas de maman ? » Elle fronça les sourcils, avant de gigoter sur le banc au milieu de la cour d'école, mal à l'aise, les regards de ses camarades tous braqués subitement dans sa direction. Cette question, elle l'avait déjà entendu, plusieurs fois, pas toujours des mêmes personnes. Ses amis à l'école, et parfois par d'autres élèves dont elle ne connaissait pas les noms. Elle avait parfois effleurer son esprit d'enfant, traçant des marques sur son cœur, laissant des interrogations que même les paroles réconfortantes de ses pères n'arrivaient à combler. Comme si quelque clochait, comme si, au fond, ça n'allait pas. Pourquoi avait-elle était abandonnée, si elle était adorable ? Elle se pinça les lèvres, remua le bout de son nez dans un mouvement agacé. « Parce que j'ai deux papas. » répondit-elle avant de tourner la tête vers Hae-Seong qu'elle aperçu de l'autre côté de la cour. Ses yeux s'illuminèrent aussitôt, une réaction physique tout à fait naturelle, ses iris brillant toujours plus lorsque son meilleur ami apparaissait dans son champ de vision. Son héro, son acolyte. « C'est super bizarre. Il faut un papa et une maman pour avoir des enfants. » Peut-être cela l'était mais elle n'était pas tout à fait certaine. Ses papas s'aimaient, n'était-ce pas là le principal ? Elle ne parvenait pas à se décider sur la réponse, parce qu'elle était bien incapable de s'imaginer dans une autre famille que la sienne. « Non, c'est pas bizarre. Ils s'aiment aussi forts que vos parents. » reprit-elle. Elle se leva soudainement du banc, réajusta sa robe aux motifs floral et couru dans la direction de Hae-Seong pour lui prendre la main.

16 ans.
La fenêtre grinçait, un sifflement léger, le même son que le bruit du vent glissant à travers une porte mal-refermée. Elle connaissait la particularité de cette fenêtre, parce que c'était celle de sa chambre. Le bois avait mal vieilli, et Hank Bower avait promis, deux jours plutôt, de passer dessus un coup de peinture fraîche. Elle avait rigolé, son autre père aussi lorsqu'ils s'étaient adressés un regard complice, persuadés qu'il ne le ferait jamais. Elle remonta la fenêtre, assez pour passer tout son corps sans se faire mal, enjamber le rebord et poser ses pieds délicatement sur le toit couvert de la terrasse. Elle n'avait plus qu'à descendre le long de l'échelle, courir jusqu'à la clôture voisine et recommencer le même parcours dans le jardin des voisins. Grimper le long du mur de la maison des Choi était une expérience relativement difficile mais avec les années, elle maitrisait encore la technique, se hissant sur le rebord d'une fenêtre, s'agrippant au toit du petit auvent jusqu'à atteindre la fenêtre qui menait à la chambre de Hae-Seong. Elle toqua contre la vitre et l'aperçu, hilare, de l'autre côté. Il devait être fier de la laisser greloter dans le froid. « Abruti, ouvre la fenêtre, il fait super froid. » Il faisait sûrement mine de pas l'entendre, mais finit par lui ouvrir la fenêtre quelques minutes plus tard. Elle s'engouffra à l'intérieur, frotta énergiquement ses mains contre ses bras pour se réchauffer et se précipita vers le lit pour se cacher sous les couvertures bien chaudes. Leurs parents étaient sans doute au courant du stratagème, elle attendait encore le moment où ses pères la convoquerait dans le salon pour lui parler des relations entre les hommes et les femmes. Ses entrainements de gymnastiques l'avaient épuisé, elle n'avait plus qu'une envie, celle de dormir. « T'es gelée. » Il n'avait pas l'air d'apprécier la sensation de ses pieds froids contre ses jambes, comme à chaque fois qu'elle décidait de venir dormir dans son lit. Cece n'en faisait qu'à sa tête et elle vint naturellement se nicher dans le creux de ses bras.

18 ans.
Elle entendait la musique lointaine d'un manège installé là en même temps que les autres forains, le cri des oiseaux et le joyeux brouhaha du vent qui sifflait à travers la forêt. Certaines feuilles miroitaient au soleil, protégées de la pluie par les branches immenses et robustes de ces arbres installés ici depuis des années. Elle positionna son pied sur une nouvelle branche, agrippa ses doigts à une autre et éclata de rire lorsqu'elle se hissa avec facilité à travers l'arbre. Bientôt, son sac abandonné sur le sol, n'était plus qu'un petit point ridicule à l'horizon. « Plus haut, Hae-Seong, on est pas assez haut. » Les feuilles, en haut de l'arbre étaient recouvertes d'un vert étincelant, virant sur le jaune avec le temps, les intempéries et l'exposition sans doute trop prolongée au soleil. « Donne-moi ta main, on est enfin en haut. » annonça-t-elle en s'installant avec volupté sur une branche relativement solide. Elle était certaine que, d'ici, ils pourraient toucher les nuages. Elle ne pu s'empêcher de lui adresser un petit sourire franc, un rictus capable d'égayer une pièce toute entière et une seconde plus tard, un léger rire s'échappa dans l'air comme une mélodie. Ses prunelles s'attardèrent quelques secondes sur le visage de son meilleur ami, sur ses traits incroyablement doux, sans défaut, comme venu d'ailleurs. A maintes reprises, elle l'avait fixé, ses iris brillant de cette aura amoureuse, un sourire béat étirant ses lèvres et à maintes reprises il l'avait surprise en train de l'admirer. Ses joues se teintèrent de rouges aussitôt que leurs regards se croisèrent, elle détourna les yeux la première, gênée d'être une nouvelle fois surprise dans sa contemplation. Alors que lui, Hae-Seong semblait tout à fait amusé par la situation. « Arrête de te moquer. » répliqua-t-elle, loin d'être vexée de l'entendre rire, un air malicieux éclairant ses pupilles. Elle tapa son épaule, comme pour stopper son fou rire, mais loin de l'arrêter, elle se sentit basculer sur le côté lorsqu'il la poussa à son tour. Agacée, elle recommença aussi à le pousser, par provocation, par défi, jusqu'à ce qu'il la pousse une fois de trop. Elle pouvait sentir son cœur bondir dans sa poitrine, les branches fouetter ses jambes, son visage, ses bras, ses mains qui essayaient de s'agripper au vent et puis, d'un coup, une seconde, une minuscule seconde, le mouvement d'une aiguille dans une horloge, son corps heurta le sol avec violence.

20 ans.
Ce n'était pas juste son cœur qui se décomposait, c'était son corps tout entier, un membre après l'autre, sa poitrine étouffant sous cette vague de chagrin incontrôlable, puis sa gorge, son ventre, sa bouche, comme si quelqu'un s'amusait à maintenir sa tête plongée dans une bassine d'eau glacée. Elle relâcha brutalement le carton qu'elle tenait entre ses doigts, se retenant maladroitement à une chaise posée là pour garder l'équilibre, sa jambe gauche devenue subitement faible. Elle hésita à faire demi-tour, ou à laisser sa colère exploser, son cœur brisé se venger ou plus encore, réclamer des explications qu'il n'avait jamais semblé vouloir lui donner. Hae-Seong se tenait là, incroyablement beau, même avec ses airs de diva et dans ses fringues de collection. Elle eut un imperceptible sourire, rapidement transformé en grimace. Elle l'aurait reconnu, même les yeux fermés, à l'autre bout du couloir, peut-être aurait-elle senti sa présence, l'arôme particulier de son parfum ou sa fortune qui semblait s'extraire de chaque pore de sa peau. Il était là, à Harvard et pendant une seconde, Cece espéra qu'il ne s'agisse que d'un mirage, le fruit de son imagination. Elle avait attendu, pendant des jours qu'il vienne la voir. A l'hôpital, d'abord, puis une fois rentrée chez elle. Elle avait pensé qu'il viendrait s'excuser, au moins prendre de ses nouvelles, dire, faire quelque chose, lui avouer qu'il l'aimait toujours. Elle n'était pas certaine qu'elle serait parvenue à lui pardonner, mais elle avait attendu, malgré tout, malgré la douleur, malgré la colère, malgré le chagrin, par amour.


en vrac ; elle est fascinée par la magie et connait d'ailleurs quelques tours + c'est une véritable comique + elle entraîne souvent ses amis à se joindre à elle pour faire des blagues + elle parle couramment l'espagnol et l'italien, elle a commencé le coréen puis a abandonné l'idée après sa séparation avec Hae-Seong, elle pense s'y remettre, parce qu'après tout, elle est libre de faire ce dont elle a envie + elle fait de la gymnastique depuis son cinquième anniversaire, plus qu'une passion, c'est rapidement devenu son mode de vie, elle ne voyait que par la gym jusqu'à son accident + cinq ans plus tard, sa jambe ne s'est jamais totalement remise de sa chute et elle boite légèrement du côté gauche + elle rêve de posséder sa propre émission de radio ou ouvrir sa propre galerie d'œuvres d'art + elle aime tous les sports, en général + c'est une mauvaise cuisinière, mais elle adore cuisine + elle a déjà été en couple avec une fille, elle ne s'en cache pas + elle déteste les mathématiques, les chiffres lui embrouillent le cerveau + à son quinzième anniversaire, elle a commencé à réaliser une bande dessinée humoristique dont le personnage principal était son ex petit-ami / ex meilleur ami, Hae-Seong (naturellement, elle a rangé dans un carton toutes ses planches à dessin après leur rupture et n'a plus jamais ressorti sa BD) + elle est douée pour le poker + Hae-Seong, c'est toute sa vie; son premier ami, son premier amour, ses premières bêtises, son premier baiser, sa première fois, le premier pour tout. sa plus belle histoire et son plus grand chagrin + elle se passionne pour les arts depuis l'enfance, si elle se débrouille dans la sculpture, aussi bien dans la peinture, elle excelle d'abord dans le dessin au crayon, les portraits, puis les paysages.