Truth is a beautiful thing (Laska)

Il n'avait pas pu s'empêcher de la mettre en garde. C'était rabat-joie mais son instinct de protection lui dictait d'au moins y faire allusion. Comme à son habitude, Alaska ferait ce que bon lui semble, mais il ne se sentirait pas coupable d'avoir rien dit. La Voiture avait permis d'alléger un peu la discussion et puis naturellement sa sœur était venue le provoquer avec Alysse. Il commença à entrer dans le jeu mais il oubliait que Laska n'avait pas froid aux yeux. Sa réponse le fit rire. « Oh ça m'intéresse, elle a dit quoi ?  Parce qu'elle est pas très bavarde avec moi... » Un nouveau sourire étire ses lèvres. Lui et elle n'étaient pas très doués pour les mots et leurs explications se terminaient souvent en fiasco. L'un comme l'autre n'étaient pas très doués avec ces choses qu'on appelait les émotions. Pour autant, il savait que la Brune le comprenait mieux que personne, pouvait endurer les horaires impossibles imposés par sa carrière pour en subir elle aussi les assauts, les blessures se passaient de mots et eux aussi, mais si elle avait été bavarde avec sa sœur, il s'amuserait d'en apprendre davantage ou de voir si elle n'avait pas lancé ça par simple provocation.

Le problème quand je jouais, c'est que ça pouvait aller très loin. Le second problème, c'est que ce soir, je jouais avec Declan. Si j'entrais dans une pente glissante en lui parlant de Wolfgang et de notre "relation" naissante, il est clair que j'allais sur un terrain miné en parlant de fausse déclaration qu'aurait pu tenir Alysse à propos de mon grand frère. Mais bien sûr, n'importe quelle personne me connaissant savait que je n'allais pas m'arrêter si vite. « Oh ça m'intéresse, elle a dit quoi ? Parce qu'elle est pas très bavarde avec moi... » Je faisais une grimace qui se voulait alarmante, histoire de le faire flipper un peu. « Elle a dit que tu était un petit ami pas encore tout à fait au point... » Et oui, je parlais bien de mon frère comme s'il était un rôti en train de cuire. Mais non, je n'avais pas parlé avec Alysse parce que comme il l'avait dit lui même, la brune n'était pas très bavarde. D'un coup, Lilou commençait à s'impatienter. « Tu as prévu pour elle ? » Parce que sinon, elle allait manger son oncle.

Il se marre franchement à la remarque potentielle d'Alysse et à vraie dire, ses paroles ne l'étonnaient pas vraiment. « Pas tout à fait au point, ça veut dire quoi ça ? » Après tout Alaska l'avait mis dans l suspens et l'avait assez vite désamorcé. Leur relation était compliquée certes mais à ses yeux, elle demeurait solide, c'était là le plus important. « Oui j'ai fait une purée de légumes ! » dit-il en se tournant pour verser du contenu de la dite purée dans une petite assiette pour bébé. Cuillère adaptée et tout, Declan fait les choses bien. « Je peux lui donner ? » dit-il en regardant sa nièce de façon énamourée. Oui, il était irrattrapable quand ça concernait les enfants.

« Pas tout à fait au point, ça veut dire quoi ça ? » Je me mettais à rire en le regardant. « Qu'elle est avec toi, mais qu'elle se demande pourquoi ? » répondais-je en riant à nouveau. Il m'avait cramé de toute façon, non ? Je secouais doucement la tête de gauche à droite en trouvant son regard à nouveau. « Elle n'a rien dit. Pas un mot. Pas une histoire croustillante. Alysse ne parle pas, je ne sais pas comment elle fait... » Pour ma part, si je ne dis rien, j'explose. Et je me remettais à rire, amusée de ma connerie jusqu'à ce que ma fille se mette à râler. Ma bichette a faim. Je savais bien que ça n'allait pas tarder pour elle et de toute façon, la soirée allait être tranquille pour moi, je n'allais pas pouvoir rentrer très tard. « Oui j'ai fait une purée de légumes ! » Parfait. Lilou était d'accord. Elle regardait la nourriture avec des gros yeux et commençait à s'agiter dans tous les sens. « Je peux lui donner ? » - « Bien sûr, de toute façon, ce soir, je suis une maman au repos » que de disais en le regardant faire. « Mais ne tarde pas trop, elle va piquer une crise si ça vient pas assez vite... » Surtout quand elle a vu la nourriture.

Et Alaska s'enfonce dans les soit-disant paroles d'Alysse. Il ne peut réprimer un sourire dans leur semblant de comédie avant qu'elle n'avoue qu'elle ne parlait pas, qu'elle était plutôt silencieuse sur le sujet, qu'elle-même ne pourrait pas se taire de la sorte. « C'est quelque chose que nous avons en commun Alysse et moi. » dit-il  avec un air presque fier. Pourtant le manque de bavardage de leur couple conduisait parfois à de drôles de situation, mais c'était aussi cette nature qui les rapprochaient. En attendant, Lilou commençait à montrer ses signes d'impatience. Declan se cale donc devant elle, en soufflant doucement sur la cuillère. « Patience jeune demoiselle, la patience c'est pas notre point fort à nous autres Hamilton mais tu vas voir ça valait le coup d'attendre un peu. » C'est assez drôle qu'il se considère de son sang parce qu'en réalité ce n'était pas le cas, mais c'était tout comme. Il dirige la cuillère vers le bébé qui dévore avec appétit la purée et en redemande aussitôt « Ah je vois que tu aimes ma cuisine, tu as raison, je suis bien meilleur que ta mère, si ça se trouve, elle te donne ces horribles petits pots. » Il sourit de sa blague parce qu'il sait que cela va faire réagir sa sœur.

J'étais bavarde et je n'arrivais pas toujours à garder des secrets alors, pour moi, Alysse était une énigme. Je ne savais pas comment elle faisait pour tout garder pour elle. « C'est quelque chose que nous avons en commun Alysse et moi. » Je grimaçais doucement. « Et c'est une bonne chose ? » Il devait y avoir beaucoup de non-dit, non ? Si je ne disais rien, on ne pourrait pas me comprendre. Lilou quant à elle, elle s'en fichait de la discussion d'adulte, elle voulait surtout manger. Declan se proposait et je ne pouvais rêver mieux que de me mettre en vacances le temps d'une soirée, mais si je l'avoue, j'aimais m'occuper de ma fille H24. « Patience jeune demoiselle, la patience c'est pas notre point fort à nous autres Hamilton mais tu vas voir ça valait le coup d'attendre un peu. » Je souriais en les regardant. « Les chiens ne font pas des chats » Par moment, Lilou avait un sale caractère, mais je ne pouvais qu'en vouloir à la génétique. Lilou dévorait sa purée et ça faisait rire Declan. « Ah je vois que tu aimes ma cuisine, tu as raison, je suis bien meilleur que ta mère, si ça se trouve, elle te donne ces horribles petits pots. » J'haussais les sourcils. Ne dis rien Alaska, il veut que tu mordes à l’hameçon, rien de plus... Sauf que j'en étais incapable. « Je cuisine très bien, disons que je m'améliore de plus en plus et non, mademoiselle n'a pas des petits pots tous les jours... Ça arrive quand j'ai pas le temps, mais je fais de mon mieux pour tout faire maison... » que je disais avec conviction. Non mais !

Apparemment sa sœur aimait à analyser son couple avec Alysse. Cela le prêtait à sourire parce que lui même ne comprenait pas tout au drôle de duo qu'il formait avec la Brunette. « Je ne crois pas non, mais on est comme ça. » Introvertis, peu à l'aise avec les mots ou pire les sentiments. Deux handicapés trouvent ainsi en l'autre une béquille et c'est ainsi. C'est la seule à pouvoir le comprendre sans qu'il s'exprime. Mais pour l'heure, le sujet du jour était relégué en pause par la petite Lilou qui fait comprendre à sa mère et son oncle que c'est plus que l'heure du dîner. Alors Declan se magne et sourit à la remarque de Alaska tandis qu'il lui tourne le dos pour souffler sur la purée. Telle mère, telle fille. Tu m'étonnes. Il est pas prêt de se reposer lui avec toutes ces nanas qui n'en font qu'à leur tête. Alors il s'était vengé en vantant sa cuisine par rapport à la sienne, et Laska était tombée en plein dedans. Ses yeux se font rieurs tant il est fier de sa provocation. Encore plus de constater qu'elle a fonctionné. « N'empêche que ça vaut pas ma purée. » Et vlan. C'est pas Lilou qui dira le contraire, elle n'arrête pas d’ouvrir grand sa petite bouche pour redemander une bouchée.

« Je ne crois pas non, mais on est comme ça. » Je souriais timidement. « Tant que ça ne vous rend pas malheureux... » Parce que ça pouvait être risqué mine de rien, de ne pas avoir de dialogues dans un couple. Pour ma part, je parlais tout le temps parce que j'étais incapable de garder les choses pour moi. Sauf me concernant, c'est-à-dire les choses encrées profondément. Je ne pouvais pas tout dire, mais je pouvais en dire un maximum. Mais le sujet n'était plus d’actualité étant donné que Lilou avait décidé qu'elle avait faim et que c'était elle la cheffe ici. Declan avait donc préparé de la purée lui-même et je le laissais nourrir ma puce, m'octroyant un moment de répit dans ma vie de maman à plein temps. C'était le moment que mon grand-frère choisissait pour m'embêter en m'accusant d'acheter des petits pots et même si je savais très bien ou il voulait en venir, je ne pouvais m'empêcher de mordre à l’hameçon. « N'empêche que ça vaut pas ma purée. » - « Et bien je vais t'embaucher comme cuisinier ! » que je répliquais avec un moue boudeuse. Et j'espérais que ce que j'allais manger moi allait être vraiment bon. Tsss.