C’était le weekend, et qui disait weekend, disait bien évidemment soirée. Ce soir, j’étais chez je-ne-sais-qui — pour une fois que ce n’était pas chez moi — et je comptais bien en profiter. J’étais venu seul à cette soirée étudiante parce que parfois, ça ne faisait pas de mal de faire des rencontres sur place. Un verre à la main, je me baladais dans les différentes pièces de la villa qui organisait la fête. Un étudiant qui tirait vivement une nana par la main pour qu’elle le suive me passa devant et je fus obligé de reculer d’un pas pour éviter qu’ils ne renversent mon précieux verre encore bien rempli. Mais dans mon mouvement de recul, je te percutais de dos. Alors, je me retournais vers toi, levant les mains l’air de dire ‘c’est pas de ma faute!’. « Désolé mec. Ce gars avait l’air pressé d’emmener sa nana dans la chambre. » Non loin de là, j’attrapais un verre plein sur la table des alcools et te le tendais. « Cadeau de pardon. » Et je t’adressais un sourire sincère et non peu fier de ma gentillesse. J’avais toujours été un gars sociable, alors ça me paraissait normal. En espérant ne pas trop t’avoir irrité par ma bousculade involontaire.
L’avantage de ne plus avoir d’étiquettes… Je pouvais aller où je voulais, quand je voulais, sans me soucier de savoir qui était l’organisateur… Pourvu qu’il y ait du champagne. Bon, téméraire mais pas fou, je ne m’étais pas non plus risqué à partir en soirée mather. Surtout que j’avais traîné avec moi mon cher Abé. Mon BFF qui venait de se séparer de sa copine, il avait grandement besoin d’oublier ça, de sortir, de changer d’air, et nous voilà donc au milieu d’une foule d’étudiants. Après à peine une heure sur place, mon belge avait disparu. Le champagne devrait être trop bon marché pour ses papilles princières sûrement… Ou alors il avait trouvé quelqu’un avec qui prolonger la nuit, option plutôt improbable vu la façon dont il était toujours accro à son ex… J’étais en train de scruter l’endroit, pour m’assurer que le brun n’était pas juste parti bouder dans un coin, lorsque je sentis quelqu’un me percuter. Mon regard se reporta alors sur le malhabile, de dos, qui fit volte face vers moi, levant les mains et s’excusant aussitôt, sans me laisser le temps de m’énerver. Et la façon dont il rejeta la faute sur le couple qui s’éloignait main dans la main m’amusa. C’était tout un art ça, de se dédouaner, de rejeter sa responsabilité et de charger les autres. J’appréciais d’autant plus qu’il me tendit aussitôt un verre plein. Et pour éviter tout doute, on sait jamais, je n’avais pas envie de me faire draguer par ce type non plus, je donnais vite la couleur, regardant le petit derrière de la demoiselle qui filait avec le gars en commentant : « En même temps à la place de ce type, moi aussi je serais pressé… » Le ton était donné, j’étais 100% hétéro, cet inconnu n’aurait désormais plus de doute. « Merci pour le verre… » Mes lèvres trempèrent dans le cocktail un instant. Ouais, un peu trop cheap pour moi. Je défiais donc mon interlocuteur : « En fait, je te pardonne si tu m’aides à trouver du bourbon… » Comment ça on ne choisit pas son cadeau de pardon ? J’avais envie de le défier, ce petit jeune, et il me semblait plein de ressources.
Autant pour moi, je t’avais bousculé de plein fouet de façon involontaire, pris dans l’excitation des deux tourtereaux qui venaient de me passer devant. Tourtereaux, pas sûr en fait. Ils étaient probablement plus un simple coup d’un soir l’un pour l’autre, pris dans la folie d’une soirée un peu trop arrosée, la chaleur du dancefloor et une faiblesse d’esprit passagère. Parce que, come on, qui courrait littéralement vers la chambre en tirant une fille derrière lui ? C’était très beauf et vraiment peu gentleman. « En même temps à la place de ce type, moi aussi je serais pressé… » Tu m’arrachais un petit rire mesquin. C’est vrai que la nana avait l’air pas mal, même si elle m’était passée devant à la vitesse de l’éclair. J’étais tombé sur un confrère de drague, apparemment. Le verre de pardon offert, tu signais la réconciliation en y trempant le bout de tes lèvres, non sans une faible grimace. « En fait, je te pardonne si tu m’aides à trouver du bourbon… » Un sourire en coin vint étirer mes lèvres. « Ca ne devrait pas s’avérer très compliqué. » rétorquais-je en jetant un coup d’œil autour de moi. T’avais vu la baraque dans laquelle on passait la soirée ? Semblable à la mienne, la villa familiale – la famille parfaite en apparence. Je connaissais bien ce portrait. Alors, je me mettais en marche vers le grand salon chic qui était pour l’instant peuplé d’étudiants bien défoncés. J’analysais rapidement la pièce avant de rejoindre le petit cabinet dissimulé dans un angle de mur. J’ouvrais ses portes, fouillais quelque peu entre les différentes bouteilles de haute gamme, avant d’en sortir discrètement une bouteille de bourbon, comme tu me l’avais demandé. Je me relevais, vérifiais que personne ne m’avait pris en flagrant délit, puis te la tendais. « T’as des goûts de luxe, quand même. » me contentais-je de répliquer.