(owen&lily) be my guest.

Il n’est pas loin de dix-huit heures. Lily déambule, comme à son habitude, dans le grand manoir qui lui sert de domicile depuis plusieurs semaines désormais. Tout est immense, comme figé dans un autre temps. Dans l’après-midi elle a pris le temps d’aller faire un tour dans l’immense parc qui entoure la bâtisse : l’architecture du lieu a quelque chose de singulière, et c’est d’autant plus flagrant lorsqu’on l’observe de l’extérieur. L’endroit est beau, à sa manière. Pour le visiter une fois ou deux surtout, moins pour y vivre au quotidien cependant, car l’on se sent vite très seul en arpentant les couloirs interminables qui quadrillent le bâtiment.  Les joues rosies par le froid qui commence à tomber sur Boston, elle souffle sur ses mains, connaît un certain regain d’énergie depuis quelques jours. De sa ballade elle revient revigorée, prête à affronter la soirée qui s’annonce sans s’appesantir sur les heures solitaires qui se profilent. Lawrence ne rentrera pas ce soir, ou du moins, pas à une heure décente. Il l’a prévenue de vive voix au moins cette fois-ci. Il y a sensiblement du mieux dans leur manière de communiquer depuis que l’abcès a été crevé. Mais on est loin des frétillements de leurs débuts, où ils parlaient beaucoup, par écrit notamment, parce qu’il trouvait alors plus de temps à lui consacrer. Avec la prise de ses nouvelles fonctions, la donne avait changé. Il lui fallait s’y habituer, elle le savait.

Enceinte jusqu’aux yeux, à peine à un mois du terme, Lily avait parfois hâte que cela se termine. Elle attendait la délivrance avec une impatience non feinte, n’en pouvant tout simplement plus de toute cette énergie que les jumelles puisaient dans son corps naturellement chétif. Se posant dans le canapé, les jambes engourdies probablement parce que le sang avait des difficultés à y affluer, elle prit une minute pour se poser après avoir marché, puis entreprit d’aller se doucher à l’étage. Se glissant sous l’eau chaude, savourant l’impression que ses muscles se déliaient un à un sous le crépitement de l’eau, elle se massa le crâne, avant de se résoudre enfin à sortir, s’envelopper dans une serviette tiède, et se changer pour une tenue plus commode, et plus pratique. Optant pour un pantalon noir de femme enceinte bourré d’élasthanne et un chemisier clair, elle redescendit enfin dans le salon, où Armand, leur « majordome » (celui de Lawrence surtout, elle-même refusait de le considérer comme tel) l’attendait patiemment.

« Mademoiselle, il y a quelqu’un pour vous dans le hall d’entrée. Je me suis permis de le faire patienter en attendant que vous soyez redescendue. Un certain monsieur O’Connell.
- Quoi ?! Owen est ici ? Mais vous pouviez le laisser entrer vous savez !  dit-elle, sa voix dénotant un enthousiasme nouveau, presque enfantin, alors que d’un pas rapide elle quittait l’immense salon pour rejoindre le hall d’entrée, d’une taille toute aussi impressionnante. Elle distingua la silhouette de son ami presque immédiatement, et s’élança dans sa direction, bourrasque de cheveux roux encore humide. Oween ! Mais qu’est-ce que tu fais ici ?! le questionna-t-elle, se permettant la familiarité de passer ses petits bras autour de ses épaules pour le presser contre son corps déformé par la grossesse. Ça fait des mois que je te dis que tu peux venir quand tu veux, et c’est quand je suis grosse comme un éléphant que tu te décides à te montrer ?! lui reprocha-t-elle, plus avec humour qu’autre chose en le gratifiant d’une tape amicale dans l’épaule. Viens entre, j’suis toute seule ce soir, ça tombe bien. » lâcha-t-elle, décontractée, en l’invitant à prendre ses aises. Même si ce n’était pas forcément simple de se sentir comme chez soi dans un tel décor : elle-même n’y arrivait toujours pas, même après des mois.