JASMINE B. O'NEARY ► charlotte cardin

10 août 1996. Chaude journée d'été à Wellington en Nouvelle-Zélande. Une femme est allongée sur un lit d'hôpital, hurlante de douleur. Le travail est commencé depuis déjà plusieurs heures et rien ne semble arriver à la soulager. Pourtant, pour son petit garçon les choses ne se sont pas déroulées ainsi. La naissance de Nolan s'est fait de manière rapide. Son époux qui lui tient la main commence à se dire qu'il y a clairement quelque chose qui cloche. Ce n'est pas normal que sa femme souffre autant. Brusquement, il se retourne vers le gynécologue et les infirmières. « Vous allez vous bouger, oui !? » Aussitôt, ils s'exécutent. Ils savent tous l'un comme l'autre qu'il vaut mieux ne pas mettre Abraham O'Neary en colère. Cet homme est l'un des plus riches et puissants de toute la Nouvelle-Zélande. L'une des infirmières donnent un second calmant à la jeune mère, espérant qu'il atténuera les contractions. Hélène O'Neary se calme peu à peu, poussant de toutes ses forces pour faire sortir sa petite fille. Elle sait que plus les minutes passent, plus les chances que l'enfant survive son mince. Dix longues minutes s'écoulent et un petit cri se fait entendre. Aussitôt, Hélène éclate en sanglots. On dépose sa petite fille sur son ventre et elle embrasse son petit front. « Regardes comme elle est magnifique !! » souffla-t-elle à l'intention de son mari. « Elle est superbe ma chérie, exactement comme toi. Comment souhaites-tu l’appeler ?? » La jeune maman posa le regard sur sa fille, esquissant un sourire attendris. « J'avais pensée à Jasmine. Qu'en dis-tu ?? » Mais Abraham n'a pas le temps de lui répondre. Soudainement, Hélène est prise de convulsions. On lui prend le bébé des bras, essayant au plus vite de la calmer à l'aide de sédatifs. Malheureusement, il est trop tard. La pauvre femme fait une hémorragie due à l'accouchement. Elle succombe quelques minutes plus tard.

Il va sans dire que mon arrivée dans la vie n'a pas donné un bon tond à mon existence. Le décès de ma mère a été une tragédie, autant pour mon père et mon frère que pour moi-même. D'une certaine manière, à cause de moi, Nolan se retrouvait sans mère, tout comme moi d'ailleurs. Ce fût cependant mon père qui le prit de la manière la plus difficile. Je ne m'en rendais pas compte à l'époque, mais je réalise aujourd'hui qu'il m'en a longtemps voulu de lui avoir enlevé sa femme. D'une certaine manière, je le comprends. Je ne l'ai jamais connue, mais à ce qu'on dit, ma mère était la femme la plus adorable qui soit. Elle était pétillante, pleine de vie et avait ses convictions auxquelles elle tenait énormément. Étant petite, je passais mon temps à demander à mon frère de me parler d'elle et des souvenirs qu'il en conservait. Je me blottissais contre lui sous les couvertures et j'essayais de me faire une idée de cette femme que je n'avais jamais connue.

Malgré l'absence de ma mère, nous n'avons jamais manqués de rien. Notre père était effectivement l'un des plus grands PDG de toute la Nouvelle-Zélande et il inspirait le respect et la crainte à la plupart de ses collègues de travail. Malgré le fait qu'il ne m'accordait pas vraiment d'attention, j'admirais énormément cet homme qui semblait tellement passionné par ce qu'il faisait. Je rêvais secrètement d'un jour lui ressembler et d'arriver à monter moi aussi mon entreprise, qu'elle soit petite ou aussi immense que la sienne. À cette époque, j'adorais déjà les animaux. J'étais le genre de petite fille à ramener un oiseau blessé au manoir familial afin de le soigner. Je faisais déjà semblant que j'avais ma propre clinique vétérinaire et que je savais parfaitement comment m'y prendre. J'étais déjà une véritable tornade, pleine d'énergie et aussi têtue qu'une mule. Nolan devait souvent me ramener à la raison. Tant qu'à mon père, il me semblait que son humeur envers moi devenait de plus en plus froide.

Mais les choses changèrent en septembre 2008. Je venais à peine d'avoir douze ans et disons que les vacances d'été ne s'étaient pas déroulés de la même manière que d'habitude. Moi qui avais toujours été de nature énergique et sportive, je me sentais constamment fatiguée, faible et j'avais de plus en plus régulièrement des vertiges. Au bout de quelques semaines, mon père décida de m'amener à l'hôpital pour faire des tests. C'est là que le diagnostique tomba. J'étais atteinte de la leucémie et il me fallait débuter des traitements au plus vite si je voulais avoir une chance de m'en sortir. Évidemment, ce mot m'a immédiatement terrifiée. J'étais tellement jeune. J'avais encore beaucoup trop de choses à vivre pour mourir tout de suite. J'ai donc débutée à peine quelques jours plus tard des traitements de chimio-thérapie. Petit à petit, j'ai vu mes cheveux tomber. Je me suis sentie envahie par la douleur. Les premiers mois, je n'ai pas pue me rendre au lycée. Dommage puisqu'il s'agissait également de ma première année dans ce nouvel établissement. Heureusement, mon père a réussi à me trouver un professeur particulier qui m'enseignait à la maison. De cette manière, je ne prenais pas de retard sur mes autres camarades. Nolan passait tout son temps libre avec moi, tentait de me faire rire. Tant qu'à mon père, je me mis à le découvrir sous un autre jour. Soudainement, il devint extrêmement attentionné à mon égard, se reprochant de ne pas avoir passé assez de temps avec moi par le passé. Il m'offra même un bébé chien, un petit pug que je prénommai Luna. Petit à petit, je reprenais du mieux. Certes, c'était très difficile. Certains mois, j'étais même convaincue que je ne m'en sortirais pas. Mais finalement, je pue reprendre des cours au lycée et me sentir de nouveau comme une adolescente normale.

Ce n'est qu'à seize ans qu'on m'annonça que je n'avais plus rien, que j'étais en rémission. Enfin, je pourrais de nouveau profiter de la vie comme une personne normale. Certes, mon père s'inquiétait un peu, ne souhaitant pas que je fasse une rechute ou que je tombe de nouveau malade d'une toute autre manière, mais je n'en fis qu'à ma tête. J'étais trop longtemps restée enfermée dans une bulle de verre. Il me fallait désormais profiter de la vie et de ses biens-faits. Rapidement, je me fis tout un tas de nouveaux amis avec qui je sortais régulièrement et avec qui je fis de nouvelles expériences. En à peine un an, j'ai pris ma première cuite, ma première cigarette, mon premier joint et j'avais couchée pour la première fois. C'était l'époque des conneries et jamais je ne regretterai de les avoir faites. Être malade m'avait appris que la vie est bien trop courte et qu'il faut en profiter au maximum pendant qu'elle passe.

Rapidement, l'inscription à l'université arriva. Depuis mon enfance, je n'avais toujours pas changée d'idée. J'allais être vétérinaire et ça, rien ni personne ne pourrait m'en empêchée. J'avais d'abord prévu de demeurer à Wellington. Mon frère était parti depuis quelques années déjà à Harvard et je ne voulais pas laisser mon père seul. Cela dit, ce dernier me surpris grandement en m'ordonnant presque de m'inscrire à Harvard moi aussi. Je ne sais pas si je vous l'ai déjà dit, mais je déteste les ordres. J'ai d'ailleurs passé à deux doigts de l'envoyer bouler. Cependant, j'étais quand même consciente qu'il n'était pas parfaitement d'accord avec mon choix de carrière et qu'Harvard pourrait quand même m'apporter beaucoup plus que notre université locale. Qui plus est, vivre à Cambridge serait une expérience de plus à vivre. J'ai donc cédée et je suis partie pour cette ville qui m'était parfaitement inconnue.

Je suis déjà en troisième année d'études et tout compte fait, je suis parfaitement heureuse d'avoir fait ce choix d'université. Je suis auprès de mon frère, je me suis fait des amis géniaux et j'étudie dans un domaine qui me passionne encore plus que je ne l'aurais crue. Cinq années se sont écoulées depuis la fin de mon cancer. Je peux donc dire aujourd'hui que je suis officiellement guérie. Je ne mets donc plus un point d'honneur à faire attention à moi. Bien sûr, je m'efforce de faire attention à ma santé et je suis végétarienne, mais je ne me prive pas de faire la fête et de vivre ma vie comme je l'entends. À côté de mes études, je bosse les week end comme assistante-vétérinaire au zoo. Évidemment, ce n'est pas l'argent de ma famille qui manque et je sais que je n'aurais pas vraiment besoin de travailler pour l'instant si je ne le voulais pas, mais je me dis que c'est une expérience supplémentaire qui m'aide pour ma future carrière. Aujourd'hui, je peux dire que je suis parfaitement heureuse si on enlève le fait que mon père m'a fiancé d'un commun accord avec le fils d'un de ses amis de longues dates. Évidemment, pour l'instant, je continue de vivre ma vie comme je l'entends, mais je maudis le jour où je devrai rencontrer ce mec que je ne connais pas et dont je n'ai absolument rien à faire.