we don't talk anymore (salyes)

Ton téléphone vibrait. Un message venait d'arriver. Tu avais contacté Sally par texto quelques minutes plutôt et pourtant tu n'avais pas soupçonné que ça puisse être elle. Un soupir t'échappait. Sa petite pique n'était pas passé inaperçu. Soudainement c'était à toi de te souvenir qu'elle existait. De ton côté, tu avais eu cette impression qu'elle t'avait oublié, écarté. La première fois en ne comprenant pas ton rejet de sa tante qui est ta mère biologique, et la deuxième en se rangeant derrière Aaric après que tu les aies surpris. Tu lui en voulais pour ça. Tu avais tout juste cette impression que vous n'étiez plus le duo que vous aviez longtemps formé, et tu te laissais juste convaincre qu'il allait te falloir le temps de digérer. Oublier, peut-être pas. Mais digérer, oui. Cela dit tu te faisais forcément une joie d'aller récupérer Zoé. Tu la voyais de moins en moins et le peu de fois où tu la voyais c'était parce que tu passais comme un voleur chez ta mère quand cette dernière la récupérait de la crèche. Oui tu avais fuit Sally, et elle n'avait non plus cherché à te voir de toute façon. Puis ta vie était un beau merdier en ce moment, et tu ne te lassais pas de l'innocence et du sourire de ta nièce. Tu l'as récupéré, vous aviez goûté ensemble, joué, rit et tu t'étais amusé mais à l'évidence, elle avait fini par s'assoupir quelques minutes à peine avant l'arrivée de Sally. Salut ! As-tu en te redressant du canapé. Elle vient de s'endormir, j'ai pas su l'en empêcher.

De mémoire, tu n'avais jamais eu de moments de ce genre avec Sally. Jamais vous vous en étiez voulu autant que cette fois et ce n'était pas évident à assumer. Tu n'as jamais été le genre de bonhomme très solitaire. Tu as toujours eu des amis sur qui compter, mais ta sœur, elle, avait toujours eu une place de choix dans ta vie. Elle l'était toujours d'ailleurs, mais autant dire qu'elle te manquait, et que tu étais surtout bien confus. Ça marche. Te dirigeant vers la cuisine, tu sentais bien que l'ambiance s'alourdissait. Un malaise, une gêne était là, et tu n'étais pas à l'aise du tout. Tu as alors simplement récupéré une bouteille d'eau que tu ouvrais avant de dire.  Je vais y aller. Je reviendrai quand m'man sera rentrée, ou au pire je la verrai demain. Tu as bu une gorgée d'eau et tu récupérais tes affaires dans le salon, à la recherche de ton téléphone.

Tu recherchais ton téléphone que tu avais sûrement utilisé la dernière fois pour mettre un peu de musique avec ta nièce, et ce foutu gadget semblait s'être fait la malle. Tu regardais donc dans la pièce à vivre alors que Sally te disait qu'elle pourrait aussi partir. Tu as fait un léger non de la tête. Non, non. Je vois pas pourquoi tu ferais ça. Tu n'étais pas dans le rejet de voir ta sœur, mais tout juste dans l'incapacité de faire le véritable premier pas. Tu n'étais pas à l'aise et tu ne voulais ni t'excuser ni envenimer la situation. Le pire c'est que même si tu lui en avais voulu pour les histoires de mère biologique, elle ne t'avait vraiment atteint qu'en prenant le parti de son plan cul devant toi. Ces deux-là en train de se déshabiller et de se bécoter t'avait surpris, et oui tu l'avais mal pris, notamment venant d'Aaric. Mais tout se mêlait en toi : l'inquiétude que tu avais pour ta sœur, l'avenir potentiel qu'ils pourraient avoir ensemble que tu ne voyais pas forcément rose, ces histoires de famille. En vérité, tu venais de traverser la plus grosse crise identitaire de ta vie avec ses histoires de mère biologique, et Sally ne l'avait pas vu. Pire tu ne savais même plus où était ta place dans tout ça. Tu veux bien bipper mon téléphone ? Je sais pas où je l'ai foutu.

Demander à Sally de te biper c'était gagner du temps, et éviter de discuter de choses dont tu ne voulais pas forcément parler. Un peu comme elle, certainement. Vous ne parliez plus du tout depuis déjà de longues semaines. C'était lourd à supporter, mais au moins tu t'assurais de ne pas trop empiéter sur sa vie comme elle te l'avait reproché si sévèrement au profit de son petit ami. Soit. Ton téléphone commençait tout juste à sonner, et très vite vous interrompus par votre mère. Bonsoir, m'man ! As-tu bien insisté comme pour souligner le fait qu'elle n'avait nullement pris le temps de te saluer, ni toi ni Sally d'ailleurs. Ta mère était une femme de caractère, et elle en imposait. Si tu avais réussi à arranger le choses avec elle il y a plusieurs semaines. Elle t'avait compris, et elle t'avait remonté les bretelles en même temps. Mais surtout elle t'avait rassuré. Je me sens puni. A vingt-six, c'était la loose.

Quelques semaines plutôt, tu n'aurais pas traîné ici. Parce que justement à ton retour du Laos tu avais aussi fuit votre mère. Et ça jusqu'à ce qu'elle impose une discussion claire et sans retenues. Elle avait vite compris que tu avais été mal en point un bon moment, et pire elle s'était rendu qu'elle avait minimisé l'effet du retour de sa sœur dans vos  vies. Tu ne pouvais pas t'attendre à ce que Sally comprenne. Pour Sally c'était plus simple. Elle avait été portée par votre mère. Elle était sa fille pleinement. L'autre n'était jamais que sa tante mourante. Junkie et mourante. Je crois mon téléphone dans le pli du canapé. Celui où elle était assise. Tu passais pour le mec qui n'en avait rien à foutre mais ce n'était pas le cas. D'ailleurs avant même qu'elle ne bouge ou pas tu as fini par dire. Ecoute si ton problème c'est l'épisode avec Aaric, considère que tu n'as plus de problèmes Sally. Faites votre truc et fais attention à toi c'est tout. C'est tout ce qui m'importe. Tu l'avais mal pris, c'était certain. Aaric qui déshabillait ta soeur dans ton salon, Aaric qui était un bon pote qui s'envoyait ta sœur, tout ça c'était trop d'un coup. Sans compter qu'aucun des deux ne semblaient te comprendre. Mais tu étais tellement préoccupé par d'autres choses, que tu finissais par te dédouaner de tout ça. Avec ou sans toi, ça ne changera rien de toute façon.