Shivy • un souvenir oublié.

Je venais de terminer ma journée au Redemption Tatoo, où j'ai dû tatouer une grosse pièce sur le bras d'un mec assez balèze. Mon seul rendez-vous de la journée, vu le temps que ça prenait. Je marchais tranquillement dans les rues de Cambridge, à me demander ce que j'allais bien pouvoir faire de mon temps libre. Vu l'heure avancée de la journée, je n'allais pas déjà me retrouver dans un bar, puis j'allais éviter le Lord Hobo quelques temps, suite à l'altercation que j'ai eue avec Charlotte l'autre soir. Déambulant sans aucun but, j'ai reconnu une chevelure blonde que je reconnaissais parfaitement devant moi. Ivy, mon ex-copine. Accélérant légèrement le pas pour arriver à sa hauteur, je venais tapoter sur son épaule. « Bah alors, on dit pas bonjour ? » lui demandais-je alors, avec un sourire amusé. Je ne savais pas pourquoi je venais de lui dire ça, étant donné qu'elle était quelques mètres devant moi et qu'il était impossible qu'elle m'ait vu, mais peu importe.

Ca faisait bien longtemps que je n'avais pas vu la jolie blonde. Malgré notre rupture il y a quelques années, j'ai toujours gardé de bonnes relations avec elle. Et j'étais assez étonné de ne pas en avoir eu depuis cet été. Alors en la voyant là, bien entendu, j'étais content. Cependant, je ne m'attendais pas à ce qu'elle me prenne dans ses bras aussi naturellement. Comme je ne suis pas un enfoiré, je l'enlaçais également. Elle me demandait ce qui valait ce plaisir. Un sourire amusé venait se glisser sous ma barbe mal rasée. « Bah écoute, je t'ai vue devant moi alors j'me suis dit que c'était l'occasion de prendre de tes nouvelles. Ca te dirait qu'on aille boire un verre pour discuter ? Ca fait un moment quand même. » dis-je alors à mon ex-copine. « T'as des nouvelles de Wade, d'ailleurs ? » demandais-je alors, bien que je connaissais très bien la réponse. Ivy et Wade, c'est comme les céréales et le lait. L'un ne va jamais sans l'autre, et c'est ce qui avait causé beaucoup de choses entre elle et moi. Je n'allais pas remettre le sujet sur le tapis cette fois encore. L'eau a coulé sous les ponts, comme on dit.

Quelque chose avait changé chez la jeune fille depuis la dernière fois où je l'avais vue. Je ne savais pas trop ce qui me faisait penser ça, mais j'étais vraiment étonné qu'elle soit tactile avec moi juste avant, et le regard qu'elle porte sur moi. C'est semblable à l'époque où on sortait ensemble, presque. Faut dire que physiquement, j'ai pas trop changé, en dehors du nombre de tatouages qui sont sur mon corps, et peut-être de la masse musculaire qui s'est un peu développée. J'ai pas l'impression d'avoir réellement changé, en vérité. « J'passe pour un mec pas galant et pauvre si c'est toi qui paye. » dis-je en riant en la suivant dans le petit resto-bar dans lequel elle voulait aller. Elle me disait que Wade était papa, divorcé et qu'il avait terminé ses études. Bien que je n'ai jamais su ce que ce mec avait contre moi, j'ai su développer une indifférence totale face à lui avec le temps. Au départ, j'avais vraiment du mal à le supporter. Aujourd'hui, j'irai pas lui sauter à la gorge, ni même le saluer. Il fait sa vie, je fais la mienne, et c'est très bien comme ça. « Et t'as toujours pas idée du pourquoi il me détestait autant ? Parce que j'lui ai rien fait, à part sortir avec toi. Il est amoureux et il assume pas, c'est obligé. » dis-je avec un sourire taquin, alors qu'on s'installait à une table. Elle m'observe, avant de me demander ce que je devenais depuis le temps. « Egal à moi-même. J'bosse toujours au Redemption, j'vis toujours seul, j'fais toujours des balades à moto, j'me bats toujours avec des gens... Rien qui change d'avant. Et toi, qu'est-ce que tu racontes ? » lui demandais-je alors, en faisant signe au serveur de prendre nos commandes. Je posais mon regard sur la jeune femme, avec un léger sourire, à l'écoute de ce qu'elle allait me dire.

Elle se moquait de moi en disant que si je voulais récupérer un peu de virilité, je pouvais lui payer sa glace. Je lui tirais la langue pour déconner, avant de lui répondre. « On verra qui dégaine le porte-feuilles le plus rapidement, sinon. » dis-je alors en lui adressant un sourire amusé, suivi d'un clin d'oeil. Je tenais absolument à payer moi-même. Puis elle m'expliquait la situation entre elle et Wade. Comme quoi il était trop protecteur envers elle, que c'est pour cette raison qu'il pouvait pas m'encadrer, que selon lui, tous les mecs ne sont pas assez bien pour Ivy. Dans ma tête, j'avais envie de rire quand elle me disait que ce mec n'était pas amoureux d'elle. Soit elle ne voit pas la vérité, soit Wade a un sacré complexe d'infériorité pour penser que tous les mecs qu'elle choisit son des enfoirés. Peu importait. L'eau a coulé sous les ponts, étant donné que ça fait trois ans qu'il n'y a plus que de l'amitié entre Ivy et moi. « Au pire j'ai plus mon mot à dire, tu sais. On est potes, non ? » dis-je simplement, en souriant. Elle commandait un cheeseburger, des frites et un coca. Après peu de réflexion, je tendais la carte au serveur en lui disant « La même chose pour moi. » Dans le pire des cas, j'irai courir un peu ce soir pour éliminer ces calories. Mais je n'avais pas envie de prendre une salade insipide pour faire genre "Je suis un sportif raffiné" parce que ça ne me va pas du tout. Le serveur nous rapportait nos assiettes et nos boissons, tandis qu'Ivy affichait une petite moue. Elle m'annonçait qu'elle avait eu un accident cet été, et qu'à cause de cela, elle a oublié les trois dernières années de sa vie. Sous le choc, j'arquais un sourcil. Une question me taraudait. « Ca veut dire que quand tu t'es réveillée, dans ta tête on était toujours ensemble ? » Je ne voulais pas paraître brusque avec cette question, mais ça expliquerait beaucoup de choses concernant son comportement de tout à l'heure, et de ses regards qui se veulent discrets. Je cherchais son regard, sans réellement le trouver. Ni une, ni deux, mon bras traversait la table pour trouver son menton, que je relevais délicatement. « Te cache pas, Ivy. Si t'as des questions, tu peux me les poser, j'te répondrais. Et si tu veux changer de sujet, j'comprendrais. dis-je alors, en lui souriant de manière compatissante. Je voulais qu'on passe un bon moment, pas la voir pleurer.