Quand Minna s'en mêle

Les cours commençaient doucement, enfin le rythme était soutenu, mais je gerais plutôt bien le truc ! Un peu différent de ce qu'on avait en Allemagne, mais dans un sens c'était plus intéressant. Je profitais de l'enseignement pleinement même si j'avais toujours du mal à me faire aux habitudes du pays. 

Ce qui m'avais choquée le plus en arrivant c'était la façon dont s'était intégré mon frère. Le voir plus confiant sur sa moto, sur ses choix, c'était à la fois intrigant et déroutant. Il n'était pas question que je sois quelqu'un d'autre moi, et si papa acceptait ces changement de son fils chouchou, moi je voyais bien qu'il allait dans le mur. 

Pourquoi pas de la danse non plus ? Du dessin ... On aura jamais vu un ministre peintre. J'avais passé la nuit à parler à mon père, mais si lui ne disais rien, il faudrait que moi je m'en occupe. J'avais payé un mec pour trouver la chambre de milow et saccagé tout son travaille, tout ce qui serait dessin, peinture, partition, instrument, il devrait tout déchirer, briser pour que ce rêve naïf de milow soit tué dans l'oeuf. 

J'avais payé cet étudiant à la réputation mal famée pour faire le boulot et les photo qu'il m'avaient rapporté du désastre était plutôt intéressante. J'avais récupéré ce truc que gardais milow qui ressemblait à un instrument de musique et me réjouissait de savoir que grâce à moi mon petit frère deviendrait un homme.

J'attendais une semaine avant de m'en mêler, il ne devrait jamais savoir que j'étais là derrière, juste je profitais du week end pour rejoindre mon frère a l'improviste dans sa maison. En toquant je m'anonçais pour demander la chambre de milow. Lui et moi on devrait avoir une conversation sérieuse à propo de son avenir. 

- toc toc ! C'est ta soeur, laisse moi entré milou.

Mon plan machiavélique pour remettre mon petit frère sur le droit chemin avait été exécuté de main de maitre, je ne regrettais pas d’avoir eu à faire à cet usurier dont je garderai le numéro de téléphone précieusement. Rejoignant la chambre de mon petit frère l’air de rien, j’attendais son approbation pour entrer.

Qu’elle ne fut pas ma surprise quand je l’observais en train de faire ses cartons. Pendant un moment je déglutissais, moins fière de moi, j’arrivais presque à culpabiliser. Est-ce qu’il était en train d’abandonner l’école à cause de moi ? Mes efforts n’auraient servi à rien s’il abandonnait tout définitivement.

- Je tombe mal on dirait ? Tu pars en vacance ?

M’approchant de mon frère pour venir poser une bise polie sur sa joue, je reculais par la suite pour observer en gardant une distance de sécurité suffisante. Il n’y avait plus aucune trace du forfait de la semaine dernière, le petit Schäfer avait fait place nette dans sa chambre. J’étais à la fois surprise et inquiète du comportement de mon frère.

- Je passais dans le coin, et j’avais envie de voir un peu où tu vivais. Si j’attends que tu m’invites pour prendre de tes nouvelles je n’en aurais pas souvent.

Lui et moi nous n’avions jamais été proches au point d’échanger nos secrets, mais j’espérais qu’il me croit sincère dans l’idée que je puisse m’inquiéter de son bien-être. Si mes intentions étaient tout autre, le voir avec une mine aussi exacerbée ça me laissait avec des doutes sur mon initiative de la semaine dernière.

Sans l’interrompre dans son œuvre, je prenais place sur un coin de son lit pour m’assoir dignement, une jambe repliée sur l’autre je posais mes deux mains sur les genoux croisés en manifestant non verbalement ma position ferme de rester un petit moment avec lui. Mon regard parcourait le reste de la chambre, curieuse et malicieuse à la fois.

En arrivant dans la chambre de mon petit frère, je ne pouvais pas passé à côté de ces cartons qui jonchaient chacun des côtés de la pièce. J’avais toujours eu du mal à communiquer simplement avec Milow, c’était difficile à expliquer, mais même pour un sujet des plus simple ça terminait toujours en sarcasme aigu.

Moi j’étais là pour venir étudier son cas, ça nouvelle lubie d’artiste, et avant même qu’on puisse évoquer tout ça je le voyais monter sur ses grand chevaux. Un vrai Schäfer, pour ça on ne pouvait pas le lui enlever, il était plus têtu qu’une mule. Soupirant quand il esquivait chacune de ses questions, je croisais les bras sur ma poitrine en le regardant d’un air plus sévère qu’à mon arrivée.

- T’en a pas marre de jouer les petits cons avec moi ?

Si papa le voyait, il serait tellement déçu. Je trouvais deux carton empilé de taille suffisante pour se poser juste sous mes fesses et j’en faisais un siège pour venir me poser en le regardant continuer son ouvrage comme si je n’étais pas là. Il semblait déterminé à partir d’ici, et d’une certaine façon je me rendais bien compte que c’était ma faute.

- Je viens juste voir comment tu vas, t’es chiant des fois tu sais ? J’ai pas le droit de jouer mon rôle de grande sœur de temps en temps ?

Pendant cinq minutes j’aurais voulu qu’on fasse une pause sur nos querelles pour se concentrer sur des choses moins insipides. Je repensais aux révélations de Cécilia, elle était une princesse, mariée avec le prince héritier … elle aurait certainement un jour la responsabilité d’un pays, et nous on venait à se chagriner pour des histoires de carton ?

- Je me suis installée, et figure toi que je partage ma chambre avec une fille, et tu vois ça, je suis encore vivante.

Je crois même que c’était la meilleure chose qui me soit arrivée depuis longtemps, je ne regrettais pas d’avoir rencontré Cécilia. Pendant un moment je restais là à regarder Milow faire son Milow, et puis je redescendais de ses cartons pour attraper son poignet et essayé de lui parler quelques instant. Je le regardais dans les yeux, d’une façon plus grave que d’habitude.

- Tu veux bien arrêter cinq minutes ? Qu’est ce qui te prends, qu’est-ce que tu essaies de fuir ? Le Milow que je connais est un peu nigaud, pas toujours habile, mais tu n’as jamais été du genre à prendre la fuite.

Pauvre petit frère, il faut toujours qu’il se prenne pour le centre du monde, c’était peut-être un trait de famille, je crois que papa est déjà comme ça un peu. Heureusement que les femmes Schäfer ont appris à faire la part des choses, même si ça restait compliqué d’entrer dans la tête de celui qui faisait son ado rebelle.

Milow n’avait même plus besoin de moi pour ça, il faudrait surement même que j’en vienne à le calmer s’il continuait dans cette voix. Ecoutant ce dernier faire son numéro de Caliméro exaspéré, je ne l’écoutais que d’une oreille tandis que mes deux yeux ne le quittaient pas. Il n’était clairement plus le petit garçon que j’avais connu en Allemagne.

- C’est là toute la beauté de la chose, je reste ta sœur, que ça te plaise ou non !

Il ne pourrait pas se débarrasser de moi, il aura beau fuir, je le retrouverai. Tout ça pour une guitare et quelques partition déchirée, mon frère avait toujours été dans l’excès. Je voulais qu’il sente que j’étais là pour l’aider, même s’il semblait en douter en se défaisant de la maigre emprise que j’essayais d’avoir sur son poignet.

Le brun se complaisait dans cette vie si misérable qu’il s’était construite, j’avais de la peine en le voyant faire, vraiment. Son sarcasme n’avait d’égale que cette façon patibulaire qu’il avait de se prendre pour un homme avec sa cigarette au bec. Je le laissais terminer sa phrase avant d’hausser le ton à mon tour en tapant mon pied paré d’un escarpin hors de prix au sol.

- Hedwig Jörgen Schäfer ! Il n’y a que toi pour imaginer que tout le monde est vrai.

Ses voisins, professeurs, même nos parents, tout le monde mentait, toujours, plus tôt il entrerait ça dans son crâne et plus vite il pourrait avancer dans le bourbier qu’il se construisait. En m’avançant près d’un carton, je venais ramasser un papier au sol, le monceau d’une partition déchirée, un reste qu’il avait surement oublié de ramasser.

- Ça t’étonnera surement petit frère, mais ma vie n’est pas rythmée par ta petite personne.

Je jouais avec la feuille, observant le tracé de quelques croches qu’on pouvait encore distinguée. D’aussi loin que remontait mes cours de piano, je pouvais reconnaitre un mi et un la. Je froissais tout ça entre mes doigts avant d’envoyer d’une pichenette la boulette de papier dans la corbeille pas très loin prévue à cet effet.

- Figure-toi que j’étais venu voir une amie qui loge dans ta résidence.

Maintenant que je savais que Jolène habitait ici, j’aurais au moins une excuse pour croiser mon frère à l’improviste. Je n’avais pas envie de mêler la gentille blonde à nos histoires, de toute façon je pense qu’elle devait être à mille lieues de pouvoir offrir une once de considération à un garçon comme Milow.

Je savais qu’elle n’était pas dans sa chambre, avant de venir je lui avais proposer de ce voir, j’aurais fait d’une pierre deux coups. Alors je soupirais en continuant d’observer celui qui continuait à ne penser qu’à fuir ses problèmes. J’allais jusqu’à une pile de deux cartons l’un sur l’autre pour venir m’y assoir en croisant les jambes.

- Elle s’appelle Jolène, mais on n’est pas obligé de faire comme si t’en avait quelque chose à faire.

Jouer les grandes sœurs ne m’avait jamais vraiment amusé, pas celle d’un petit frère que je ne comprendrais jamais. A choisir j’aurai préféré avoir une petite sœur, une princesse avec qui j’aurais pu partager mes chaussures. A défaut j’avais hérité d’un pseudo artiste qui pensait déjà tout connaitre de la vie.

- Un valet, quelle idée ? Si j’en avais emporté un avec moi en Amérique, je l’aurais choisi avec un peu plus de classe.

C’était un petit jeu entre nous, mais je pense qu’il finirait par s’en lasser avant moi, c’était souvent le premier à cesser le feu, d’une certaine façon c’était ma petite fierté d’avoir le dernier mot. J’aurais pu rester là, le regarder se noyer dans cet univers pathétique qu’il s’était construit tout seul, mais la vérité c’est qu’il me faisait tout de même de la peine.

Un jour il comprendrait que ce que je faisais c’était pour son bien, et que si pour ça je devais arracher chacune de ses partitions, bruler tous ses instrument et anéantir le moindre petit espoir qu’il avait de devenir un jour un clown de music-hall, je le ferais. Aujourd’hui j’avais une excuse, un alibi sous les traits d’une jolie petite blonde dont je n’avais pas envisagé l’impact avant de prononcer son nom.

Quand Milow changeait de regard, je devais avouer que c’était tout à fait inattendu. C’était avec surprise que je restais plaqué contre le mur sous le joug de mon frère invraisemblablement en colère. J’étais prise à la gorge en regardant le brun déconcerté me parler de mon amie d’une façon clairement inappropriée.

- Milow, tu me fais mal !

Il n’avait jamais été aussi violent avec moi avant, j’essayais de le repousser doucement avec mes mains, et quand je me rendais compte qu’il était vraiment décidé à me garder plaquée, je m’avançais tant que je pouvais, mon visage contre le sien pas si loin du mien. Malicieusement je venais poser mes lèvres contre celle de mon petit frère et sans forcer le baiser qui déstabiliserait le Lowell j’en profitais une fois sa garde baissée pour repousser fort son corps.

- Plus jamais tu portes la main sur moi t’entends ?

Le regard sévère, je jaugeais celui de mon frère en conservant cette fois des distances. Je n’avais jamais vu cette lueur agressive dans les yeux de Milow, il avait déjà été taquin, mais jamais violent.